Au moins 86 personnes ont été tuées et une centaine blessées hier dans trois attentats à la voiture piégée à Baghdad, dont l'un a visé un marché bondé, la journée la plus meurtrière dans la capitale irakienne depuis le début de l'année. Au moins 86 personnes ont été tuées hier dans trois attentats à la voiture piégée revendiqués par le groupe jihadiste Etat islamique (EI/Daesh) près d'un marché du grand quartier chiite de Sadr City à Baghdad. Son bilan pourrait s'aggraver car l'explosion du véhicule piégé a fait également 82 blessés, selon un dernier bilan de sources médicales et de sécurité. L'explosion a été déclenchée à une heure d'affluence, à 10h00 (07h00 GMT), à proximité d'un marché du grand quartier chiite Sadr City, dans le nord de la capitale. L'incendie s'est rapidement propagé à des échoppes, dont les devantures ont volé en éclats. «Un camion a tenté d'abord de pénétrer dans le marché mais les policiers lui ont interdit de s'approcher et ont demandé au conducteur de rebrousser chemin. Mais le camion a trouvé une autre entrée et a explosé. Les gens et les vendeurs ici sont des civils innocents», a indiqué un témoin, Abou Ali. Quelques heures plus tard, l'EI a annoncé dans un communiqué mis en ligne sur Internet qu'un kamikaze, identifié comme Abou Souleimane al-Ansari, avait fait exploser le véhicule piégé. Sur les lieux de l'attentat, des dizaines d'Irakiens ont manifesté leur colère et leur exaspération en dénonçant l'inaction du gouvernement et des politiciens face au groupe ultra-radical. «Les politiciens sont responsables de l'explosion et les gens sont les victimes de leurs querelles. Les politiciens disent que l'armée et les forces de l'ordre ne font pas leur travail suffisamment bien, mais en fait ce sont eux les responsables», s'est insurgé Abou Ali. L'Etat est «responsable» de cette situation et les hommes politiques «doivent partir», a renchéri un autre habitant, Abou Muntadhar. Cet attentat intervient alors que l'Irak est secoué depuis des semaines par une grave crise politique. Plusieurs partis s'opposent aux plans du Premier ministre de mettre en place un gouvernement de technocrates par peur de perdre certains de leurs privilèges. Cette crise est suivie avec inquiétude par les Etats-Unis qui craignent qu'elle «ne détourne» les autorités de la lutte contre l'EI. Washington a récemment accru son soutien militaire à Baghdad pour aider l'armée irakienne à reconquérir les vastes territoires tombés aux mains des jihadistes depuis 2014. L'EI a perdu du terrain en abandonnant plusieurs villes, dont Tikrit et Ramadi, reprises par les forces irakiennes soutenues par les frappes aériennes de la coalition internationale sous commandement américain. Mais les jihadistes conservent des places fortes, dont Mossoul, la deuxième ville du pays, et gardent la capacité de frapper à Baghdad ou dans les régions majoritairement chiites. La dernière attaque revendiquée par l'EI remonte à lundi, lorsque une voiture piégée avait explosé dans la ville de Baâquba (nord-est de Baghdad), faisant au moins 10 morts. Excédés par la situation politique, des milliers d'Irakiens - partisans du dignitaire chiite Moqtada Sadr pour la plupart - ont organisé ces dernières semaines des sit-in et des manifestations antigouvernementales. Elles ont culminé avec l'invasion de la Zone verte ultrasécurisée de Baghdad et l'occupation durant plusieurs heures du Parlement. Les postes clés au gouvernement sont depuis des années partagés sur la base de quotas politiques et confessionnels et Moqtada Sadr, tout comme le Premier ministre Haider al-Abadi, souhaitent une nouvelle équipe gouvernementale composée de technocrates, capable de mener de manière plus efficace des réformes cruciales pour lutter contre la corruption.