Les factions afghanes sont enfin parvenues, hier, à concrétiser un accord qualifié d'historique, sur une transition politique en Afghanistan. La persévérance des Nations unies à aider les factions afghanes à trouver entre elles un consensus a fini par payer, par la conclusion, enfin, d'un accord entre les diverses tendances du paysage politique afghan. Cela n'a guère été simple et à plusieurs reprises, la conférence interafghane de Bonn avait failli capoter. Prévue pour un maximum de cinq jours, la conférence est finalement allée très au-delà de cette échéance. Mais la conclusion positive de ces sept jours de travaux compensent largement les efforts intensifs consentis autant par les Afghans que par les médiateurs onusiens. L'accord signé dans la nuit de lundi à mardi, s'il ne constitue pas la paix n'en est pas moins l'amorce d'une réconciliation entre les différentes ethnies afghanes qui se sont trop longtemps combattues. Concrètement, l'accord signé à Bonn par les factions afghanes, donnera le jour à un gouvernement provisoire - dont la durée n'excédera pas six mois - de 29 membres représentatifs des factions et composantes politiques d'Afghanistan. C'est le royaliste Hamid Karzaï, de l'ethnie pachtoune, qui a les plus fortes chances de présider ce gouvernement intérimaire afghan. Le premier gouvernement consensuel afghan depuis de longues années, où seules la guerre, la mort, la souffrance avaient droit de cité. Outre la constitution du gouvernement provisoire, qui gérera le pays durant les six prochains mois, les factions se sont également mises d'accord pour l'instauration d'une «commission indépendante spéciale» de 21 membres. Sa mission sera essentiellement de préparer, de convoquer et d'organiser au printemps de l'an prochain une loya jirga (assemblée des notables afghans) d'urgence. Il est prévu que cette loya jirga sera présidée par l'ex-roi Zaher Shah, 87 ans, en exil à Rome depuis sa destitution en 1973. Par ailleurs, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, Lakhdar Brahimi, devait présenter, hier, aux quatre délégations afghanes présentes à Bonn, une liste de noms pour le futur gouvernement transitoire. Cette liste est arrêtée sur la base des candidats présentés par les factions afghanes. En outre, selon le ministre des Affaires étrangères de l'Alliance du Nord, Abdallah Abdallah, cinq postes de vice-présidents ont été créés, dont l'un sera réservé à une femme. Une présence stimulante qui influencera sans doute positivement sur le processus de normalisation et de démocratisation de l'Afghanistan. Cependant demeure en suspens la question de la force multinationale pour assurer la sécurisation du pays. Condition sans appel de la communauté internationale pour sa contribution à l'aide de la reconstruction de l'Afghanistan. Dans une prise de parole, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell avait déclaré hier que «ni les Etats-Unis ni l'ONU n'avaient encore pris de décision sur cette force», soulignant que «les forces américaines sur place n'avaient pour l'instant pas besoin d'aide étrangère». En fait, il existe une divergence de vue entre l'ONU, qui préconise la mise en place en Afghanistan d'une force internationale de sécurité, et les Etats-Unis, qui, pour le moment, s'opposent à cette éventualité. D'ailleurs Powell n'a pas manqué d'assurer: «Nous ne sommes pas encore parvenus à une conclusion, que ce soit aux Etats-Unis ou au sein des Nations unies». Il n'en reste pas moins que pour la communauté internationale, la présence de cette force est impérative, d'autant que sa présence dans le pays rassurera d'une part, la population afghane qui aspire à la paix et dissuadera d'autre part, d'éventuels «seigneurs de la guerre» à reprendre le combat. Point de vue qui n'est pas partagé par Washington qui ne veut pas d'interférence dans sa guerre contre Ben Laden et les taliban.