Ken Loach recevant sa Palme d'or C'est le brûlot politico-économique I, Daniel Blake (Moi, Daniel Blake) réalisé par Ken Loach qui a remporté la Palme d'or 2016. Le rideau est tombé sur la 68e édition du festival de Cannes créant la surprise et la déception pour certains. Exit Toni Ardmann notre favori jusque-là, mais la Palme d'or est revenue à I, Daniel Blake de Ken Loach (ouf, nous sommes contents, nous avons pu tout de même le voir lors de la séance de rattrapage). Un film qui mérite amplement en effet, cette distinction. «Les personnages qui m'ont inspiré ce film, il faut s'en souvenir. Le cinéma fait vivre l'imagination, apporte du rêve, mais présente le monde tel que nous le vivons. Nous sommes au bord de l'austérité avec des pratiques néolibérales qui risquent de nous entraîner vers la catastrophe avec une majorité qui s'appauvrit et une minorité qui s'enrichit. Un autre monde c'est possible, mais c'est nécessaire», dira le réalisateur la Palme d'or dans les mains et d'ajouter lors du point de presse: «L'Union européenne est l'incarnation du néolibéralisme. On le voit comment ils ont humilié la Grèce...», a fait remarquer le réalisateur américain qui signe avec son nouveau long métrage un brûlot contre le système économique libéral. Pour le récipiendaire du Grand Prix, c'est un Xavier Dolan en larmes qui se félicitera du prix obtenu pour son film Juste la fin du monde. Et de dire en recevant ce prix, tout ému, à l'adresse du jury: «Merci d'avoir ressenti cette émotion. Ce n'est pas toujours facile à la ressentir et la partager avec les autres. Le cri est une violence qui tue. Tout ce qu'on fait c'est pour être aimé, accepté. Moi en tout cas, plus je grandis, plus je réalise être un incompris et je me comprends moi -même. Je sais qui je suis. Sans céder à la facilité, je continuerai à faire des films et à distiller de l'émotion au cinéma», dira Xavier Dolan, faisant d'emblée le parallèle entre lui et son personnage, quant à «la rude épreuve qu'est la créativité et ses chemins remplis d'embûches et d'incompréhension». Et d'ajouter lors de la conférence de presse: «L'essentiel de la création est la compréhension. Que les gens aient envie après de parler à leurs mères, leur enfant...Qu'il y ait des conversations, au-delà des cris et des farces, qu'on puisse entendre les murmures de la souffrance des gens... Avec mon film, nous avons essayé de passer un message, avec beaucoup de travail et de douleur. Que les gens ne le comprennent pas c'est un peu dur et méchant. Pourquoi on fait des films finalement, pour les critiques ou le public? Je vais tout de même continuer à lire ce qui s'écrit sur mes films. Car je me demande si j'avais raison ou tort, c'est comme cela que je construis ma carrière, qui n'a que six ans après tout. Le jury me demande de rester authentique c'est ce que je vais faire...» Ceci pour répondre aux critiques qui n'ont pas vraiment aimé son film. Pourtant, le président du jury, George Miller a, lors du point de presse, bien salué le cinéma de Xavier Dolan reconnaissant en lui «un réalisateur de génie», le seul ayant tourné en 35 mm, un film «avec des ambitions cinématographiques remarquables;». le Prix d'interprétation féminine a été décerné à Jaclyn Jose dans Ma' Rosa réalisé par Brillante Mendoza. Certains critiques voyaient en elle plutôt un second rôle, alors que le jury l'a bien défendue affirmant qu'elle portait au contraire tout le film sur son dos. Celle-ci fera remarquer lors du point de presse: «Ce prix a été une surprise pour moi. Ce film philippin parle des décisions difficiles qu'on doit prendre dans la vie. Ce film est très controversé. Il montre pourtant la réalité dans mon pays. Le réalisateur a osé montrer ce qui se passe. Il ne ment pas. Il est resté honnête. Nous avons un nouveau président aux Philippines. Les gens qui iront voir le film vont se refléter dans ce film. Il est axé sur l'importance énorme que revêt la famille chez nous.» Le Prix d'interprétation masculine quant à lui est revenu à Shahab Hosseini dans Forushande (Le Client) réalisé par Asghar Farhadi. Le même film remporte le Prix du scénario. Le Prix de la mise en scène a primé ex aequo Cristian Mungiu pour Bacalaureat (Baccalauréat) et Olivier Assayas pour Personal Shopper. Approfondissant ses propos dits au palais Lumière, Christian Mungiu dira que «le cinéma peut devenir une niche» arguant qu'il faille encourager et soutenir davantage le cinéma d'auteur car ces derniers risquent de disparaître au détriment des films commerciaux. «Le cinéma c'est la diversité. Il est important d'encourager les nouveaux jeunes cinéastes et les films d'art et d'essai. Le cinéma est très diversifié. Il faut qu'il reste.» Enfin, à propos de l'absence du film allemand Toni Ardmann, Goerge Miller notera: «Nous avons vu 21 films, mais il n'y avait que huit prix. Donc certains films auraient dû être lauréats, mais c'était impossible. Nous avons en tout cas débattu avec rigueur et vigueur. Il n'y a pas eu de non-dit. Nous avons essayé de ne pas écouter les critiques pour décider par nous-mêmes.» Pour info aussi, le Prix de la Caméra d'or est revenu au brillantissime et touchant, Divines, réalisé par Houda Benyamina présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Enfin, il est bon de savoir que l'acteur français Jean-Pierre Léaud a reçu une Palme d'or d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre des mains de Arnaud Desplechin. I, Daniel Blake (Moi, Daniel Blake) réalisé par Ken Loach qui a remporté la Palme d'or, a été projeté à l'issue de la Cérémonie du palmarès pour clôturer cette édition 2016. C'est ainsi que les lampions du festival se sont éteints, en attendant de frôler la prochaine fois le tapis rouge.