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Usages et définitions (2e partie et fin)
LE TERRORISME
Publié dans L'Expression le 22 - 02 - 2005

«Par la violence on peut tuer un meurtrier, mais on ne peut tuer le meurtre. Par la violence on peut tuer un menteur, mais on ne peut établir la vérité. Par la violence on peut tuer celui qui hait, mais on ne peut tuer la haine. L'obscurité ne peut chasser l'obscurité, seule la lumière le peut».
Martin Luther King
Jr.( I have a dream).
On ne voit d'ailleurs pas en quoi est scandaleux le désir de tel ou tel pays de posséder une arme que d'autres possèdent. Le problème n'est pas dans le désir, mais dans la possession de l'arme et dans la capacité de s'en servir d'une façon irrationnelle. Si, au contraire, la menace ne devient réelle qu'au moment où un pays possède l'arme ultime et affirme son droit de l'utiliser, Israël se situe d'emblée dans une catégorie à part. Israël constitue une menace parce que l'Etat hébreu possède un des plus puissants arsenaux nucléaires au monde, parce qu'il accorde fréquemment préséance à la force sur le droit et parce qu'il jouit d'une protection américaine qui équivaut à l'impunité. La menace israélienne est d'autant plus réelle que le gouvernement militaire d'Ariel Sharon, démontre chaque jour qu'il se soucie peu de la souveraineté des Etats voisins. Non seulement les Palestiniens subissent le joug d'une armée d'occupation aux comportements honteux, mais les frontières de la Syrie, de la Jordanie, du Liban, sont considérées par Israël comme inexistantes. Israël a la force, Israël use de la force, les Etats-Unis avalisent les abus de force israéliens. Est-il raciste, conclut Laurent Laplante, de juger que les diverses menaces contre la paix ne méritent pas la même inquiétude? (5)
Les causes profondes du terrorisme
On dit souvent que les inégalités à l'échelle mondiale, le manque de morale, le droit donné aux plus forts d'écrire l'histoire en temps réel, l'humiliation au quotidien, l'impunité des régimes réactionnaires et tortionnaires voire coloniaux, sont autant de causes potentielles qui font le lit du désespoir et de sa réaction violente aveugle, appelée, souvent sans discernement, terrorisme.
D'autre part, un terrorisme dont on ne parle pas parce qu'il tue «à petit feu» c'est le libéralisme sauvage et sa panacée, la mondialisation véritable «mante-religieuse» des couches vulnérables. Ainsi, même dans les pays industrialisés pour ceux qui ne disposent pas de capitaux (économiques, culturels et sociaux), un vide certain naît de la disparition des protections collectives. L'insécurité actuelle prend la forme d'une incapacité à maîtriser son avenir dans un monde de plus en plus erratique. A titre d'exemple, en France, l'analyse du «problème des banlieues», matrice, dit-on de la mouvance terroriste, est intéressante à cet égard. L'insécurité sociale et l'insécurité civile se recoupent et s'entretiennent, constituant le retour des classes dangereuses. Faire de la question des banlieues le noyau de la question sociale, revient à opérer une condensation de la problématique globale de la sécurité et à éviter de prendre en compte l'ensemble des facteurs qui sont à l'origine du sentiment d'insécurité (chômage, inégalités sociales, racisme... incidence de la politique mondiale en général et du conflit au Moyen -Orient).
Pour Jurgen Habermas, la spirale de la violence commence par une spirale de la communication perturbée qui, «via» la spirale de la défiance réciproque incontrôlée, conduit à la rupture de la communication. Si, donc, la violence commence par des perturbations dans la communication, une fois qu'elle a éclaté on peut savoir ce qui est allé de travers et ce qui doit être réparé.(6)
Dans les relations internationales, en outre, le médium du droit, dont la fonction est de contenir la violence, ne joue, comparativement, qu'un rôle secondaire. Et dans les «relations interculturelles», il ne sert au mieux qu'à créer des cadres institutionnels visant à accompagner formellement les recherches d'entente. Par exemple, la conférence de Vienne sur les droits de l'homme organisée par les Nations unies. Faire qu'une mentalité s'ouvre est une affaire qui passe plutôt par la libéralisation des relations et par une levée objective de l'angoisse et de la pression. Dans la pratique quotidienne de communication, il faut que se constitue un capital-confiance. Cela est nécessaire en préalable pour que les explications raisonnées et à grande échelle soient relayées dans les médias, les écoles et les familles. Il faut aussi qu'elles portent sur les prémisses de la culture politique concernée. Si l'on ne dompte pas politiquement le capitalisme, qui n'a plus aujourd'hui ni limites ni frontières, il sera impossible d'avoir prise sur la stratification dévastatrice de l'économie mondiale. Il faudrait au moins contrebalancer dans ses conséquences les plus destructrices - je pense à l'avilissement et à la paupérisation auxquels sont soumis des régions et des continents entiers - la disparité entraînée par la dynamique du développement économique. Ce qu'il y a derrière cela, ce n'est pas seulement, par rapport aux autres cultures, la discrimination, l'humiliation et la dégradation. Derrière le thème du « choc des civilisations », ce que l'on cache, ce sont les intérêts matériels manifestes de l'Occident (par exemple, celui de continuer à disposer des ressources pétrolières et à garantir son approvisionnement énergétique).(6)
Une organisation non gouvernementale a souligné que l'expérience dans de nombreuses régions du monde, a montré qu'il existe un certain nombre de facteurs constituant de puissants vecteurs de terrorisme. Parmi eux, il convient de citer la crise d'identité nationale, l'autoritarisme et le manque de démocratie, l'érosion des valeurs de tolérance, de pluralisme et de diversité ainsi que le partage inéquitable des bénéfices du développement, le terrorisme étant l'arme du faible qui cherche à obtenir un avantage contre un ennemi plus fort. L'Assemblée générale de l'ONU a adopté une résolution demandant à tous les Etats de s'assurer que leurs mesures antiterroristes n'enfreignent pas les droits de l'homme et le droit humanitaire.
L'utilisation de la terreur comme moyen d'expression et dernier recours contre les puissants a accompagné l'histoire de l'humanité. Les textes religieux, tel l'Ancien Testament, incitent les fidèles à l'adhésion par le biais de la peur de Dieu, certains vont jusqu'à prédire la terreur: «Avec vous, je ferai la chose suivante : j'enverrai sur vous la terreur, l'épuisement et la fièvre qui brûlent les yeux et tourmentent l'âme» (Lévitique, 26, 16). Le khérem biblique vise à l'extermination. De telles menaces ont pris des formes précises dans la religion chrétienne, d'une inimaginable cruauté, dirigées contre les pécheurs, les hérétiques et les «infidèles»; elles se sont concrétisées aussi à travers l'Inquisition.
Djihad islamique, Kherem biblique et terrorisme
Que signifie le mot arabe de djihad ? Dans son sens originel, le djihad fi sabil Allah est un effort dans le chemin de Dieu. C'est de ce fait plus un combat intérieur de maîtrise de soi qu'un combat à l'extérieur. Un itinéraire vers Dieu. Dans sa version militante - c'est la définition que préfère l'Occident - le «djihad» est «la guerre sainte.» Pour Daniel Pipes; «à l'heure actuelle, le djihad est la principale cause du terrorisme, inspirant une campagne de violence dans le monde entier par des organisations qui se réclament du djihad». Daniel Pipes poursuit: «La route qui éloigne du terrorisme, de la conquête et de l'esclavage passe par une reconnaissance par les musulmans du rôle historique du djihad, suivie d'excuses aux victimes», Pour conclure en «Terminator» des temps futurs Daniel Pipes en appelle à la force, écoutons-le: «Malheureusement, ce processus de rédemption n'est pas en cours actuellement et le djihad violent se poursuivra probablement jusqu'à ce qu'il soit écrasé par une force militaire supérieure et que Donald Rumsfeld, secrétaire d'Etat à la Défense, veuille bien en prendre note. Ce n'est qu'après avoir été vaincus que les modérés parmi les musulmans trouveront leur voie et commenceront vraiment la rude tâche de «modernisation» de l'Islam».(7)
Le 11 septembre 2001 est un jour qui restera gravé dans l'histoire des Etats-Unis. Pour les Etats-Unis, écrit Francis Taylor, ce fut le jour le plus sanglant qu'ils aient connu depuis la bataille d'Antietam, durant la guerre de Sécession.(8)
On comprend que les Etats-Unis ont pris brusquement conscience qu'ils étaient vulnérables chez eux. Même pendant la Seconde Guerre mondiale, l'attaque de Pearl Harbor, certes territoire américain, ne les traumatisa pas de la même façon, du fait que ce port était à plusieurs milliers de kilomètres. Ainsi, depuis, les attaques du 11 septembre, les Etats-Unis n'abordent plus le terrorisme de la même façon. D'abord, ils ne le considèrent plus comme une menace contre leurs intérêts dans le monde, mais comme un danger intérieur et soumettent donc la politique nationale à cette exigence. D'où la création inédite d'un ministère de la Sécurité intérieure, chose inconcevable et considérée comme une tentative de limiter les libertés individuelles avant 2001.(9)
Le monde entre dans une spirale de violence sans fin. Si l'écrasement de l'Afghanistan a été le prétexte de la lutte contre Ben Laden, si le calvaire du peuple irakien était le prix à payer pour renverser un dictateur, force est de constater que le monde est plus incertain que jamais. Restera-t-il encore dans le nouveau monde une place pour la raison et pour la paix. Le concept de guerre préventive associé est, assurément, le plus grand danger qui guette la planète. «Armaguedon», la bataille finale est celle qui verra triompher le mal, verra le retour du messie sur terre et l'entrée dans l'Evangile, pour ceux à qui «la bonne nouvelle» est annoncée à coups de canon. Pourtant, au fond de chaque humain, il existe un désir de paix dans la dignité. Nous partageons tous, que nous soyons Blancs ou Noirs ; chrétiens, musulmans, ou bouddhistes, riches ou pauvres du Nord opulent, du Sud de la détresse, la même lueur d'humanité que nous avons héritée d'une Eve qui a vu naissance ; il y a quelques millions d'années, dans la Corne de l'Afrique
5. Un sondage fâche Israël, Le Monde, 3 novembre 2003. Laurent Laplante : Partout et toujours l'antisémitisme? Québec, le 10 novembre 2003
6.Entretien avec Jurgen Habermas de G.Borradori : le Concept du 11-09-2001 Le Monde diplomatique 02 2004
7. Daniel Pipes : article paru dans le Jerusalem Post du 1er janvier 2003, traduit par Nicole Benattar
8.Francis Taylor : La politique des Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme, State Départment of U.S.
9. Etats-Unis et terrorisme : stratégie et conceptualisation http://www.algerie-dz.com/article1386.html 29 -12- 2004


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