L'Algérie reste aujourd'hui un pays avec une législation économique et financière surchargée et instable Il apparaît important de rappeler un élément majeur, celui de l'importance de l'intervention du président de la République qui a annoncé lors du Conseil des ministres tenu mardi 6 octobre 2015, que la situation actuelle recommande aux membres du gouvernement d'expliquer davantage à la population la gravité de la conjoncture financière. Ceci dit, combien de tripartites ont été tenues sans que cela ait apporté un quelconque redressement économique qui ait au moins retenu l'attention. C'est dans cette conjoncture peut-être que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a lancé le nouveau modèle économique qui sera révélé lors de cette rencontre. La question est d'emblée posée: l'Algérie est-elle prête à surmonter l'effondrement des prix du baril de pétrole qui frappe au plus fort l'économie nationale? Question préoccupante comme nous le verrons dans les lignes qui suivent En effet, l'Algérie de 2016 est face à un grand défi énergétique au titre duquel notre pays ne pourra désormais compter sur l'Opep,qui se présente comme la préoccupation d'urgence de l'heure, car la rente pétro-gazière a été érigée en mode de gouvernance. Son seul investisseur et principal pourvoyeur de fonds demeure l'Etat, et nous demeurons toujours dans une gestion économique provisoire et coûteuse à la charge du budget de l'Etat, exposée à un lourd défi énergétique auquel notre pays se voit confronté, lequel demeure considérable, sachant qu'en effet, il faut un baril à plus de 100 dollars pour équilibrer le budget de l'Etat. Or, ce prix est impossible à approcher à moyen terme au regard du déficit budgétaire en hausse depuis 2008, avec des seuils supérieurs comparativement à la norme qui est de 3% du PIB. Ces déficits publics continuent de montrer des signes justifiant l'érosion du rôle social de l'Etat tant économique que fiscal par la contrainte de maintenir le même rythme de ses efforts dans la loi de finances 2016 pour le confortement de sa politique sociale dont il a été enregistré une augmentation des transferts sociaux de 7,5% avec 158 milliards de dinars. Cela pose toujours un problème d'idéologie de la pensée unique (socialiste), du fait qu'on vit dans une culture politique, selon laquelle l'Etat, c'est l'économie, alors que créer l'emploi, la richesse et garantir les sources de financement du budget de la nation, c'est investir dans la diversification de l'économie. Il s'avère ainsi que, l'économie de notre pays n'est pas gérée, elle est «maintenue» grâce à la rente pétro-gazière, ce qui a d'ailleurs impliqué l'idée de houkouma (beylik) dans la société algérienne qui continue à constituer l'assise du gouvernement pour faire fonctionner le pays. Alors qu'il n'est pas normal dans une économie de marché comme c'est le cas de notre pays qu'on fasse appel aux fonds publics pour financer le commerce extérieur ou les entreprises publiques économiques à caractère industriel ou commercial, voire les clubs sportifs professionnels ou encore financer le budget de fonctionnement par la fiscalité pétrolière ainsi que tous les investissements publics relevant d'un caractère commercial(autoroute, ports, aéroports, métro, tramway...). Phase cruciale Alors que le système d'économie d'entreprise s'est imposé partout dans le monde à tel point que le débat de l'économie étatisée est devenu sans concept, c'est là une réalité qu'il faut à présent définitivement admettre, sachant que l'économie est un corps vivant, avec des échanges intersectoriels.Cela, parce qu' aujourd'hui, l'économie de création de la richesse et de l'emploi est aussi vitale que le pain. Quand on sait que le pays traverse une phase cruciale de son histoire en raison de sa forte dépendance des hydrocarbures au moment où les prix du baril de pétrole se sont effondrés. L'Algérie reste aujourd'hui un pays avec une législation économique et financière surchargée et instable notamment, tantôt de droit public, tantôt de droit privé. Ce qui pose toujours un problème d'idéologie de l'économie administrée, c'est-à-dire le bureaucratisme économique, du fait qu'on vit dans une culture politique, selon laquelle l'Etat, c'est l'économie, alors que créer l'emploi, la richesse et garantir les sources de financement du budget de la nation, c'est investir dans la diversification de l'économie qui appelle l'instauration d'une économie privée, pour créer un nouveau contexte socio-économique afin de conquérir les espaces géoéconomiques adaptés à un monde dominé aujourd'hui par les hautes technologies et la mondialisation qui est l'oeuvre de l'intelligentsia où se projettent les intellectuels, les élites et les cadres. C'est ainsi que l'on peut expliquer la relative stagnation de notre économie Parler de l'économie algérienne dans le contexte actuel de la crise pétrolière et monétaire qui secoue le pays, dans un esprit démocratique, revient effectivement à aborder un sujet qui soulève la forte étatisation du système économique et financier, l'Algérie reste gouvernée et gérée à tous les niveaux par les hydrocarbures avec notamment un pays mono-exportateur d'hydrocarbures à 98% et importateur de près de 75% de ses besoins. L'Etat prélève chaque année près de 60% de sa fiscalité pétrolière afin de financer son budget général, en raison de la faible performance de la fiscalité ordinaire restante avec une part contributive de près de 40% dans le financement du budget de la nation et qui reste fortement dominée par l'impôt sur le revenu des salariés et des importations. Cette dépendance expose l'Algérie à tous les risques financiers. L'Etat certes, jouit de bonnes marges de manoeuvres plus ou moins favorables dans une conjoncture pétrolière difficile, dont dispose l'Algérie au niveau des réserves de changes, du Fonds de régulation (FRR), et d'un endettement extérieur d'un niveau très faible, grâce aux ressources financières en devises accumulées des exportations d'hydrocarbures sans pour autant que cela puisse contribuer à la promotion de l'économie algérienne. Mais, le problème n'est plus dans l'épargne au niveau des réserves de changes et du Fonds de régulation des recettes (FRR), ou de la dette extérieure insignifiante, mais une faiblesse économique structurelle tant que nos balances commerciale et de paiement sont structurellement dépendantes des recettes de la rente des hydrocarbures dont les prix dépendent des marchés internationaux. De plus, la croissance de la consommation interne en carburant et gaz risque également de réduire de 40%, environ nos exportations d'hydrocarbures. L'Algérie n'a pas profité de la manne pétrolière pour diversifier son économie, à l'instar des pays émergents ou comme l'ont fait les pays du Golfe. Oui, nous avons pour exemple, le Vietnam, à méditer qui était moins développé que nous en 1970, pays non pétrolier et à peine sorti d'une longue et meurtrière guerre pour sa libération, il est devenu un pays émergent. La diversification de l'économie n'est pas une mince affaire, c'est un processus long qui nécessite plusieurs années de travail, sachant que nos entreprises qui restent fortement dépendantes de l'importation des biens de consommation intermédiaires (matières premières, pièces de rechange, demi-produits, équipements...), ne font qu'aggraver les importations pour parvenir à contribuer au taux de croissance quand on sait que le taux d'intégration reste relativement très faible. La productivité du travail ou de l'efficacité économique par heure est de 60 euros dans les pays développés et émergents, alors qu'elle est de 6 euros dans notre pays en moyenne. Ce sont les grandes faiblesses de l'économie algérienne. Tributaire du pétrole et du gaz Globalement, 27 ans après le passage à l'économie de marché, la balance commerciale de l'Algérie demeure fortement tributaire des revenus que génère la vente du pétrole et du gaz qui constituent à eux seuls 98% du volume global des exportations, la rente pétro-gazière continue à financer le budget de la nation, d'où le gouvernement prélève chaque année près de 75% de sa fiscalité pétrolière, l'économie algérienne demeure avec un secteur industriel en devenir moins de 5% du PIB, et principalement constituée de petits services et de commerces (83% de la superficie économique). Elle est également caractérisée par le manque de maîtrise des techniques d'engineering et entraîne des charges d'exploitation importantes et par conséquent l'aggravation des coûts et prix de revient. Ces derniers réduisent le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité de l'économie algérienne qui arrive difficilement à assumer dans le contexte actuel de la mondialisation et de la globalisation, notamment à l'évolution rapide des rapports économiques et financiers. De ces derniers nous accumulons des retards et des manques à gagner importants, à savoir: l'entreprise algérienne ne produit que très peu, les produits algériens ne sont pas compétitifs; soit ils sont de mauvaise qualité soit ils sont de bonne qualité mais trop chers comparés aux produits importés. Le pays est donc condamné à importer massivement pour couvrir ses besoins au moins pendant encore quelques années. Des importations qui s'élèvent en moyenne à 50 milliards de dollars par an. Les secteurs de l'agriculture et des services ne sont pas développés, le tourisme quasi inexistant. Hormis les hydrocarbures, l'Algérie n'exporte rien car elle ne produit pas assez et l'administration est fermée sur elle-même. Les revenus hors hydrocarbures sont donc dérisoires. Enfin, un secteur informel important qui brasse entre 40 et 50% de la masse monétaire en circulation, une aubaine représentant plus de 40 milliards de dollars selon les estimations. Pour rappel, dans les années 1970, l'Algérie a connu une croissance à deux chiffres de son industrie due à une politique industrielle volontariste, ce qui a contribué à la création de milliers d'entreprises stratégiques et de grands pôles industriels. Une agriculture rénovée et organisée en grandes exploitations agricoles (domaines autogérés), zones touristiques dont plusieurs hôtels de classe mondiale, de stations thermales modernes et un complexe de thalassothérapie, l'unique en Afrique, la route transsaharienne de l'Unité africaine, du Barrage vert, à l'instar d'autres grandes réalisations socioculturelles et sportives, d'éducation et scientifiques. Toute cette stratégie fut abandonnéé au milieu des années 1980. L'économie s'annonce ainsi au plus mal où pratiquement aucun secteur n'est encore excédentaire pour exporter ou substituer nos importations avec comme conséquences une forte dégradation de nos finances publiques: la baisse de près de 80% des recettes fiscales pétrolières en 2015, ce qui ne permet pas de financer le déficit budgétaire, le déficit budgétaire prévisionnel 2016 en aggravation, recettes d'exportation d'hydrocarbures et épargne(FRR) en forte baisse, les balances commerciale et de paiement sont négatives, et enfin dans tout cela, on n'exporte presque rien en dehors des hydrocarbures. Encore plus, d'une économie qui s'était organisée pour l'importation est davantage financée par les réserves de changes provenant de l'exportation des hydrocarbures, voire encore les besoins de financement du budget de l'Etat et du social explosent. Si, les cours du baril de pétrole se maintiendraient à moins de 50 dollars, la pression démographique se fera de plus en plus sentir face à une économie qui sera dans l'incapacité de créer des emplois et de répondre aux besoins sociaux. Par contre, nous sommes très heureux de la conjoncture favorable du prix de pétrole, car notre pays en dépend presque totalement, ça nous fait gagner une masse d'argent en devise forte supplémentaire. C'est bon pour les Algériens, mais pas pour l'économie. L'argent n'a de valeur que si l'on sait s'en servir pour en tirer profit dans la croissance et le développement économique durable. Sur un autre plan, Il nous semble qu'aujourd'hui, deux questions fondamentales s'imposent face aux défis de la diversification de notre économie: Peut-on se développer avec un management de type familial et des entreprises avec une faible valeur technologique? Nos entreprises privées peuvent-elles être éligibles à ouvrir leur capital social en Bourse des valeurs? Pour mieux saisir l'importance de ces deux questions en une seule issue possible, le secteur privé doit être le facteur-clé de toute dynamique d'investissements, transfert technologique ou know-how pour développer la capacité de notre économie à être compétitive et bénéficier d'une envergure internationale de production et d'exportation, et enfin, générateur d'impôts pour conforter le budget de la nation. Parce qu'encore une fois, l'économie n'est qu'une stratégie d'entreprise et de marché, si vraiment on veut projeter notre pays dans le monde économique d'aujourd'hui. Dans cette perspective, l'Algérie n'a pas besoin d'un Code des investissements, mais a besoin d'un droit privé (droit des sociétés), adapté à l'initiative et l'action qui libère les entreprises ou les investisseurs pour l'initiative entrepreneuriale se basant sur les règles et les mécanismes du marché pour conquérir les espaces géoéconomiques. C'est là tout le défi qui se pose à la 18ème tripartite 2016 qui marque le futur de l'Algérie pour sortir du piège de la rente pétro-gazière et l'esprit beylical persistant encore dans les rouages de l'organisation et la gestion de nos institutions et nos entreprises. On espère enfin, voir les acteurs économiques, sociaux et politiques de cette 18ème tripartite occuper l'espace médiatique pour plus de transparence dans la gestion de la crise énergétique où l'économie et la politique s'entre-déchirent pour que notre pays retrouve sa vitalité qui peine à évoluer vers une économie émergente. * Financier et auteur