La révocation des élus remet sur le devant de la scène la crise de Kabylie, mais cette fois-ci, avec une dimension nationale. Voulant gagner du temps pour atteindre Rome, César traversa une petite rivière, Rubicon, interdite de passage par le Sénat romain qui déclarait traître à la patrie tout chef militaire à la tête d'une troupe armée, qui la franchirait. « Le sort en est jeté », déclarait César en enjambant cette rivière. Désireux de participer au règlement de la crise, les élus du RND en Kabylie, ont répondu favorablement à l'appel de leur parti pour se retirer des assemblées. Par cette décision, le RND a-t-il franchi le Rubicon? Au fait, par courage politique ou par tactique stratégique, le parti de Ouyahia a tacitement reconnu qu'il avait des indus élus en Kabylie. Soit, mais d'un autre côté, il remet en cause une décision souveraine du Conseil constitutionnel dirigé par un éminent juriste, Mohammed Bedjaoui. Le Conseil constitutionnel a officiellement validé les élections desquelles sont issus «les indus» élus. Oubliant leur qualité d'élus pour adopter des comportements de militants, dans quelle mesure peut-on assimiler la décision du RND à celle prise par les élus du FFS en mai 2002, en refusant d'organiser les élections législatives? Les deux faits ne sont pas assimilables mais leur finalité est la même. Dans les deux cas, c'est le citoyen qui se trouve lésé. Pour rappel, les élus du FFS, suite à leur refus d'exercer leur tâche en tant que commis de l'Etat, ont reçu des mises en demeure et certains traduits devant la justice. Pour rappel aussi, les élections législatives et communales en Kabylie se sont déroulées dans une spirale oscillant entre l'émeute et la répression. Des jeunes ont été assassinés durant ces élections. De nombreux délégués et autres manifestants ont été arrêtés puis emprisonnés. Des plaintes ont même été déposées par des candidats aux élections contre des délégués. Des députés ont été mis en quarantaine par la population. Des bureaux de vote et des urnes ont été brûlés et saccagés. Finalement l'équation kabyle, qui a déjà plusieurs inconnues, risque de se compliquer un peu plus avec cette décision du RND. Si au plan politique le parti de Ouyahia a piégé son frère ennemi, le FLN, et le parti qui détient la majorité des sièges en Kabylie, le FFS, sur le plan constitutionnel il risque de créer une situation insoluble. Le refus du parti d'Aït Ahmed de suivre la démarche du RND, mènera au blocage des APC et des APW en Kabylie qui fonctionnent sous perfusion depuis le début de la crise en 2001. Le FFS qui n'a jamais été en odeur de sainteté auprès du mouvement des archs qu'il qualifie d'ailleurs de «croupion des services et de mercenaires», a déjà exprimé sa position sur la révocation des élus. Il s'oppose catégoriquement au départ de ces élus. Le vieux parti lui, se trouve «roulé dans la farine» surtout avec l'appel du MSP à la dissolution des assemblées locales en Kabylie. Entre le marteau et l'enclume, le FLN se doit de suivre l'alliance et donc le RND et de tendre l'oreille à la grogne de ses élus de Kabylie. Ces derniers sont catégoriques et rejettent le statut «d'indus» élus. Ils refusent de quitter les assemblées «pour lesquelles ils ont bravé la peur, risqué leur vie et brisé la chape de plomb imposée par les archs». La révocation des «indus» élus remet sur le devant de la scène la crise de Kabylie, mais cette fois-ci, avec une dimension nationale.