Le compromis américano-russe, validé par l'accord sur le cessez-le-feu et l'acheminement de l'aide humanitaire, n'a pas tenu longtemps à l'épreuve de la réalité du terrain. Au 4e jour de la trêve, les divergences ont lourdement pesé sur la réunion du Conseil de sécurité prévue vendredi et reportée sine die à la demande de Washington et de Moscou. Cette rencontre importante devait permettre d'examiner la possibilité d'une résolution du Conseil en appui à l'accord qui devait présenter par les ambassadeurs américain et russe. Les deux parties se sont renvoyées la balle en s'accusant mutuellement de manquement aux engagements pris. La mission américaine a justifié le blocage de la résolution onusienne par des considérations sécuritaires liées aux groupes armées que les Etats-Unis soutiennent en Syrie. « Comme nous n'avons pas pu nous mettre d'accord sur une manière de rendre compte au Conseil qui ne compromettrait pas la sécurité opérationnelle, la réunion a été annulée », a déclaré un porte-parole de la mission américaine. De son côté, l'ambassadeur de la Russie à l'ONU, Vitali Tchourkine, a mis en avant le refus américain de partager avec le Conseil de sécurité des documents sur l'accord. A priori, les différences de perception sur la notion de terrorisme, englobant selon Moscou tous les groupes armés et confiné selon les Occidentaux à Daech, ont refait surface. Alors que l'accord le prévoit explicitement, l'absence de coopération des Etats-Unis dans la lutte contre les groupes terroristes en Syrie a été conditionnée par l'acheminement de l'aide humanitaire aux villes assiégées par le régime. Des camions remplis de nourriture et de médicaments pour les habitants d'Alep-est sont toujours bloqués dans une zone tampon entre les frontières turque et syrienne. Des « retards répétés et inacceptables de l'aide humanitaire » ont été dénoncés par le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, lors d'un contact téléphonique avec son homologue russe Sergueï Lavrov. Cette situation de blocage s'est davantage compliquée avec le déploiement, à la demande du gouvernement turc, des forces spéciales américaines en soutien à l'offensive menée au Nord, par l'armée turque et des rebelles « modérés ». Dans la journée du vendredi, le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général Igor Konachenkov, a pointé du doigt l'autre parrain de l'accord accusé de ne pas respecter l'accord conclu. « Bien que le cessez-le-feu soit un accord bilatéral, seul un des belligérants le respecte véritablement », a-t-il déclaré, tout en indiquant que la Russie était prête à une prolongation de la trêve de 72 heures. Hier, dans une intervention reproduite par l'agence interface, le président Vladimir Poutine a assuré que Moscou tenait ses engagements et que son allié syrien respectait « complètement » la trêve qui profite aux rebelles pour « se regrouper ». Alors que les divergences menacent l'espoir d'une sortie de crise, malgré une baisse remarquée du niveau des violences, les premières escarmouches ont fait les premières victimes civiles, depuis l'entrée en vigueur de la trêve. A Khan Cheikhoun, une localité rebelle de la province d'Idleb (nord-ouest), trois personnes, dont deux enfants, ont péri dans des bombardements menés, selon l'observatoire syrien des droits de l'homme par des avions non identifiés. Dans la périphérie de Damas, où l'armée syrienne a bloqué une tentative des rebelles d'entrer dans Damas par le quartier de Jobar, des « affrontements intenses » ont eu lieu. Menaces sur la trêve.