Les forces loyales sont au centre de Syrte Contrairement à l'Irak ou la Syrie où le groupe terroriste combat des coalitions appuyées par les Etats-Unis, d'un côté, et la Russie, de l'autre, il affronte, depuis 2014, des forces libyennes désunies, souvent même rivales... Jeudi aura marqué un tournant dans la guerre que se livrent les milices de Fadjr Libya, devenues en partir le bras armé du gouvernement d'union conduit par Fayez Al Sarraj, et l'organisation autoproclamée Etat islamique. Les troupes fidèles au régime de Tripoli soutenu par la communauté internationale, dont l'Algérie qui aura usé de tout son poids pour parvenir à cet avènement, sont parvenues à entrer dans Syrte, devenue depuis deux années au moins le fief de Daesh en Libye. Dans la journée d'hier, ces forces pro gouvernementales ont bombardé sans relâche, à l'artillerie lourde, les positions retranchées de l'EI dont l'encerclement est total. L'armée loyale au gouvernement Al Sarraj a ainsi annoncé qu'elle portait la pression maximale sur le centre de conférences «Ouagadougou» où se terre une importante faction des terroristes et où se trouve surtout le centre de commandement et de contrôle de Daesh pour la région de Syrte dans son ensemble. L'opération engagée par l'armée légaliste qui a pris de vitesse celle du bouillant général Haftar a baptisé son offensive «Libération de Syrte» et c'est en fait depuis le 12 mai que des forces terrestres, appuyées par des forces aériennes et maritimes, ont entrepris de grandes manoeuvres afin de chasser l'EI qui occupait la ville de Syrte et une partie du centre-nord du pays, sur une distance de 200 km. d'une bande littorale d'environ 200 kilomètres de long dans le centre-nord du pays, dont la cité de Syrte. Celle-ci constituait un véritable bastion pour Daesh et sa perte serait bien plus qu'un cuisant revers, compte tenu des ambitions affichées depuis sa venue à Derna d'investir toute la Libye et s'emparer principalement des puits pétroliers. Le fait est que l'EI qui a commis d'ignobles exactions et de nombreux attentats meurtriers rencontre une forte résistance aussi bien auprès de la population civile que des milices armées qui ont contrarié ses ambitions. Contrairement à l'Irak ou la Syrie où le groupe terroriste combat de multiples coalitions appuyées par les Etats-Unis, d'un côté, et la Russie, de l'autre, il affrontait en 2014 des forces libyennes désunies, souvent même rivales, et cette situation a largement favorisé son essor puisqu'il se heurtait tantôt aux troupes du général Khalifa Haftar, à Benghazi, tantôt à celles de Fadjr Libya, du côté de Tripoli mais jamais à une conjonction des deux. En outre, l'embargo sur les armes décrété en 2011 par le Conseil de sécurité aura lourdement handicapé la résistance à la vague jihadiste, confortée par l'arrivée de plusieurs milliers de recrues fuyant le terrain miné de la Syrie et de l'Irak. Le Premier ministre Fayez al Sarraj avait catégoriquement écarté les propositions de certaines pays occidentaux aqui suggéraient une intervention armée et il avait même clos le débat autour d'éventuels bombardements pour appuyer l'offensive de l'armée loyale, voici quelques jours à peine. Reste l'hypothèse de la présence de conseillers militaires américains et français évoquée par l'émissaire de l'ONU pour la Libye, Martin Kobler, mais elle n'a pas été confirmée officiellement par les autorités de Tripoli. Les Etats-Unis se sentent «réjouis et encouragés» par l'entrée des forces libyennes à Syrte dont elles ont verrouillé les accès, à l'est et à l'ouest, tout en interdisant l'entrée maritime. Washington prend ainsi la mesure des enjeux et devrait accélérer la levée de l'embargo sur les armes pour conférer plus de puissance de feu à l'armée libyenne qui a libéré plusieurs localités comme Abou Grein, l'importante base aérienne d'Al Ghordabiya et la ville de Harawa avant de parvenir à Syrte. Contre toute attente, le gouvernement d'union est en train de réussir son pari, après des débuts particulièrement difficiles marqués par l'atermoiement des autorités de Tobrouk et l'incapacité du Parlement reconnu de se réunir pour avaliser les termes de l'Accord de Skhirat ainsi que la compétence de l'équipe al Sarraj. Quelques mois à peine ont suffi pour transcender les obstacles que Haftar et ses soutiens de Tobrouk se sont évertués à créer et voilà que le gouvernement d'union étaye de jour en jour sa légitimité, il est vrai tributaire de l'adhésion opportune des milices de Misrata qui aura été déterminante pour sa consécration. C'est encore ce qui a rendu possible cette avancée jusqu'à Syrte, puisque l'aviation militaire libyenne (des Mig 21 en majorité) et les hélicoptères sont basés pour l'essentiel à...Misrata. Sans trop crier victoire, car la prudence est d'autant plus recommandée qu'on connaît mal les nombreuses cellules dormantes de l'EI dans le pays et les liens entretenus avec leurs émules en Egypte, les autorités de Tripoli estiment, à juste titre, pouvoir tirer profit de la donne actuelle et annihiler les ultimes oppositions telles que celles de Tobrouk en vue d'asseoir complètement leur pouvoir sur l'ensemble de la Libye. Mais il faudra encore beaucoup d'efforts pour y parvenir, sans oublier que Daesh dispose de forces disséminées dans le désert libyen ainsi que dans les faubourgs de Benghazi et peut-être même de Misrata. L'impatience des Européens qui attendent du gouvernement Al Sarraj qu'il ferme le robinet de l'immigration clandestine, pour aussi légitime qu'elle puisse paraître, ne saurait être le souci majeur des autorités de Tripoli dont la tâche première consiste à multiplier les efforts pour concrétiser la politique de Réconciliation nationale et fonder le consensus indispensable à la sauvegarde de la paix et de la sécurité du peuple libyen.