L'écrivain et anthropologue spécialiste entre autres de l'identité amazighe nous a quittés mercredi dernier à l'âge de 64 ans. D'une modestie rare de nos jours, le regretté écrivain Mohammed Brahim Salhi, n'a pas hésité à se rendre au bureau de L'Expression de Tizi Ouzou, en 2010, pour nous remettre une copie de son livre «Algérie, citoyenneté et identité», paru aux Editions Achab et où il est question, entre autres, du combat identitaire amazigh en Algérie ainsi que des événements de Kabylie de 2001. L'écrivain et anthropologue spécialiste entre au-tres de l'identité amazighe nous a quittés mercredi dernier à l'âge de 64 ans. Mohammed Brahim Salhi, décédé à l'hôpital Frantz Fanon de Blida, est également anthropologue ayant publié d'autres livres sur la pensée soufie. Il est ainsi l'auteur de «La Tariqa Errahmania, de l'avènement à l'insurrection de 1871». Il a enseigné pendant des années à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, où il a occupé plusieurs postes de responsabilité dont celui de vice-recteur et de doyen de la faculté des sciences humaines au campus universitaire de Tamda. Compte tenu des compétences avérées de Mohammed Brahim Salhi, ce dernier avait été sollicité par Nouria Benghebrit, ministre de l'Education nationale pour apporter sa touche au département névralgique qu'est l'Education nationale. Mohammed Brahim Salhi était aussi chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran. Mohammed Brahim Salhi est né à Tizi Ouzou en 1952 où il a fait sa scolarité élémentaire avant de s'envoler, d'abord pour Alger, où il a suivi des études en sciences politiques au début des années 1970, puis à Paris. Dans la capitale française, Mohammed Brahim Salhi a poursuivi des études de troisième cycle en sociologie-ethnologie à l'Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris. Sa thèse de doctorat avait pour thème la question des études religieuses en Algérie. Mohammed Brahim Salhi a aussi à son actif d'autres écrits universitaires, de haute facture, sur les changements qui affectent l'Algérie à la fin du XXIe siècle. L'intellectuel qui vient de tirer sa révérence avait soutenu sa thèse de doctorat d'Etat ès lettres et sciences humaines à l'université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III, en 2004. Après avoir publié plusieurs textes et livres sur diverses questions inhérentes à son domaine de recherche, Mohammed Brahim Salhi qui a vécu longuement à Tizi Ouzou a et donc pu suivre de très près les événements historiques ayant eu lieu dans cette région, (printemps berbère, grève du cartable, printemps noir...), a écrit tout naturellement un livre sur la question. Il s'agit de «Algérie, identité et citoyenneté». L'ouvrage, publié en 2010, est d'une rigueur intellectuelle incontestable. Ce livre de Mohammed Brahim Salhi se rapporte d'abord à l ́appropriation de l ́héritage républicain et jacobin à travers les courants politiques algériens de la 1ère moitié du XXe siècle avec un survol de l ́identité-citoyenneté: du pacte social aux contestations identitaires et politiques. Dans le chapitre réservé au printemps berbère de 1980, l ́auteur a eu l ́idée de recueillir les témoignages de deux acteurs qui ont été peu prolixes jusque-là sur ces événements. Il s ́agit de Saïd Khellil et Mohand Ouamar Oussalem. Ces deux acteurs de premier rang de ces événements historiques livrent une infinité de détails sur le printemps berbère, dont certains sont rendus publics pour la première fois. Ce livre de Mohammed Brahim Salhi évoque, pour la première fois (avant la parution de l'ouvrage collectif coordonné par Arezki Aït Larbi, avril 1980), la manière avec laquelle l ́Etat avait géré ces événements pour contrer la révolte populaire ayant fait suite à l ́interdiction d ́une conférence sur la poésie kabyle que devait donner Mouloud Mammeri à l ́université. Le même ouvrage aborde en outre d'une façon académique et dépassionnée les événements de 2001, en Kabylie. Il s'agit d'un regard nouveau et lucide, porté sur cette autre page de l ́histoire récente de la Kabylie. L ́approche de Mohammed Brahim Salhi n ́est ni journalistique ni politique mais plutôt scientifique. Ce qui permet au lecteur de voir les choses et les événements autrement, loin des clichés et des idées reçues. Revenir sur cet ouvrage phare de Mohammed Brahim Salhi, suite à son décès est une façon de rendre hommage à cet intellectuel de valeur, qui a toujours vécu, loin des feux de la rampe, au point que beaucoup de lecteurs, même férus de politique et d'histoire, ne le connaissent pas. Mohammed Brahim Salhi consacrait le plus clair de son temps à ses recherches et à l'écriture. Il n'avait donc pas le temps de s'exhiber pendant des heures devant les caméras pour étaler ses connaissances, à l'instar de beaucoup de pseudos-intellectuels. Avec le décès de Mohammed Brahim Salhi, la Kabylie et l'Algérie perdent un de leurs plus grands et brillants spécialistes.