Yazid Khodja (à gauche) et Mohamed Lakhdar Hamina (à droite) «J y crois. Je crois que l'Algérie peut m'emmener aux Oscars. Mon seul projet actuellement est de travailler pour y parvenir», nous a dit hier l'auteur du long métrage Le Puits, Lotfi Bouchouchi. C'est un Lakhdar Hamina toujours fidèle à son franc-parler que nous avons retrouvé hier du haut de ses 82 ans à la cinémathèque de la rue Larbi Ben M'hidi. Après que le ministre de la Culture Azzedine Mihoubi l'a annoncé sur son instagram, cette semaine, Lakhdar Hamina président de la commission de sélection des films des Oscars, accompagné de l'un de ses membres, Yazid Khodja a tenu à animer, à son tour une conférence de presse pour annoncer officiellement, sa décision de choisir à l'unanimité le film de Lotfi Bouchouchi Le Puits pour représenter l'Algérie aux Oscars 2017 dans la prestigieuse compétition pour le meilleur film étranger à Hollywood. La commission (composée également de Lyes Semiane, directeur de la Cinémathèque algérienne, Ahmed Bejaoui, Djamel Eddine Merdaci et le producteur Yacine Laloui) n'a pas eu de mal à choisir ce film qui se veut «plus proche de sa sensibilité car, évoquant la guerre d'Algérie», tandis qu'un autre film, Sur la route d'Istanbul de Rachid Bouchareb également, proposé, «s'en éloignait.», a-t-on fait remarquer. Et de préciser: «Il y a quelque chose qui se dégage du film de Lotfi Bouchouchi. La guerre d'Algérie, on en a tellement vu dans les films me diriez-vous, mais ce qui compte est l'originalité du sujet. C'est au-delà du nationalisme et de l'amour du pays.» Pour rappel, cette commission qui existe depuis quelques années se renouvelle tous les deux à trois ans. A partir du moment où «un film est sélectionné, ce n'est pas son réalisateur ou son producteur qui est représenté, mais son pays qui est désigné, selon la charte des Oscars», fera remarquer Lakhdar Hamina qui rappellera que cette commission va se transformer bientôt en une association de droit privé. Virulent dans ses propos, Lakhdar Hamina n'a pas hésité à interpeller l'Etat pour la prise en charge de la promotion du film Le puits de Lotfi Bouchoiuchi dans la course des Oscars. Car pour ce faire, un film doit se doter de moyens financiers pour réussir à se faire remarquer. «S'il a un distributeur c'est à ce dernier de sortir les moyens pour y arriver. Or, Bouchouchi n'a pas de distributeur, c'est à l'Etat qui dit ne pas avoir d'argent à mettre la main à la poche. C'est une question d'honneur. Ailleurs, des pays n'hésitent pas à financer et lancer des campagnes publicitaires via leurs ambassades. L'an dernier, j'ai présenté mon film Le crépuscule des ombres aux Oscars, sans l'aide de personne. J'ai été discrédité. Pour que le film séduise, il faut un travail de lobbying, de nombreuses projections à Washington, à l'ONU, des articles. Des dîners. Aux USA c'est un vrai business!» argue-t-il et de lancer: «Je vais écrire au Premier ministre, voire au président de la République qui a toujours été sensible à la culture.» Et de confier tout en assumant le fait d'être en train de régler ses comptes aujourd'hui: «L'Algérie a raté l'Oscar avec Chronique des années de braise, à l'époque car j'ai été assassiné par Ahmed Taleb qui n'avait pas voulu notamment que mon film aille au festival de Cannes» et de revenir au film de Bouchouchi: «J'ai aimé ce film passionnément, plus que la normale. Il a une sensibilité presque à fleur de peau.» Et de se remémorer son passé: «Le cinéma algérien a été l'un des meilleurs de l'Afrique, car on étaient soutenus. Il n'y avait pas de jalousie entre nous. Mais l'Etat a fui ses responsabilités sur le plan cinématographique, mais pas seulement. La culture aujourd'hui c'est le vide. J'espère qu'un jour on reviendra à cette sagesse en se di-sant que ce qui sauvera nos enfants, c'est la culture. On a transformé les salles de cinéma en des lieux pour vendre des carottes. L'Etat s'est trompé. La télé pareil, zéro! Il n'y a aucune production nationale. Comment peut-on dire qu'il n'y a pas de budget»? s'est-il interrogé interloqué pour finir...