Une wilaya qui se cherche Depuis son élévation au rang de chef-lieu de wilaya, la ville subit des transformations qui sont venues à bout de son patrimoine architectural. Rénover une ville est une bonne chose, anéantir son histoire est son contraire. Ce paradoxe s'applique à la ville de Bouira. Depuis son élévation au rang de chef-lieu de wilaya, la ville subit des transformations qui sont venues à bout de son patrimoine architectural. Les édifices qui font partie de son identité disparaissent un à un. Le dernier en date reste la cité Aïnouche Hadjila, un repère pour les Bouiris. Sa démolition est certes, devenue une nécessité eu égard à l'insalubrité, l'exiguïté et la promiscuité que subissaient les centaines de familles entassées dans des appartements de quelques mètres carrés où s'entassaient quelquefois deux à trois couples de la même famille. Sa démolition dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire est une aubaine. Le débat aujourd'hui est autour du devenir de cet espace situé au centre-ville de Bouira. Disparue des regards, cette cité a laissé un vide. On pouvait garder un échantillon, l'aménager en musée parce que la cité Aïnouche plus communément dénommée «cité évolutive» est un pan de l'histoire de la ville et de l'Algérie. Construite dans le cadre du plan de Constantine cher à De Gaulle, elle a servi de dortoir aux forces d'occupation. Chaque ancien de cette cité a son histoire sur la résistance dans et autour de ce monument. Les responsables ont privilégié l'aspect pécuniaire surtout que l'assiette foncière est de très haute valeur dans une ville où le mètre carré avoisine les 120.000 DA/m2. Si le débat est plutôt favorable à son éradication, certains ont souhaité garder une trace de ce pan de l'histoire de la ville et du pays. L'utilité semble avoir pris le dessus dans ce cas. Le square du centre-ville, lui, méritait un meilleur sort. Depuis maintenant trois années, ce qui était un point de chute aux natifs de la ville est un chantier qui s'éternise et qui se désertifie année après année. Le square subit le même sort que le monument aux morts, remplacé dès les premières heures de l'indépendance par un kiosque. L'église, elle, a été reconvertie en institut de musique. La source d'Aïn Graouche a été ensevelie sous les gravats, la cité ouest aménagée en espace vert public qui avec le temps a jauni. Le bordj turc a été réhabilité mais déserté par les visiteurs. La mosquée Ben Badis dans un effort d'extension a été dénaturée. La médersa, un lieu symbolique de la Résistance nationale allait devenir un grand centre commercial avant que la famille du donateur ne réagisse pour s'opposer au projet qui sera reconverti en un centre islamique moderne. Ces projets de modernisation sont une bonne chose pour une ville qui postule au grade d'une grande agglomération. Pourquoi ne pas opter comme chez nos voisins qui créaient des zones urbaines modernes tout en gardant les anciennes villes témoins du passé et des liens avec l'histoire. L'Algérie qui tente de relancer le tourisme pour qu'elle devienne une destination privilégiée doit garder ses vestiges et son patrimoine qui demeurent les objectifs des touristes. Un touriste ne viendra pas voir des cités dortoirs quand dans son pays d'origine il les fuit. L'inexistence des assiettes foncières n'est pas une justification à la démolition des traces du passé. L'extension de la ville menace désormais la forêt Errich. L'implantation de quelque 8000 unités sur le site Belmahdi à proximité de cette espace récréatif est crainte par les adeptes et les amoureux de la nature. La construction de kiosques au centre de cette forêt est un signe précurseur du béton qui avance. Ces bâtisses ne sont d'aucune utilité parce que les Bouiris qui s'y rendent prennent leur nourriture avec eux. Les cabines sont occupées parfois par des jeunes accrocs à la boisson. S'agissant toujours des atteintes causées par le développement de la ville, il faut signaler que 50 ha d'une terre très fertile ont été envahis par le pôle universitaire. Ces réalisations qui dénaturent la ville de Bouira restent la preuve d'un vide et le manque d'une vision futuriste de nos architectes et concepteurs. La décision de rattacher l'ancien siège de l'APC au théâtre régional Laskri, lequel théâtre demeure étrangement fermé toute l'année, est une autre atteinte aux vestiges et au passé de cette ville. Une plaque érigée à l'intérieur de la bâtisse fait remonter sa construction aux années 1930. Cette structure peut devenir un grand musée.