Résumé de la 2e partie n La jolie Ida ne peut se retenir de séduire… Son mari l'a mise en garde avant de passer aux grands moyens. Walter tient un papier dans la main, soigneusement plié en quatre. Il le déplie, tourne le texte manuscrit, le place sous les yeux bleus embués : «Tu reconnais ça ? C'est bien toi qui l'as écrit ? — Oui. — C'est bien toi qui l'as signé ? — Oui, Walter, c'est moi. — Alors ? — Alors il faut me tuer, Walter, parce que je recommencerai.» Walter demeure silencieux. Machinalement, il prend le châle sur les belles épaules dénudées et va le ranger dans une armoire, il le plie, le respire, l'abandonne à regret sur l'étagère. Puis il prend les chaussures fines à talons, les range aussi et revient avec des chaussons. Ida s'assied dans le grand fauteuil où elle disparaît presque, si menue, si fragile. Il glisse les chaussons à ses pieds et reste un instant courbé devant elle, la tête basse. Elle sait qu'il réfléchit lentement, que les idées se succèdent dans son cerveau, traversent un labyrinthe sans précipitation, sans violence. De la réflexion uniquement. «Je suis incorrigible, Walter...» Mais il répond : «Tu as faim ? — Un peu. — Tu veux des saucisses ? Tu adores les saucisses.» Ida fait un mouvement vers la cuisine, mais il l'arrête : «Laisse, je vais le faire.» Tandis qu'il allume le gaz, sort les saucisses du réfrigérateur, met des assiettes sur la table, des verres, des couverts... Ida vient s'appuyer contre le chambranle de la porte et l'observe. «Walter… Tu vas me tuer ?» Il aligne de petites tranches de pain noir sur un plat. Sans répondre. «Est-ce que tu vas me tuer, Walter ?» Il dispose des petits fromages et emplit une carafe de vin. «Walter ? Tu vas le faire ? — Oui. — Tu as raison.» Le silence s'installe dans la cuisine, à peine troublé par le bouillonnement de l'eau dans une casserole. Walter y jette les saucisses blondes, et les contemple. Ida rompt ce silence. «Je vais mettre mes affaires en ordre», dit-elle calmement. Dans la chambre conjugale, Ida fait ce qu'elle a dit. Elle range méticuleusement sa coiffeuse, la débarrasse de tous ses petits flacons, parfums, brosses, peignes, rouges à joues, barrettes à cheveux, rubans de soie. Elle place le tout dans une boîte. Le miroir lui renvoie son image, belle, encore et toujours belle. Miroir, mon beau miroir... Tu mourras belle, répond le miroir. Ida décroche ses robes bleues, de tous les bleus, et les plie dans une malle. Ses châles, ses manteaux, ses chaussures, sa lingerie, le col de fourrure soyeuse qui la faisait princesse des neiges en hiver, le joli maillot qui la faisait reine du lac en été. Elle se met nue sous la douche, laisse l'eau courir et la laver de cette nuit trompeuse et factice qu'elle a passée dans d'autres bras, dans un autre lit. Pourquoi ne peut-elle pas résister à l'amour des autres hommes, à ce désir qu'ils montrent en permanence ? Elle l'ignore, c'est ainsi. Puis elle revêt une longue chemise de nuit bleue, brosse une dernière fois ses cheveux ; ils recouvrent son dos jusqu'à la taille. Elle s'assied et écrit deux lettres. Une pour sa mère, une pour sa sœur. Elle y écrit avec application la raison de sa mort prochaine : «Je suis consentante. Non seulement j'ai voulu cette mort qu'il va me donner, mais elle est nécessaire. Par ma faute notre vie commune est devenue un enfer et se serait mal terminée de toute façon. Il faut remercier Walter, car il aurait pu se contenter d'un divorce. Mais il m'aime, et il sait qu'un divorce n'est pas une solution. (à suivre...)