S'il est adopté, ce texte du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, suspendrait par une clause provisoire l'article 83 de la Constitution garantissant l'immunité parlementaire des députés. Le Parlement turc examinait hier en session plénière un projet de révision constitutionnelle controversé pour lever l'immunité parlementaire des députés visés par des procédures judiciaires, le principal parti prokurde y voyant une manoeuvre du gouvernement pour évincer ses élus. Un premier vote à bulletin secret devait avoir lieu après l'ouverture de la séance à 12h00 GMT, probablement vers minuit (21h00 GMT, hier). Le vote final est prévu vendredi. S'il est adopté, ce texte du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, suspendrait par une clause provisoire l'article 83 de la Constitution garantissant l'immunité parlementaire des députés. Environ 130 députés (sur 550), de tous les partis représentés au Parlement, sont officiellement concernés, dont 59 élus du Parti démocratique des peuples (HDP), le principal parti prokurde. Le HDP, accusé par le pouvoir turc d'être la «vitrine politique» du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation classée terroriste par Ankara, Washington et Bruxelles, voit dans cette proposition une manoeuvre du gouvernement visant à chasser ses élus du Parlement. Signe des tensions suscitées par ce texte, son examen en commission parlementaire avait provoqué des rixes entre les députés de l'AKP et ceux du HDP. Si la réforme est approuvée à la majorité des deux tiers (367), elle exposerait aussitôt les élus HDP, dont ses chefs, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, à des poursuites judiciaires. Un affaiblissement du HDP pourrait bouleverser l'équilibre des forces au Parlement en faveur de l'AKP, en plein débat sur la présendentialisation du régime voulue par le chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan. Si le texte recueille entre 330 et 367 voix, un référendum pourrait être convoqué. «C'est une éventualité», a déclaré Mustafa Sentop, influent député de l'AKP qui dispose de 317 sièges à l'Assemblée, «mais il appartient au président de convoquer un référendum». Son collègue, Bülent Turan, a nié que le texte vise spécifiquement les députés du HDP, estimant que si «des gens au sein de l'AKP ont commis des fautes, ils seront jugés». Les députés du Parti de l'action nationaliste (MHP, droite) doivent en bloc voter en faveur du texte. Il y a en revanche des divisions au sein du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate). M.Demirtas a une nouvelle fois dénoncé la réforme voulue par l'AKP. «La personne qui veut lever notre immunité est un politicien de campagne», a-t-il lancé à l'endroit de M.Erdogan, affirmant que s'il était emprisonné, il serait «bien plus influent et Erdogan fera alors tout pour me faire sortir». En 1994, une députée kurde, Leyla Zana, avait été arrêtée avec trois autres élus de son parti après la levée de leur immunité parlementaire. Elle avait reçu l'année suivante le prix Sakharov du Parlement européen. Ces quatre députés ont purgé dix ans de prison. Le projet de révision constitutionnelle survient alors que le sud-est à majorité kurde de la Turquie est de nouveau ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité.