Aux yeux de ce défenseur des droits de l'homme, l'action doit concerner le plus grand nombre de personnes possible. Même si la démarche du Président n'est pas tout à fait explicitée dans l'état actuel des choses, elle n'en recueille pas moins l'adhésion enthousiaste de l'homme de loi, Farouk Ksentini. Présidant une commission ayant un rôle exclusivement consultatif, ce défenseur des droits de l'homme, invité jeudi du forum d'El Moudjahid, a clairement affiché sa position par rapport à la politique du président Bouteflika, portant règlement définitif de la crise sécuritaire algérienne. Homme de loi dont la probité et la rectitude ne font de doute pour personne, il tente d'expliquer aux présents les raisons qui se trouvent derrière sa position, mais aussi celle de l'ancien président Ahmed Ben Bella qu'il a tenu à «saluer solennellement», avant d'ajouter que «son poids moral saura jouer un rôle important dans la décision finale du peuple». Pour ce qui est du chapitre, combien laborieux, des explications, Farouk Ksentini souligne que «l'amnistie ne signifie nullement l'oubli puisqu'elle laisse intact le droit aux victimes de recourir aux tribunaux civils s'ils veulent se faire rendre justice». Il convient de rappeler qu'invité de notre rubrique «A coeur ouvert» avec L'Expression, celui qui préside la commission ad hoc sur les disparus avait clairement laissé entendre que sa porte était ouverte à tous. Cela, avant de mettre en avant sa volonté d'accompagner tous ceux qui voudraient aller à la justice. Cela étant, Farouk Ksentini ne peut pas en dire plus sur cette amnistie qui fait couler tant d'encre, mais qui reste quand même drapée de nombreux coins d'ombre. «L'amnistie est une loi. Tant que ce texte, qui sera destiné à consultation référendaire ne sera pas connu, il serait hasardeux de s'aventurer plus loin dans la spéculation». Spéculation ? Peut-être pas. Mais lectures juridique et politique, si. Farouk Ksentini est formel. Du haut de ses trente années de militantisme en faveur des droits de l'homme, il décrète que «dans tous les cas de figure, l'amnistie ne saurait contredire les droits de l'homme». Utopique mais, présumons-nous, proche des décisions révolutionnaires que s'apprête à prendre le Président Bouteflika, Ksentini souligne que «les droits de tous doivent être préservés, ceux de la société, des victimes et même ceux des coupables». Puis, surgit ce cri du coeur d'un authentique militant indépendant: «De toutes mes forces, je souligne que cette idée progresse et prospère parce que le peuple, dans son écrasante majorité, attend sa concrétisation avec impatience». Mais une fois consommée cette élancée lyrique, force est de remettre quelque peu les pieds sur terre. Le temps des questions, de plus en plus pointues (et sans réponses), a commencé. La première a trait à la qualité des personnes concernées par cette fameuse amnistie. Ici, Ksentini admet n'en rien savoir. Il n'en martèle pas moins souhaiter «qu'elle affecte le plus grand nombre possible». Car, à ses yeux, «jamais, il ne faut faire les choses à moitié». Il reste, ce disant, convaincu que «les services de sécurité, ni l'Etat, ne sont en rien concernés». Explication: «S'il y a eu des dépassements de la part de quelques agents, cela n'est aucunement le fait des autorités elles-mêmes!» Re-tombent alors certaines des phrases qui ont rendu l'homme célèbre à travers le monde entier: «Le premier disparu au plus fort du terrorisme était bel et bien l'Etat». Puis, «l'Etat est responsable, mais non coupable». Quant à la date de la tenue de ce référendum, somme toute déterminant pour la suite des événements, force est de croire que celle-ci ne va pas tarder à se faire jour. Ksentini, en réponse à cette pertinente question, a pris pour exemple la précédente consultation populaire relative à la concorde civile, intervenue au mois de septembre 1999, c'est-à-dire à peine quatre moins après l'arrivée de Bouteflika au sommet du pouvoir. S'agissant de l'amnistie et de la réconciliation, force est de constater que ce délai est largement consommé. Un constat, du reste, qui prête à penser, au regard de nombreux signes et appels qui ne trompent pas, que la chose ne saurait guère tarder.