Photo : Sahel De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Les lecteurs désertent au fur et à mesure les librairies. Celles-ci résistent contre vents et marrêes. La demande des ouvrages n'est que circonstancielle ou d'utilité. Cursus oblige. Une baisse de fréquence dont l'impact financier est sensible pour les propriétaires du moins engagés dans ce noble volet. «Si la profession n'est pas protégée par des textes clairement définis et qui affichent des mesures ‘'encourageantes'', beaucoup de librairies à travers le pays et non seulement à Constantine troqueront cet exercice, voire disparaîtront…», dira un libraire que nous avons rencontré. C'est une réalité du moins manifestée par les professionnels du livre. La régression dans la fréquentation du livre «en papier» demeure un signe désespérant qui pousse le métier à la porte. «La courbe descendante dans la fréquentation des espaces s'est nettement confirmée depuis 2006 jusqu'à ce jour avec une chute fort significative durant ces deux dernières années», témoigne un libraire à Constantine parmi la dizaine active et habilitée à symboliser dignement cet exercice. Toutefois, le phénomène n'est pas propre à Constantine ou à l'Algérie. Il est mondial. Avec le boom des multimédias et l'avènement du livre numérique, le devenir du livre en papier est des plus hypothétique. «Mais pour ce dernier support, on n'en est pas encore là», témoigne-t-on. Car cette lecture demeure un alibi universel qui pour le moins trouve ses repères et ses impacts dans les pays les plus voués à ce secteur.A l'échelle locale ou nationale, la problématique épouse une crise multiforme qui n'est pas générée uniquement par un fragment des poussées technologiques, mais par beaucoup de confusion qui gêne considérablement l'émergence de la profession en péril. La concurrence déloyale constitue une tuile aux yeux de ceux qui ont adopté ce métier beaucoup plus par passion. Les librairies excentrées sont quasiment les oubliées par les organismes publics lors du partage du gros lot de commandes. Dans ce cas, faudrait-il mettre en relief les institutions, notamment les campus universitaires qui tournent le dos aux professionnels et alimentent leurs bibliothèques en recourant à des «acteurs conjoncturels» guetteurs du budget annuel. «Des grossistes et importateurs gênent considérablement le travail du libraire fidèle au poste à longueur d'année. Sa contribution pour la promotion de la lecture est récompensée sans délicatesse. Au lieu de l'encourager par des commandes, au contraire de tierces personnes ont souvent le privilège de sauter sur les commandes», martèle notre même source.Partant de là, on s'interroge vraiment pourquoi les responsables ne recourent pas directement d'eux-mêmes aux importations, vu le budget alléchant dont ils disposent et éviter ainsi de «priser» des tiers devenus à la longue spécialistes des facultés en matière d'approvisionnement ? Commander chez de ‘'pseudos spécialistes'' sans rapport avec le monde du livre se transformant en fournisseurs potentiels et raflant les gros marchés des universités éclipse assurément le rôle du libraire. Cette concurrence déloyale pourra s'éteindre en baptisant des textes et en optant pour des classifications et distinctions entre libraire au sens propre du mot et celui frappé uniquement de la rituelle enseigne lumineuse «Librairie papeterie» dont le nombre est fort important. «Pourquoi ne pas instaurer une discipline qui stipule que les institutions sont dans l'obligation de solliciter les librairies recensées et dont l'activité est respectée. Une contribution qui pourra donner de l'espoir au métier. Cette option aura donné satisfaction depuis plus de 20 ans au Canada», éclaire un professionnel.Un autre écueil freine l'activité livresque, selon les libraires que l'on a accostés. Il s'agit particulièrement des expositions ventes non homologuées. «On comprend parfaitement qu'un salon ou une exposition institutionnalisée compte son étendue. Ce qui n'est pas le cas pour les exercices actionnés en chaque circonstance». L'incitation à la lecture promulguée par la tutelle reste un essai embryonnaire, car il faudra au moins attendre quelques éditions pour pouvoir tirer un constat sur l'engouement de la population tous âges confondus pour la lecture, ce qui interpelle indirectement le service des libraires et éditeurs à fournir davantage de titres. «Lire en fête», cette appellation calquée sur un modèle français, n'a pas encore livré son impact, quoique bénéficiant beaucoup plus aux importateurs avec un assortiment «pathétique» pour les libraires. «Après l'engagement et la passion, le libraire doit subvenir aux besoins de sa famille. Si l'on changeait de métier vu la crise qui frappe le secteur, il ne faudrait pas nous en vouloir …», conclut la plupart des acteurs du livre.