En dépit de toutes les mesures de sécurité prises par les forces irakiennes et américaines, la violence n'a pas baissé, bien au contraire, comme le montre cette boucherie du quartier chiite de la capitale irakienne. Il s'agit de l'attentat le plus sanglant depuis l'occupation du pays en avril 2003 par les forces américaines. Le dernier bilan rendu public hier fait état de 202 morts et 256 blessés dans les attentats aux voitures piégées et d'obus de mortiers survenus jeudi à Sadr City, l'agglomération chiite de Bagdad. Ce chiffre pourrait encore s'alourdir parce que de nombreux blessés sont dans un état grave, selon une source médicale à Sadr City. “Quatre voitures piégées ont explosé (...) et une dizaine d'obus de mortiers sont tombés sur le quartier”, a indiqué le porte-parole du ministère de l'Intérieur irakien, le général Abdel Karim Khalaf. Une des explosions a eu lieu dans un marché de cette partie de la ville de Bagdad, où résident pas moins de 2,5 millions de personnes. La même source a déclaré : “Huit voitures piégées sont entrées dans Sadr City : quatre ont explosé, une a été interceptée par la police qui a arrêté le chauffeur, et trois autres sont manquantes et sont recherchées par la police. L'armée a encerclé le secteur.” Le spectacle était horrible et affligeant. Véhicules en flammes, cadavres calcinés et recouverts de tissus, débris éparpillés, échoppes ravagées, ruisseaux et mares de sang étaient les images qui s'offraient aux yeux des témoins choqués. L'action ne s'est pas arrêtée aux déflagrations, car une attaque aux obus s'en est suivie, créant de véritables scènes de panique. Pour le Premier ministre Nouri al Maliki : “Ce crime est un grand danger pour la fraternité islamique et a été perpétré par des terroristes essayant de provoquer des dissensions pour briser cette fraternité.” Sous le choc, il ajoutera : “Je tiens les hommes politiques responsables de l'exacerbation des passions confessionnelles. Nous dénonçons les pratiques sectaires qui détruisent l'unité de ce pays. J'appelle les politiciens à s'unir pour empêcher les différences de s'étendre.” Il faut dire que Bagdad a vécu, jeudi, une de ses pires journées, parce que peu avant les explosions, une centaine d'hommes masqués ont attaqué le ministère de la Santé. L'attaque, qui s'est soldée par cinq blessés, a pris fin avec l'intervention de l'armée. Après cette nouvelle flambée de violence, un couvre-feu à durée indéterminée et interdisant toute circulation à Bagdad entrera en vigueur jeudi à 20h (17h00 GMT). Les deux principaux aéroports irakiens, Bagdad et Bassorah, sont fermés jusqu'à nouvel ordre. Un conseiller du ministre des Transports, Karim Mahdi Saleh, a annoncé que l'aéroport de Bassorah, ainsi que trois ports de la région de Bassorah étaient également fermés en raison de l'attentat. Les ports concernés sont Oum Qasr, Khor Joubaïr et Al Mouakkal. Hier encore, onze personnes ont été tuées et quarante-deux autres blessées dans un triple attentat à la bombe à Tall Afar, au nord de Bagdad, selon les autorités locales. Sur le plan politique, le courant du chef radical chiite irakien, Moqtada Sadr, a menacé de se retirer du gouvernement et du Parlement si le Premier ministre Nouri al Maliki maintenait sa rencontre avec le président américain George W. Bush, prévue à la fin du mois courant en Jordanie. K. ABDELKAMEL