Quand deux Noureddine se rencontrent... On le savait malade, il venait de subir deux opérations consécutives, dont l'une à Paris où il avait été transporté, il y a une vingtaine de jours. On s'est aussi laissé dire que son état s'était amélioré durant la dernière semaine. Aussi, l'annonce de son décès est venue comme un couperet. C'est toute la mémoire de la presse algérienne et de son édification qui partent avec lui. Nait Mazi a donné le meilleur de lui-même à une presse qu'il fallait inventer, une presse qu'il fallait créer de toutes pièces. Dans ces lignes, je ne reviens que sur l'homme qui a participé a fonder la presse algérienne. A l'indépendance, il n'y avait pas de journaux algériens, les quotidiens coloniaux avaient plié bagage. Noureddine Nait Mazi a été parmi ceux qui ont relevé le défi et retroussé leurs manches, en juillet 1962. Il y avait alors tout à apprendre, à assimiler dans un métier longtemps fermé - durant la période coloniale - aux Algériens. Il y avait une bataille à livrer, un défi à relever et des hommes [tels Salah Louanchi, Houari Hadri, Abdelmadjid Hadji] aux côtés de Nait Mazi l'ont relevé. Pour avoir eu le grand privilège de côtoyer dès 1964 - au journal Le Peuple - alors que j'étais encore adolescent, ces précurseurs de la presse nationale, je peux témoigner que Noureddine Nait Mazi a été l'une des chevilles ouvrières de cette bataille d'une presse algérienne qui devait tout inventer et réapprendre au pays à lire le journal, à réclamer l'information. Cela n'a pas été facile, mais il fallait le faire. Noureddine Nait Mazi qui a consacré 50 ans de sa vie à la presse, lui a tout donné, la servant avec abnégation, participant notamment à la construction d'une page extraordinaire de notre jeune histoire. l'avènement de la presse algérienne. Homme d'une vaste culture, polyglotte, Noureddine Nait Mazi a eu une carrière professionnelle hors normes, marquée par sa modestie et le respect qu'il portait à un métier qu'il contribua à faire aimer à plusieurs générations de journalistes. Je suis parmi ceux qui ont beaucoup appris de Noureddine Nait Mazi. J'ai été son élève, avant de devenir (avec le temps) son ami. Il y a une vingtaine de jours j'étais encore à son chevet dans une clinique de Dély Ibrahim. Aujourd'hui, en égrenant les souvenirs, je me rends compte qu'il n'est pas aisé d'évoquer quelqu'un qui a marqué de son empreinte un métier: le journalisme. El Moudjahid a été une école de journalisme singulière et son maître a été Noureddine Nait Mazi. Il y eut osmose entre lui et un journal [fondé le 21 juin 1965, qui prit la relève du Peuple] fraîchement créé, auquel a été donné le nom du glorieux journal combattant El Moudjahid. La presse algérienne n'avait pas de tradition, il fallait lui en créer, et les meilleures, si possible. C'est fort de ce principe que le rédacteur en chef - puis directeur général - d'El Moudjahid imposa à la corporation rigueur (intransigeance, diront d'aucuns), discipline et ponctualité. Il contribua à donner ses lettres de noblesse à un journal - et par ricochet à la presse algérienne, née du néant au lendemain de l'indépendance - qui s'imposa rapidement comme leader d'un secteur de l'information en pleine expansion. Nait Mazi sut allier fermeté et ouverture d'esprit, inculquant à tous ceux qui l'ont côtoyé l'humilité et le travail bien fait. Avant de devenir l'un des pivots du journal El Moudjahid, Noureddine Nait Mazi a fait ses «humanités» journalistiques dans la militance nationale au PPA-MTLD, qui trouva à s'employer au journal Le Peuple, le tout premier journal algérien fondé au lendemain de l'indépendance. Au Peuple, où l'acte d'écrire est devenu un acte de foi. Les supports d'aujourd'hui qui facilitent grandement le métier de journaliste [Internet, micro-ordinateurs...] n'existaient pas. Non, à l'époque, le journalisme n'était pas une sinécure! Nombre d'hommes qui se sont engagés dans ce métier avaient des défis à relever: il fallait apprendre sur le tas et remettre en marche des machines, typographes et linotypes, dont peu savaient alors le maniement, quand, faute de secrétaire de rédaction de métier, il fallait monter directement sur le marbre les pages du journal. Ah! Le marbre! Qui s'en rappelle et qui s'en souvient? Que d'histoires il y a à raconter sur ce tablier d'acier ou des hommes ont appris le métier. C'est là, le soir que Nait Mazi aime à traîner - faisant la causette avec le chef d'atelier, le défunt Sid Ali Maloufi, et le chef des correcteurs, le défunt Hamid Kadri - supervisant la fabrication du journal. Effectivement, à l'époque on «fabriquait» le journal. Noureddine Nait Mazi a fait d'El Moudjahid une école de journalisme, laissant une empreinte indélébile parmi ses disciples et confrères. Nombre de responsables de la presse privée aujourd'hui sont sortis de cette école de journalisme qu'a été El Moudjahid. Nait Mazi a fait du journalisme un art... Adieu Noureddine, repose en paix. Que la miséricorde de Dieu soit sur toi!