Chaque fin de saison, depuis l'instauration du professionnalisme en Algérie, apporte son lot de surprises et de curiosités. L'absence de loyauté dans le jeu [pour dire les choses crûment, la fraude et la corruption], la méconnaissance des règles et des mécanismes de gestion du sport professionnel [les dirigeants du football professionnel n'en tiennent que peu compte, ou pas du tout] font que nous assistons chaque année à des fins de saison ambiguës au plan sportif, et à des faillites au plan financier. Au plan sportif, la Ligue 2 Mobilis vient d'illustrer parfaitement ce postulat par le scandale dans le lequel trois clubs sont impliqués [CRBAF, ASK, USC]. Une affaire sulfureuse, traitée par la Ligue professionnelle, qui pourrait donner lieu, selon le président de la LFP, Mahfoud Kerbadj, à des «décisions jamais prises en Algérie» depuis 1962. Au plan financier, au moins deux nouveaux promus en Ligue 1 Mobilis, l'O Médéa et le CA Batna (ce dernier traînant une dette de 10 milliards de centimes), ont déjà lancé un SOS. Sous d'autres cieux ces deux clubs ne répondant pas aux critères du professionnalisme ne pourraient pas accéder au niveau supérieur. Gageons que l'OM et le CAB ne courent aucun risque de se voir interdire l'accession en Ligue 1. Dès lors, si ces dysfonctionnements perdurent c'est que ni les autorités sportives (FAF, LFP) ni politiques (ministères de la Jeunesse et des Sports et des Finances) n'ont pris leurs responsabilités en aval et en amont de la pratique professionnelle du football. De fait, le professionnalisme est devenu un créneau juteux pour des dirigeants de clubs peu scrupuleux. La FAF, mise au pied du mur par les exigences de la FIFA, a surtout improvisé un championnat bancal dit professionnel ne répondant à aucune des normes de la pratique. Or, l'Algérie avait la chance de pouvoir mettre en chantier un professionnalisme qui aurait pu, pouvait, préfigurer ce que sera demain le sport professionnel dans notre pays. Dans le monde d'aujourd'hui toutes les disciplines sportives se sont professionnalisées et même en Algérie les joueurs des petites catégories (football) ou dans les sports dits «mineurs» (basket-ball, handball, volley-ball) sont rémunérés. Aussi, ce qui peut-être relevé est qu'en six ans de pratique, le football professionnel algérien n'a toujours pas fait sa mue et tarde à décoller, tant les dirigeants des instances du football que ceux des clubs professionnels n'ont pas su tirer profit de leurs expériences de terrain pour corriger leurs erreurs, améliorer les gestions des administrations, en conformité avec le statut professionnel du club. Ainsi, le statut des Sspa (Société sportive par actions) lesquelles gèrent les associations professionnelles n'est pas avéré, dès lors que le président accapare toutes les responsabilités, ne semble avoir de comptes à rendre à personne et surtout refuse d'ouvrir le capital pour permettre l'injection d'argent frais. D'autre part, souvent le conseil d'administration (CA) de la Sspa se réduit de deux à quatre membres sans prérogatives clairement définies. Plusieurs clubs de Ligue 1 se trouvent dans ce cas. Ce que l'USM El Harrach - que se disputent deux présidents et deux CA - illustre de façon probante. Dans ce micmac, l'Etat débourse [par ses démembrements, wilaya, DJS, APC] des centaines de milliards de centimes, qui passent par pertes et profits, dès lors que leurs bénéficiaires ne rendent pas compte de la manière dont l'argent donné a été employé. Aussi, comment professionnaliser les clubs professionnels? C'est sans doute là le noeud gordien des problèmes auxquels font face les clubs professionnels algériens dont la précarité financière en reste le talon d'Achille. Or, beaucoup de clubs professionnels, pour ne pas dire tous, n'ont pas une comptabilité, ne payent pas d'impôts, rémunèrent leurs joueurs quand ils le peuvent (nombreux sont les footballeurs qui n'ont rien perçu depuis des mois). Les instances sportives du pays sont outillées pour imposer la transparence dans la gestion des clubs professionnels, les salaires des joueurs, les assurances, les relations avec la Cnas. Pourquoi ne le font-ils pas? Pourquoi, la Dcgf (direction de contrôle et de gestion financière des clubs professionnels) qui existe sur le papier n'a-t-elle pas été mise en situation de fonctionner afin d'assainir le milieu du football professionnel? Comment prétendre gérer sainement, un produit aussi complexe que le football professionnel - vecteur économique à part entière - sans mettre en place les instances ad-hoc pour ce faire? En fait, concernant la mauvaise gestion des clubs professionnels par les Sspa, la responsabilité de la FAF est totalement engagée dès lors que la gestion du football professionnel est de son ressort (contrôle des finances des Sspa, respect des règles par les clubs...). Or, là où la transparence n'existe pas, la magouille est reine. De fait, les carences des systèmes de contrôle interne et externe peuvent avoir de dangereux effets. Et le foot professionnel algérien y est en plein dedans.