Après trois jours de deuil et d'union nationale, la campagne a repris en exposant à nouveau les profondes divisions qui déchirent le pays et le Parti conservateur. Le Premier ministre David Cameron a averti hier qu'un Brexit serait un «choix existentiel sans retour possible», à quatre jours du référendum sur le maintien dans l'UE du Royaume-Uni, encore sous le choc du meurtre de la députée Jo Cox. De Boris Johnson, le champion des pro-Brexit, à David Cameron, le principal avocat d'un maintien dans l'UE, les principaux acteurs ont tous donné des interviews à la presse dominicale avant d'appuyer leurs arguments en apparaissant dans différentes émissions politiques. «Une fois que vous avez sauté de l'avion, il n'y plus moyen de remonter. Si on part, c'est pour toujours, il n'y a pas de retour possible», a martelé le Premier ministre dans une interview au Times en évoquant un «choix existentiel». David Cameron a comparé Boris Johnson et Michael Gove, les chefs de file du camp du Brexit, à des parents irresponsables qui mettraient leur famille dans «une voiture dont les freins sont défectueux et le réservoir fuit». Boris Johnson a répondu dans une interview au Sun on Sunday que les Britanniques n'avaient «rien à craindre» d'un Brexit et qu'ils avaient une «occasion unique de reprendre le contrôle». A Birstall, la petite ville du nord de l'Angleterre où Jo Cox a été sauvagement tuée jeudi, une cérémonie religieuse a été célébrée à la mémoire de la députée proeuropéenne. Le révérend Paul Knight a comparé Jo Cox, qui était très engagée pour la cause des réfugiés, à «un Bon Samaritain du XXIe siècle». Le meurtrier présumé, Thomas Mair, est toujours en détention dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, au sud-est de Londres. «Mort aux traîtres, liberté pour le Royaume-Uni», a lancé cet homme de 52 ans samedi lors de sa première comparution devant le tribunal. Il doit comparaître de nouveau aujourd'hui. La magistrate a ordonné une expertise psychiatrique. Les analystes préféraient rester prudents quant à l'impact du meurtre sur l'issue du référendum. Le premier sondage effectué depuis le drame, conduit vendredi et samedi par l'institut Survation, place le maintien dans l'UE en tête à 45%, devant une sortie de l'UE à 42%, alors que leur précédente enquête concluait à l'exact résultat inverse. Un sondage YouGov, dont le tiers des réponses a été recueillie avant le meurtre, accorde une légère avance aux pro-UE, à 44% contre 43%. Directeur de recherche auprès de cet institut, Anthony Wells, a estimé qu'un «retour vers le statu quo semble avoir le vent en poupe». La moyenne des sondages, favorable au camp du Brexit la semaine dernière, donnait hier les deux camps à égalité parfaite. Sur le plateau d'ITV, le ministre des Finances, George Osborne, a appelé de ses voeux «un débat plus apaisé après la mort tragique de Jo» Cox, tout en rappelant les «énormes risques» d'un Brexit qui serait une «terrible erreur». Il a dénoncé la dernière affiche de campagne de Nigel Farage, le chef du parti anti-immigration Ukip, mettant en scène une colonne de réfugiés et barrée du slogan «Breaking Point» (Point de rupture), publiée juste avant le meurtre de Jo Cox. «C'est une affiche répugnante et ignoble qui rappelle la propagande nazie des années 1930», a-t-il dit. L'affiche a été jugée nauséabonde jusqu'au sein même du camp du Brexit. Michael Gove, le ministre de la Justice et principal animateur de la campagne officielle «Vote Leave», a avoué sur la BBC avoir «frissonné» à sa vue. Plusieurs journaux d'hier ont fait connaître leur préférence. Le Sunday Times s'est prononcé pour un Brexit, alors que le Times s'était déclaré pro-UE la veille. Le Sunday Telegraph est également pro-Brexit et estime que «l'UE appartient au passé». Le Mail on Sunday et The Observer préfèrent, eux, le statu quo. «Ce n'est pas l'heure de mettre en péril paix et prospérité», écrit le Mail on Sunday en dénonçant «les illusions dangereuses» vendues par le camp du Brexit.