Khalifa Haftar se dit seul à lutter contre Daesh et réclame la levée de l'embargo sur les armes Les milices islamistes de Misrata réclament à cor et à cri le jugement du général Haftar, accusé de travailler pour des intérêts autres que ceux des Libyens... La réaction de l'ONU, des Etats-Unis et de certains pays européens au coup de force du général Khalifa Haftar qui a investi les trois terminaux pétroliers situés dans l'est de la Libye et ne reconnaît pas le gouvernement de Fayez al Sarraj a de quoi surprendre. Depuis deux ans déjà, Haftar revendique son intronisation en qualité de ministre de la Défense et s'il a obtenu satisfaction de façon formelle auprès du Parlement de Tobrouk et du gouvernement non reconnu d'al Beïda, il n'est pas parvenu à s'imposer à celui de Tripoli, adoubé par la communauté internationale. Pourtant, le général qui a servi le régime de Mouamar el Gueddafi avant de s'exiler aux Etats-Unis, bénéficie de soutiens et de relais dans bon nombre de pays comme l'Egypte d'Al Sissi qui le parraine ouvertement, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ou, bizarrement, l'Italie et surtout la France dont les forces spéciales l'ont accompagné dans la bataille de Benghazi contre l'Etat islamique, en juin dernier. Si Al Sarraj et son gouvernement, forts de l'onction de l'Onu, ont pu s'installer à Tripoli, c'est bien parce qu'ils ont bénéficié du «soutien» aussi étrange que spontané des milices de Misrata qui contrôlent l'aéroport international ainsi que le nord du pays. Ces groupes islamistes, drapés depuis 2011 dans le manteau de Fadjr Libya (l'Aube de la Libye), ont mené en quatre mois une bataille sans merci contre Daesh à Syrte et, grâce à l'appui des Etats-Unis qui ont utilisé notamment les drones, ils sont parvenus à extirper l'EI de cette ville stratégique. Et c'est le moment que Haftar a choisi pour s'emparer, sans même un seul coup de feu, des terminaux pétroliers dont Tobrouk chiffre l'occupation par les milices à plus de 100 milliards de dollars de pertes pour le peuple libyen. Autant dire que le pays a opéré avec cette nouvelle donne un retour à la case départ. Les milices de Misrata réclament à cor et à cri le jugement du bouillant général, accusé de travailler pour des intérêts autres que ceux du peuple libyen, et le Parlement de Tobrouk multipliant les tergiversations pour ne pas valider le gouvernement Al Sarraj, soupçonné de devoir son existence aux calculs des puissances étrangères. Sauf que le gouvernement d'union nationale est le résultat d'âpres négociations durant près d'un an entre diverses composantes de la société libyenne, depuis les partis jusqu'à la société civile, sous l'égide de l'ONU. On devine, dans de telles conditions, le dilemme auquel sont confrontés les dirigeants de Tripoli et ceux de Tobrouk dés lors que ni les uns ni les autres n'ont un quelconque intérêt à porter préjudice aux champs pétroliers ou à endommager les infrastructures existantes. Qui plus est, les graves revers subis par Daesh aussi bien à Syrte qu'à Derna montrent clairement que les deux camps ont intérêt à transcender leurs différends pour conjuguer les efforts au mieux des intérêts du pays. La revendication du Parlement de Tobrouk qui refuse une reconnaissance du gouvernement d'union comme «le seul exécutif du pays» et réclame une équipe «plus représentative» des forces en présence - entendez la désignation du général Haftar au poste attendu - est en soi incontournable si l'on s'en tient à la Constitution libyenne. Celle-ci lui confère la charge de valider, ou non, toute nouvelle équipe gouvernementale et le GNA de Fayez al Sarraj ne peut se soustraire à cette obligation. Et c'est lui qui a «autorisé» le général Haftar à s'emparer des terminaux pétroliers pour les soustraire à la mainmise des milices de Misrata qui empêchaient la reprise des exportations de brut. Lequel Haftar doit se frotter les mains tant la situation a de nouveau rendu ses prétentions incontournables. S'il est douteux de voir en lui une icône de la laïcité et de la démocratie, il n'en est pas moins une carte majeure dans une partie où certaines puissances occidentales et des pays arabes du Golfe veulent obtenir des dividendes.