Affrontement à distance dans la presse et dans les talk-shows: la bataille pour la succession de David Cameron se durcit, alors que la ministre de l'Intérieur Theresa May s'impose de plus en plus comme la favorite. Selon les médias britanniques, Mme May est déjà assurée du soutien d'une centaine de députés conservateurs sur 330 alors que leur vote débute aujourd'hui. Cependant, ses principaux rivaux sont décidés à lui bloquer la route en arguant que le successeur de David Cameron, qui a démissionné après le vote des Britanniques pour sortir de l'Union européenne, doit être issu du camp pro-Brexit. Or Theresa May a milité pour rester dans l'UE. «Theresa est une candidate remarquable, mais le pays a besoin d'être dirigé par quelqu'un qui croit vraiment aux opportunités qu'offre une sortie de l'UE», a déclaré sur la BBC la secrétaire d'Etat à l'Energie Andrea Leadsom, également candidate et qui a fait, elle, campagne pour le Brexit. «Le prochain Premier ministre devra être quelqu'un qui a épousé cette vision de l'indépendance durant le référendum», a également affirmé le ministre de la Justice Michael Gove, dans une tribune dans le Sunday Telegraph. Un sondage ICM pour le Sun on Sunday donnait toutefois un large avantage à la ministre de l'Intérieur parmi les partisans conservateurs: 46% d'entre eux considèrent qu'elle est la meilleure candidate pour remplacer David Cameron, contre 18% pour Michael Gove et 7% pour Andrea Leadsom. 59% des personnes interrogées estiment en outre que le prochain Premier ministre ne doit pas forcément avoir défendu la sortie du Royaume-Uni de l'UE lors de la campagne du référendum. «Theresa May est déjà sortie des starting blocks, laissant ses concurrents pour morts», juge Martin Boon, de l'institut ICM, pour qui la ministre «est vue de manière écrasante comme la candidate la plus compétente». Interrogé sur la chaîne ITV dimanche matin, Mme May a estimé que le pays avait besoin de davantage qu'un Premier ministre pro-Brexit. «Nous avons besoin de quelqu'un qui saura construire sur l'héritage de David Cameron» et parlera à tout le pays, a-t-elle dit. Concernant les négociations avec l'UE, elle a répété que si elle était désignée, elle ne comptait pas enclencher l'article 50, qui signera le divorce officiel d'avec Bruxelles, avant la fin de l'année. «Il est important que nous trouvions le bon accord sur le contrôle de la liberté de circulation, mais aussi pour le commerce de biens et services», a-t-elle ajouté, alors que les Britanniques ont voté en grande partie pour sortir de l'UE afin d'arrêter le flux de migrants en provenance d'Europe. «Le Brexit nous a envoyé le message clair que nous ne pouvons pas laisser la liberté de circulation continuer comme avant», a-t-elle dit. Chez les prétendants pro-Brexit, alors qu'Andrea Leadsom souffre d'un manque de notoriété, Michael Gove pâtit, lui, de sa réputation de «traître», après avoir damé le pion à son allié Boris Johnson. «J'ai eu le sentiment qu'il n'était pas prêt à relever le défi», a redit dimanche M. Gove sur la BBC, estimant que le fait même qu'il ait renoncé à se présenter en disait long sur sa capacité à gérer l'après-Brexit. Dans sa première chronique publiée dans le Daily Telegraph depuis l'annonce de son retrait, M. Johnson a critiqué les manifestations pro-européennes qui ont suivi le référendum, y voyant le reflet d' «une sorte d'hystérie». «L'avenir s'annonce bel et bien radieux», a-t-il estimé, assurant qu'il serait possible pour le Royaume-Uni de limiter l'immigration tout en obtenant un accord de libre-échange avec l'UE. Les dirigeants européens ont déjà signifié à Londres que le marché unique allait de pair avec la liberté de circulation des citoyens européens. Après désignation des deux finalistes au poste de Premier ministre le 12 juillet par les députés conservateurs, il reviendra aux quelque 150.000 militants conservateurs de se prononcer durant l'été, avant une annonce le 9 septembre. Soulignant que le référendum n'était pas contraignant, le cabinet d'avocats Mishcon de Reya a fait savoir dimanche qu'il entendait demander un vote des parlementaires avant que soit enclenchée la procédure de sortie de l'UE. «Pour l'actuel ou le prochain Premier ministre, il est illégal d'invoquer l'article 50 sans l'approbation du Parlement», a déclaré l'un de ses membres, Kasra Nouroozi.