Et l'on reparle de plafonnement des salaires des footballeurs professionnels. L'information donnée, mardi, par un président de club de Ligue 1 Mobilis, au sortir d'une réunion des présidents des clubs pros avec le patron de la FAF, Mohamed Raouraoua, demande, outre confirmation, à être explicitée publiquement. En effet, si nos souvenirs sont bons, une telle décision a déjà été prise - il y a deux ans - mais n'a jamais été appliquée. Et pour cause! De fait, la question du plafonnement du salaire des footballeurs professionnels, c'est quelque peu l'Arlésienne. Or, dès l'avènement du professionnalisme il fallait fixer des garde-fous avec un seuil minimum et un maximum des traitements à verser aux professionnels. Cela n'a pas été le cas et les clubs, pour s'attirer les meilleurs joueurs du marché, surenchérissaient à qui mieux-mieux, même s'ils savaient pertinemment qu'ils n'avaient pas les moyens de leur politique. En sus de salaires exorbitants que rien ne justifiait, les présidents promettaient des primes de victoire singulières. Or, nombreux étaient les clubs qui n'avaient pas les moyens de payer ces primes (entre 10 et 30 millions de centimes) qui s'ajoutent à des salaires mensuels déjà juteux. Aussi, les premiers responsables de la déconfiture du professionnalisme en Algérie sont d'abord les dirigeants des clubs «pros», ensuite les instances du football qui n'ont pas su jouer leur rôle de régulateur. C'est dans ce contexte donc, que les présidents des Sspa (Société sportive par actions, gérante du club professionnel) se seraient entendus pour plafonner les salaires dès la prochaine saison (2016-2017). Reste à voir comment ils vont s'y prendre pour mettre en application cette donne. En effet, jamais un club pro étranger ne propose à ses joueurs des salaires qu'il n'est pas en mesure d'honorer, tout comme les lois inhérentes à la pratique ne lui permettent pas d'offrir plus d'argent que n'en possède le club. Qu'en est-il chez nous, alors que le concept de l'équilibre budgétaire (d'une société) semble inconnu? Il y a ainsi des normes morales, professionnelles et légales (sur ce point la loi interdit aux clubs d'allouer des salaires qui ne sont pas en conformité avec le budget de fonctionnement du club) qui ne sont pas respectées en Algérie. Or, il suffisait d'appliquer aux Sspa les paramètres universels usités dans le monde par le football professionnel. Des responsables de la FAF ont souvent assuré qu'ils ne pouvaient pas imposer un plafonnement aux clubs professionnels. Ce qui est faux. Il ne s'agissait pas pour la FAF d'imposer un plafond aux salaires, mais d'imposer des normes obéissant au mieux-disant financier, par un contrôle drastique du budget de fonctionnement des clubs professionnels tel que l'exige la loi. Cela n'a pas été fait. Plus! La direction de contrôle et de gestion financière des clubs professionnels (Dcgf), créée à l'avènement du football professionnel - qui avait pour mission d'«assurer les contrôles juridique et financier des clubs professionnels et s'assurer qu'ils se soumettent aux conditions édictées par les Règlements généraux de la Fédération algérienne de football (FAF) et aux obligations du cahier des charges relatif à la professionnalisation de la pratique du football» - n'a quasiment jamais fonctionné, on ne sait pour quelle raison alors qu'elle était essentielle pour une gestion saine d'un professionnalisme naissant. Pourtant, il existe dans les textes propres à la FAF et à la LFP des dispositions applicables aux clubs sportifs qui auraient permis aux instances de mieux contrôler la gestion des Sspa et prévenir les mascarades de salaires insultants dans un pays où ils sont contingentés. Aussi dans leur course à l'abîme les dirigeants des clubs professionnels ne regardaient pas où ils mettaient les pieds, mus par l'attrait de chiper à l'adversaire les meilleurs joueurs quel qu'en soit le prix, même s'ils ne disposent pas de ressources financières d'ordre budgétaire, prévues donc à cet effet. Ainsi, des footballeurs «pros» sont-ils payés entre 200 et 300 millions de centimes par mois lesquels estiment banale cette rétribution abusive, qui réclament des augmentations pour renouveler leurs contrats. Aussi dans cet amateurisme, le recrutement par le CS Constantine d'un joueur trentenaire sans performances connues, pour 471 millions de centimes bruts par mois, a retenu l'attention de la réunion de mardi à la FAF et illustré la manière avec laquelle l'argent des clubs est dilapidé. Le président de la LFP, Mahfoud Kerbadj, assurait lundi que les 160 footballeurs professionnels percevaient chaque saison plus de 400 milliards de centimes. Or, à bien y regarder, c'est l'argent de l'Etat (subvention des APC/APW, MJS, DJS, FAF, sponsorings de sociétés étatiques) qui fait vivre des Sspa, en principe gérées sur leurs fonds propres. Or, les présidents de ces Sspa désargentées, en peine de s'autofinancer, refusent d'ouvrir le capital de celles-ci, car synonyme d'institutionnalisation des organes comptable et financier et de contrôle, comptant surtout sur les aides de l'Etat pour assurer la «soudure». Qu'attendent donc les instances du football, elles qui ont tous les éléments en main pour (enfin) assainir un milieu du football, véritable tonneau des Danaïdes?