Des hommages à l'image du défunt Les yeux n'attendant qu'un prétexte pour sangloter. Des mots gorgés d'émotion et de reconnaissance ont été prononcés. Il était là hier, le géant, l'école, l'exemple. Monsieur Nait Mazi pour les uns et Noureddine pour les intimes. Son ombre planait parmi ses amis et sa famille. Les yeux n'attendant qu'un prétexte pour sangloter. Des mots gorgés d'émotion et de reconnaissance ont été prononcés. Les deux soeurs et le frère aîné du «pionnier de la presse nationale» étaient présents, mais discrets. Les hommages aussi étaient sobres, comme lui, comme il a toujours vécu, mais ô combien révélateurs de «la profondeur» et de la grandeur» de Noureddine Nait Mazi. La librairie Chaib Dzair, sise avenue Pasteur, a rendu hier un vibrant hommage à feu Noureddine Nait Mazi, ex-directeur d'El Moudjahid. Il y avait d'anciens journalistes, cadres de la nation et amis du défunt. Belkacem Ahcene Djabellah, ex-journaliste à El Moudjahid et ami du défunt, a rappelé avec beaucoup d'émotion et de reconnaissance le rôle joué par Nait Mazi dans l'émergence de la presse nationale post-indépendance malgré la difficulté de la situation. «Noureddine Nait Mazi était pris entre le marteau et l'enclume. D'un côté, il fallait assumer une mission de service public et, d'un autre, il y avait la ligne du parti à laquelle il fallait se conformer. L'exercice était difficile, mais Nait Mazi a su et pu le mener grâce à une rigueur exemplaire et une moralité intellectuelle sans faille», a-t-il souligné, non sans préciser que «beaucoup de journalistes de la génération post-indépendance, notamment celle des années 1970 et 1980, lui doivent leur professionnalisme». Ahmed Fattani, directeur du quotidien L'Expression, ami intime du défunt, a rendu un hommage plein de vivacité à celui qui lui a inculqué la rigueur et l'amour du métier. Il était son «ami intime», «son confident» et son soutien indéfectible. Rappelant le rôle déterminant que Nait Mazi a joué pour qu'une place de choix soit réservée aux jeunes journalistes ainsi que les efforts considérables qu'il a consentis pour leur assurer une bonne formation, M.Fattani dira que Noureddine Nait Mazi était un très bon pédagogue en ce sens que, tout naturellement, il prodiguait des conseils et des orientations à volonté et servait en même temps d'exemple à suivre». «Norredine était toujours le premier à arriver au bureau et le dernier à le quitter. Son dévouement était tel qu'il ne laissait aucune place à la paresse», a-t-il relevé. De plus, alliant rigueur et générosité, Noureddine, comme l'appelle affectueusement le directeur de L'Expression, était très reconnaissant envers les journalistes qui s'investissaient et qu'il encourageait énormément. «A chaque fois qu'un journaliste se distingue par un travail, il le félicite. Il ne rate aune occasion d'encourager les bosseurs», a-t-il indiqué. Abordant l'intérêt tout particulier qu'il accordait au livre et à la culture, Ahmed Fattani fera savoir qu'«El Moudjahid avait le meilleur centre de documentation en Algérie». A chaque fois qu'un livre sort à l'étranger, notamment en France, il le ramenait au centre de documentation du journal 15 jours après. Il portait un grand intérêt au livre. «Il me disait qu'il fallait lire au moins un livre par semaine. Je l'ai écouté et, à ce jour, je continue à lire. J'ai pu réaliser, au cours de mes 47 ans dans la presse, combien ses conseils étaient utiles», témoigne M.Fattani. Concernant sa relation avec les journalistes, Ahmed Fattani ne manquera pas de dire ce qu'elle était, à savoir une relation excellente, en illustrant ses propos par des exemples concrets. «Noureddine défendait les journalistes. Humainement mais aussi et surtout professionnellement. Un jour, lors d'une rencontre organisée à Club des pins, Kheireddine Ameyar, un journaliste talentueux et généreux, a posé une question gênante à Chérif Belkacem. Celui-ci, embarrassé, décida sur le champ de prononcer la suspension de Kheireddine (Allah Irahmou) au «nom du Conseil de la révolution». Tout le monde était en émoi. Mais Noureddine a refusé de le suspendre et l'a signifié à Chérif Belkacem qui a fini par rallier son point de vue», a-t-il raconté devant les regards approbateurs de ses anciens collègues d'El Moudjahid. M.Fattani a, par ailleurs, évoqué l'attachement viscéral qu'avait Noureddine Nait Mazi à sa patrie, l'Algérie, bien qu'il soit de mère française et né en France. «Noureddine avait un amour excessif pour l'Algérie. Lors des éléctions législatives du début des années 1990, je l'ai appelé à 23h00. Je lui ai dit que la victoire du FIS allait être imminente et que cela représentait un danger pour le pays. A mon grand étonnement, il me répondit; 'il vaut mieux ceux-là que le colonialisme''», se rappela-t-il en soulignant qu'il était pourtant contre les islamistes. En effet, Noureddine Nait Mazi, qui avait milité dans les rangs du PPA-MTLD depuis les années 1950, était un fervent défenseur de la cause nationale et de l'indépendance totale de l'Algérie, avant et après l'indépendance. A ce propos, Ahmed Fattani citera France soir, un journal tiré à plus d'un million d'exemplaires, qui consacrera sa Une à Nait Mazi lors de son arrestation en 1957. D'autres témoignages, notamment de l'actuel directeur de l'Anep, de Brahim Taouchichet, journaliste au Soir d'Algérie et ex-journaliste à El Moudjahid, Achour Cheurfi, actuel directeur général d'El Moudjahid, etc., ont attesté de la grandeur de l'homme et du professionnalisme du journaliste. Tout au long de la rencontre, à chaque propos, une phrase revenait: «Noureddine Nait Mazi est une école de formation par excellence.» Bien que répétée plusieurs fois, cette phrase n'a nullement semblé de trop. C'est que, on ne dit jamais assez la vérité.