Le vieux militant des droits de l'Homme a demandé la levée immédiate de l'état d'urgence. Il a également réclamé l'ouverture d'un débat télévisé autour de l'amnistie générale, associant “tous ceux qui ont quelque chose à dire : les partis politiques, les associations, les syndicats, les victimes ainsi que ceux qui sont partis à l'étranger”. “L'état est coupable dans les disparitions”. C'est ce qu'a affirmé le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), Me Ali Yahia Abdenour lors d'une conférence de presse animée, hier, au siège de son organisation. En compagnie de responsables de la LADDH, Ali Yahia Abdenour a expliqué en réaction aux déclarations de Me Farouk Ksentini, président de la Commission consultative des droits de l'homme qu'il “est aberrant de dire que l'état est responsable et non coupable”. Sur cette question des disparitions, l'orateur notera que “des ordres ont été donnés d'en-haut”. à ce propos, Ali Yahia Abdenour dira qu'“il y a deux types de terrorisme : le terrorisme des personnes armées et le terrorisme d'état. Et dans cette affaire de disparitions, l'état a réagi comme les terroristes”. Explicitant son propos, il précisera que “les services de sécurité et plus particulièrement le DRS ont infiltré les organisations terroristes. Et comme ceux qui les infiltrent sont généralement formés pour la circonstance, une fois dans les organisations terroristes, ils sont vite promus aux rangs de responsables”, dira-t-il, tout en soulignant que “c'est pour cela qu'il y a eu des groupes armés créés par le DRS”. Et de conclure : “Qu'on dise maintenant que l'état n'est pas coupable, c'est faux ! L'état est coupable.” Sur sa lancée, il réfutera le chiffre de 6 000 disparus énoncé par Me Ksentini. “En 2000, nous avons recensé 7 204 fiches individuelles de disparus. Mais après une enquête où nous avons interrogé les parents des disparus, ils nous ont révélé que leurs proches n'ont pas été enlevés seuls, mais à 3, 4 voire même parfois à 5. C'est pour cela qu'on a porté à 18 000 le nombre de disparus”, indique-t-il. “Ce chiffre est le plus élevé des disparitions dans le monde”, dira le conférencier, pour qui on ne peut pas qualifier les disparus de terroristes, expliquant qu'“ils doivent passer d'abord par la justice”. La question de l'amnistie générale a été également au centre des propos du conférencier. Même si son contenu reste encore à définir, il n'en demeure pas moins que la LADDH avance ses propositions. Passant en revue toutes les précédentes initiatives censées ramener la paix, en l'occurrence celles décrétées par Liamine Zeroual en février 1995 ainsi que la concorde civile de Bouteflika, le conférencier a estimé qu'elles “ont constitué des échecs”. La raison en est qu'elles “ne représentaient que des solutions sécuritaires”. “Ils ont demandé aux gens de déposer les armes et c'est tout”, a indiqué l'orateur. Il expliquera que “la concorde civile, au cours de laquelle le président de la République a décidé de donner une couverture politique et juridique à des accords conclus entre l'armée et l'AIS, n'a pas concerné cette organisation puisque ses membres avaient refusé le qualificatif d'égarés”. C'est dans cette optique que le président de la LADDH préconise une solution politique à la décennie rouge. “Avant de décréter l'amnistie générale, qui constitue un problème politique, il faut d'abord réaliser la paix en ouvrant le débat via les médias et la télévision à tous ceux qui ont quelque chose à dire : les partis politiques, les associations, les syndicats, les victimes et ceux qui sont partis à l'étranger”, dira-t-il. Abordant l'état d'urgence, l'orateur revendiquera sa levée, compte tenu de toutes les entraves aux manifestations publiques. Il expliquera que “la LADDH ne peut pas tenir de réunions publiques en dehors de son siège. Si l'on décide de tenir une rencontre, c'est soumis à l'autorisation du wali qui peut nous l'accorder ou non”. L'état d'urgence “est illégal”, indiquera-t-il, tout en précisant que son maintien suppose qu'il “soit renouvelé à chaque fois en le soumettant au parlement”. Selon l'orateur “rien ne justifie le maintien de cet état d'urgence d'autant qu'on parle de terrorisme résiduel”. évoquant le deuxième congrès de la LADDH, Ali Yahia Abdenour a annoncé sa tenue pour les 15 et 16 septembre prochain. Un précongrès d'évaluation de l'état de préparation des wilayas aura lieu également le 9 juin prochain, a-t-il également indiqué. “La LADDH a 20 ans d'existence”, a expliqué l'intervenant non sans rappeler que “sa constitution à conduit le pouvoir à nous mettre en prison et à nous déférer devant la cour de sûreté de l'état”. Expliquant pour sa part les contraintes matérielles liées à la tenue du congrès, Me Hocine Zehouane révélera que les responsables de la ligue comptent élaborer une charte sur les droits de l'Homme qu'il soumettra aux citoyens : “à travers cette charte, nous voulons impulser une démarche de refondation des droits de l'Homme où nous imposerons notre vision dans la revendication universelle des droits de l'Homme.” N. M.