Azzedine a aimé les planches comme on aime une femme. Et c'était le top des amours. A cette passion, il a consacré sa vie, jusqu'à la mort. Il y a dix ans, jour pour jour, par cet après-midi fatidique d'un certain 13 février 1995, la mort, sans sursis, rôdait partout. La menace balayait tout sur son passage. Le ciel, en cette treizième journée ramadanesque n'a pas été clément vis-à-vis de Azzedine Medjoubi. Sa grandeur se dirigeait vers son temple, le Théâtre national algérien. Deux individus, frustes, ignares, ineptes, tombant on ne sait d'où, tirent sur lui à bout portant. Les balles assassines ont eu raison de Azzedine. «Le souvenir est une présence invisible», disait Hugo. Et Medjoubi était présent avant hier lors de l'hommage qui lui a été rendu à la salle El Mougar, sous le parrainage du ministère de la Culture. Toute la famille était là. Des amis, des collègues ou de simples admirateurs et fans de ce grand dramaturge, comédien et homme de théâtre que fût Azzedine Medjoubi. Ils étaient là, tous, pour se rappeler de l'homme, du comédien. Sonia, Ben Guettaf, Raja Alloula... et bien sûr son épouse Mme Amina Medjoubi. Ils ont tous tenu à saluer cet homme. «Il était bon» raconte la grande figure du théâtre algérien Sonia, dans un film réalisé par Boualem Kamel et projeté à cette occasion. Tout un défilé d'hommes et de de culture ont participé, à travers leurs témoignages, à ce documentaire. Sonia a parlé de son expérience aux côtés de Azzedine lors de la création, en 1989, du théâtre indépendant»Masrah El Qalaa. «Nous étions à six: Ziani Cherif, Benguettaf, Medjoubi, deux techniciens, et moi-même. Mais cette troupe se verra, quelque temps plus tard, dispersée. Azzedine a été le premier à avoir claqué la porte. Je me souviens, je me suis embrouillé avec lui et on ne s'est pas revu pendant deux années» se rappelle-t-elle. «Stop... des coups de feu ont arrêté la «Hafila...»(le bus) et de ses entrailles, s'est dégagée la «Ayta...»(le cri): «Qatlouni batel» (on m'a tué pour rien) et c'est la fin d'un acte écrit par le destin en ce lundi 13 février 1995» écrit une amie du défunt. Né le 30 octobre 1945, à Azzaba, dans la wilaya de Skikda. Medjoubi a embrassé le quatrième art dès son jeune âge. Il a mis ses pieds sur les planches, pour la première fois, à quinze ans, avant de rejoindre l'Institut des arts d'Alger. Ses enseignants n'étaient autres que Djelloul Bach Djarrah, Allal El Mouhib et Henry Vengrey et ce, en 1960. Soit deux années, avant l'indépendance de l'Algérie. En 1963, il entre à la Radio et télévision algérienne (RTA) en tant que comédien au sein de la troupe théâtrale radiophonique. «On a sympathisé dès le premier contact» raconte le poète Djamel Amrani. «Je l'ai vite adopté dans l'émission que j'animais à l'époque». Et puis... et puis c'est le grand départ. C'est le grand déclic qui fait rejaillir le talent qu'on connaîtra plus tard. En 1972, il se rend à Berlin, en Allemagne, puis à Belgrade en 1981 et enfin à Londres, en 1988, où il rend visite aux Amis du théâtre royal de Shakespeare. A l'intérieur du pays, il sillonne toutes les régions. Il a semé les graines du quatrième art à Alger, Oran, Batna...avant d'atterrir, en 1994, au Théâtre national algérien où il a occupé le poste de directeur. Il était prolifique. Mais pourquoi, et jusqu'à quand continuera-t-on à parler de nos artistes à l'imparfait? N'empêche, puisque la grammaire nous oblige à le faire. On se plie donc à ses exigences, quand bien même barbares. En l'espace de vingt ans, Medjoubi, joue ou met en scène plus de vingt pièces de théâtre et pas des moindres.On cite, à titre d'exemple, «Djouha a vendu son âne», «Stop», «La chanson de la jungle», «Les martyrs reviennent cette semaine» -cette pièce a glané le premier prix au festival de Carthage- et bien sur, le chef-d'oeuvre de tous les temps, Hafila tassir. Ainsi était cet homme. L'ange de la mort a été forcé à venir le ravir en cette journée ramadanesque. Azzedine a aimé les planches, comme on aime une femme. Et c'était le top des amours. A cette passion, il a consacré sa vie, jusqu'à la mort. Repose en paix, l'Eternel veille sur ton âme pure. Car l'âme d'un artiste ne soupire que pour semer la beauté, le calme et la sérénité dans les coeurs mêmes de ceux qui l'ont assassiné.