Erdogan, de retour à Ankara pour la première fois depuis le putsch manqué, dirigeait hier à la mi-journée une réunion du Conseil de sécurité nationale qui devait déboucher sur une «décision importante». M. Erdogan avait dit lundi à ses sympathisants à Istanbul qu'une annonce importante serait faite après le Conseil de sécurité nationale, sans autre précision, tandis que plusieurs dizaines de milliers Turcs ont été touchés par la reprise en main après la tentative de coup d'Etat ratée ayant fait plus de 300 morts. L'homme fort de Turquie a entamé une réunion du Conseil de sécurité nationale, composé de hauts responsables militaires et de ministres liés à la défense et la sécurité intérieure. Il devait ensuite présider à partir de 12h00 GMT une réunion du gouvernement. C'est dans une capitale éprouvée par la tentative de renversement du régime qui a représenté la plus grave menace au règne de 13 ans de M. Erdogan sur la politique turque que celui-ci préside cette réunion très attendue pour la suite de l'évolution politique en Turquie. Les raids de F-16 et d'hélicoptères d'attaque volant à très basse altitude ont transformé en ruines des parties du parlement et du siège de la police, tout en traumatisant les Ankariotes. Les abords du palais présidentiel, qui accueille les deux réunions, ont également été lourdement bombardés par les mutins. Un nouveau bilan officiel des événements sanglants de la nuit de vendredi à samedi a fait état de 312 morts, dont 145 civils, 60 policiers et trois soldats. 104 rebelles ont été tués. Ces deux réunions interviennent alors que l'étendue de la reprise en main, qui a surtout frappé l'armée, la justice, l'enseignement et les médias - suscitant une vive inquiétude de Washington à Bruxelles - s'est encore accrue hier matin. Le Conseil de l'enseignement supérieur (YÖK) a ainsi interdit, jusqu'à nouvel ordre, toutes les missions à l'étranger pour les universitaires, a rapporté l'agence de presse progouvernementale Anadolu. Le YÖK a également exigé que la situation des universitaires actuellement à l'étranger soit examinée et qu'ils soient rappelés en Turquie dans les plus brefs délais, sauf «nécessité impérieuse». Si l'identité des responsables du coup reste floue, l'armée de l'air est soupçonnée d'y avoir joué un rôle central et son ex-chef, le général Akin Oztürk, se trouve derrière les barreaux en attente de son procès. Ces événements dramatiques ont apparemment galvanisé un dirigeant omniprésent auprès des foules stambouliotes. Il a appelé ses sympathisants à continuer de montrer leur soutien, en descendant nombreux dans les grandes villes comme son fief politique Istanbul, mais aussi ailleurs, comme Ankara ou Izmir (ouest). Un responsable turc a indiqué que le président était arrivé à Ankara mardi soir, où il a reçu, pour la première fois depuis le coup raté, un dirigeant étranger pour une réunion bilatérale: le Premier ministre géorgien Guiorgui Kvirikachvili, signifiant que la vie reprenait son cours. Mais mardi, les autorités avaient demandé la démission de plus de 1500 doyens d'université et suspendu 15 200 employés du ministère de l'Education soupçonnés d'être liés au prédicateur Fethullah Gülen, accusé par le gouvernement d'être l'instigateur du putsch mais qui a formellement démenti toute implication. Une vingtaine de médias audiovisuels ont perdu leur licence. Environ 990 personnes ont été placées en détention, selon Anadolu, essentiellement des militaires (650) et des magistrats (273). Quelque 9300 personnes ont par ailleurs été placées en garde à vue, dont des policiers, des juges et plus de 100 généraux et amiraux.