La préparation de la Conférence mondiale contre le racisme s'est achevée la semaine dernière à Genève sur un constat d'échec. A une semaine de l'ouverture de la 3e Conférence mondiale des Nations unies contre le racisme, prévue du 30 août au 7 septembre à Durban (Afrique du Sud), les négociations sur l'ordre du jour continuent de s'embourber au risque de faire avorter la rencontre. Et ce, malgré plusieurs réunions et contacts informels, un tiers encore des articles reste en chantier. Les deux principaux points sur lesquels achoppent les discussions sont: la réclamation par les Etats africains de «réparations» pour l'époque de l'esclavage et le conflit du Proche-Orient. En effet, les pays arabes ont présenté un texte, lors des travaux préparatoires contre Israël, en assimilant le sionisme au racisme et en accusant l'Etat hébreu de «pratiques racistes» et de «discrimination contre les Palestiniens et contre d'autres habitants des territoires occupés». Les Etats-Unis ont aussitôt réagi en demandant l'élimination des textes de la conférence de toute attaque contre Israël. Certains diplomates ont déclaré à L'Expression que ces deux sujets de polémique monopolisent l'ordre du jour, alors que toutes les formes d'intolérance doivent être discutées. Tel est aussi l'avis des peuples indigènes d'Amérique, qui se sont présentés en force à Genève, pour protester contre leur exclusion des débats dont ils s'estiment victimes dès qu'il s'agit de racisme. De leur côté, les Noirs de Suisse, estimés à 50.000 regroupés au sein du Groupe de réflexion et d'action contre le racisme anti-Noir (GRAN), ont appelé la Suisse à jouer les bons offices entre anciens pays colonisateurs et colonisés «afin de les encourager à adopter une déclaration de reconnaissance du double Holocauste noir (traite négrière et colonialisation)». Mais la Confédération helvétique ne l'entend pas de cette oreille. Son président, Moritz Levenberger, ne participera pas à la conférence mondiale sur le racisme, en outre, la Suisse s'est alignée sur la position américaine. Ce que le GRAN a déploré, mardi, dans une lettre virulente adressée au président de la Confédération: «La Suisse reste totalement rangée derrière les autres nations occidentales par solidarité raciale (et donc raciste)», écrit le GRAN. Les Noirs d'Amérique, qui représentent 12% de la population des Etats-Unis, ne pourront pas faire pencher la balance en leur faveur, puisqu'ils n'ont, même pas, en tant que tels de représentants à la conférence qui s'annonce déjà houleuse. Quant au sionisme, il ne relève pas de la négociation, a déclaré le 10 août, le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme, Mary Robinson, lors de sa conférence de presse de clôture des travaux. Les Etats-Unis et Israël n'ont toujours pas pris de décisions sur leur participation. Se méfient-ils de la teneur des débats? C'est dire la complexité des questions qui seront abordées à Durban entre les pays du Sud et ceux du Nord. La confrontation promet d'être meurtrière et risque de raviver un passé lointain et proche jalonné de crime et de sang.