Combats entre les troupes de Haftar et des jihadistes à Benghazi Voici trois jours, le gouvernement d'union dirigé par Fayez al Sarraj avait annoncé bruyamment la mise en place d'une cellule chargée de coordonner les opérations contre Daesh... Pour la première fois depuis juin 2015, Daesh est parvenu à s'emparer de la petite ville d'Abou Grein, à plus de 100 km à l'ouest de Syrte, confirmant l'avancée entreprise, avec la prise de la bourgade de Benjawad, en janvier dernier, lors de violentes attaques contre les forces de Tobrouk. En imposant sa présence si loin de Syrte, l'EI a déclenché un exode de quelque 20.000 personnes qui ont fui la zone des combats pour aller se réfugier à Bani Walid, craignant les exactions du groupe terroriste qui multiplie les décapitations, les viols et les prises d'otages. En assurant son emprise sur plusieurs localités de la région et surtout en s'installant à Abou Grein, Daesh a pris la mesure d'un axe important entre le sud et le nord du pays, c'est-à-dire entre Syrte et Misrata. A-t-il anticipé les préparatifs annoncés par l'entourage du général Haftar, à Benghazi, qui ne fait pas mystère d'une grande offensive pour chasser l'EI de Syrte? C'est possible, sauf que ce projet mine l'ambition de la réconciliation nationale en Libye et compromet l'objectif d'une coordination des efforts de guerre contre l'organisation terroriste. Voici trois jours, le gouvernement d'union dirigé par Fayez al Sarraj avait annoncé bruyamment la mise en place d'une cellule chargée de coordonner les opérations contre Daesh, appelant l'ensemble des forces militaires à s'abstenir de toute initiative unilatérale. Il anticipait, ce faisant, le lancement imminent, selon Haftar, d'une offensive majeure contre l'EI à Syrte dont le gouvernement de Tobrouk aurait tiré une certaine légitimité. Les deux gouvernements, l'un de Tripoli, adoubé par l'ONU, et l'autre de Tobrouk qui joue la montre en empêchant le Parlement reconnu de valider l'équipe Al Sarraj, ont lancé une surenchère verbale autour d'une «bataille imminente à Syrte» alors que Daesh est reparti à l'assaut de plusieurs localités, se heurtant à la résistance plus ou moins forte des milices de Misrata. Haftar maintient son attachement au gouvernement parallèle de l'Est tandis que les milices et les troupes à l'ouest ont fait allégeance au gouvernement d'union nationale basé à Tripoli. Selon la nouvelle cellule instaurée par Al Sarraj, les préparatifs vont également bon train «pour reprendre Syrte» et d'autres secteurs, thèse confortée par l'annonce de responsables américains sur une levée de l'embargo sur les armes décrété par l'ONU, ce qui permettrait à Tripoli de communiquer un état de ses besoins en armements. Autre indice pertinent de l'accélération des évènements, l'insistance accrue du gouvernement italien auprès de Fayez Al Sarraj pour accorder au controversé général Haftar un rôle et une place à la mesure de ses ambitions dans le gouvernement d'union, une hypothèse qu'avaient violemment contestée les milices de Fajr Libya durant les négociations sous l'égide de l'ONU. Un véritable dialogue de sourds perdure entre le gouvernement d'union qui exhorte les Libyens, «civils et militaires, à rejeter la division, à resserrer les rangs et à être prêts à défendre la patrie» et le général Haftar qui affirme, quant à lui, que «la décision de libérer Syrte a été prise et les plans militaires sont déjà prêts». Cette offensive de Haftar partirait de la ville d'Al-Bamba (est) où ses troupes sont déjà rejointes par des forces venues du sud, l'offensive «impliquant les armées de l'air et de terre ainsi que la marine». Sauf qu'en l'absence d'une coordination des stratégies, Daesh aura la partie beaucoup plus facile pour riposter. Depuis plus d'un an, on sait déjà que la division est un énorme problème en Libye, entravant la solution politique. Aujourd'hui elle aggrave la donne militaire au risque de compromettre les chances d'une réconciliation. La situation est telle que le sort d' Abou Grein, carrefour clé qui relie Syrte à la ville de Misrata, indique clairement le passage de l'EI à une nouvelle étape, avec une «sortie de sa base de Syrte pour s'étendre vers l'ouest». En témoigne l'attaque, mercredi soir, d'un camp militaire de la ville de Seddada, à une centaine de km de Misrata.