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La fête dans les cartons
SDF À ALGER
Publié dans L'Expression le 08 - 03 - 2005

Messaouda, Fatima, Naïma, Karima... sont des sans domicile fixe auxquelles les pouvoirs publics semblent avoir à jamais tourné le dos. Nous les avons rencontrées dans la soirée du samedi 5 mars à Alger.
De la fête des , Messaouda, 42 ans, n'en sait rien ou presque. Et encore. Qui parmi les plus intrépides d'entre nous, ose parler de fête à cette femme chétive dont les creux et les rides du visage témoignent de longues années de misère - 20 ans- passées sous les arcades sombres et indifférentes de la capitale? Pour se protéger du vent glacial qui sévit depuis quelques semaines, durant la nuit surtout, Messaouda s'est calfeutrée dans un petit asile de fortune qu'elle a fabriqué à l'aide de quelques boîtes en carton et qu'elle a, ensuite, installé dans le coin d'une bâtisse du très officiel boulevard Zirout-Youcef. C'est ici chez elle. Et tout le monde est le bienvenu. A l'intérieur on y trouve pêle-mêle, quelques couvertures en laine. Un grand sac en plastique dans lequel sont rangés les vêtements. Mais pas un objet de plus. «C'est mon seul domicile. J'y vis depuis 20 ans en compagnie de mon mari. Je me sens bien. En tout cas, beaucoup mieux par rapport à d'autres ruelles» assure-t-elle. «Quand le froid redouble nous allons de l'autre côté de l'immeuble pour nous protéger du vent», ajoute-t-elle sur un ton d'une fierté apparente.
Enfouie dans une veste rouge aussi mince que son visage amaigri qu'elle a drapé dans un foulard blanc, elle raconte d'une voix saccadée les vicissitudes de la rue. Sans l'aide régulière des voisins, dit-elle, ou de quelques âmes charitables, elle n'aurait pas de quoi se nourrir d'autant que son mari est sans emploi et qui est en plus, régulièrement absent. Ses parents refusent de lui venir en aide alors que les autorités locales ne semblent pas du tout préoccupées par son sort comme celui d'ailleurs d'autres dans la même situation.
Les deux enfants qu'elle a eus de ce mari ne vivent pas avec elle. L'aîné, elle l'a envoyé chez ses parents à Médéa tandis que l'autre vit depuis quelques temps dans la pouponnière d'El Biar, sur les hauteurs d'Alger. A les citer, Messaouada ne peut retenir ses larmes. Elle dit, ce faisant, avoir tout perdu dans la vie.
Agressées violées, séquestrées...
Quand nous l'interrogeons sur les raisons de son départ du centre des SDF de Dely Brahim, elle fait mine de ne pas entendre puis elle esquisse un large sourire de désolation.: «J'ai passé quelque temps (dans ce centre) avant de le quitter en raison des conditions de vie qui y règnent et qui à mon avis, sont plus difficiles que la rue».
C'est là un constat que partage, mais sur un ton beaucoup plus réprobateur, Fatima B., une jeune femme de 28 ans qui a élu domicile depuis plus de cinq ans au boulevard Colonel Amirouche. Orpheline depuis son jeune âge, elle fut adoptée par un couple modeste à Mostaganem avant qu'elle ne soit envoyée à Alger dans un centre pour orphelins. Adolescente, elle connut les pires cruautés de sa vie, notamment à l'asile de Dély Brahim où cette jeune femme trapue a dû passer quelques mois. Un lieu où règne, selon elle, l'insécurité, le vol, les disputes, les bagarres... «Même s'ils me donnent de l'argent je ne retournerai jamais à cet endroit» jure-t-elle catégorique.
Dans la rue, Fatima donne l'image d'une personne au bord de la folie. Elle souffre de troubles du comportement. Elle a été à plusieurs reprises transférée à l'hôpital Mustapha Pacha pour suivre vainement une thérapie psychiatrique. Mais rien ne fut. Elle ressort avec les mêmes séquelles, et dut vivre à son corps défendant dans des lieux où règnent en maître les délinquants notoires que le gouvernement a jusqu'ici amnistiés: «J'ai été plusieurs fois violée par les voyous qui fréquentent le cabaret d'en haut (à l'ex rue Charras). Chaque soir, munis de leurs couteaux ils viennent s'en prendre à moi en me volant les petites économies que j'épargne chaque semaine», se plaint-elle sur un air colérique. La tête voilée par un keffieh, armée d'un poignard qu'elle dit avoir acheté à 300 DA, elle a décidé de braver la peur et de se défendre toute seule. Elle fait plutôt figure de combattante et jure par tous les saints que, désormais, elle ne se laissera plus se faire.
Quelques passants que nous avons, à ce titre, interrogés, confirment la dégradation de plus en plus inquiétante des conditions de sécurité, notamment dans les grandes artères où sont érigés pourtant les sièges des différentes institutions, celles notamment chargées de la sécurité publique. Chaque nuit, la rue se transforme en une vaste jungle où les gangsters dictent leurs propres lois.
Mariés en «rue» de miel
Quelques pas plus loin, face au siège de la sûreté de la wilaya d'Alger, un jeune couple de Sig (wilaya de Mascara) Karima Y., 21 ans et Fayçal, 23 ans, handicapé - tressautant de froid, sont nichés dans la cage d'un immeuble à la recherche d'une température plus clé-mente. Ils sont arrivés à Alger depuis jeudi passé et n'ont ici ni proche ni ami encore moins un parent qui les abritera, ne serait-ce que pour une courte durée. «J'ai fui le domicile familial car mes parents et ceux de Fayçal aussi se sont opposés farouchement à notre mariage», explique-telle et de poursuivre «au lendemain de notre départ de Sig, nous sommes partis à Oran où nous avons passé trois jours. Faute de trouver un emploi, j'ai donc opté pour la capitale. Je suis titulaire d'un diplôme en informatique. J'espère bien pouvoir décrocher un travail ici».
Mais entre-temps, la vie dans la rue n'est pas à même de lui faciliter ses projets. Karima, comme d'autres SDF, doit, tout d'abord, trouver de quoi se nourrir, elle et son mari handicapé. Elle doit, dit-elle également, trouver au plus vite un boulot pour qu'elle puisse louer un petit studio. Chose qui n'est pas facile. «Les gens nous donnent parfois de l'argent mais cela ne saurait durer en raison notamment de l'insécurité qui y règne», pense cette jeune femme à la fleur de l'âge, pour qui le retour à Sig, chez ses parents, demeure l'ultime recours. «A ce moment là, je retournerai en compagnie de mon mari et de mes futurs enfants».
Sa copine d'à côté, Naïma Djerrad, vient tout juste de débarquer à Alger. A 25 ans, cette jeune fille orpheline à la silhouette ramassée souhaite, elle, trouver un emploi comme bonne d'enfants. Le baby-sitting est la seule activité qu'elle dit pouvoir exercer bien que, par rapport à d'autres, elle soit plus instruite. «Ma mère est décédée, il y a cinq mois, et depuis, personne ne veut plus de moi à la maison». L'avenir? Un vain mot auquel elle ne croit nullement. Le code de la famille? «Epargnez-moi ce genre de questions SVP!». «Vous me parlez d'avenir alors que je n'ai même pas un endroit pour me protéger du froid et des voyous!» s'est-elle écriée, puis elle interrompit subitement notre discussion.
Moins coléreuse que Naïma, une autre jeune fille qui a refusé de nous dévoiler son identité paraît curieusement plus sereine. Son visage illuminé et son sourire régulier nous laisse pantois. Pourtant elle vit dans la rue depuis quatre années. Elle avait à cette époque 18 ans. L'année où elle a décidé de fuir un père tyran qui lui faisait subir, avec sa soeur, les pires atrocités. Pratiquante, elle porte un long djilbab. Sa foi en Dieu, nous confie-t-elle, grandit à mesure que passent les jours et en dépit de toutes les difficultés qu'elle subit quotidiennement. Mais la faim, la peur, l'humiliation...n'ont pu émousser la volonté de ce «p'tit ange» d'entamer une formation scolaire, de quelque nature qu'elle soit. Un objectif qu'elle promet d'atteindre et dans les plus brefs délais... «Je veux apprendre à lire et à écrire pour connaître mes droits que l'houkouma (le gouvernement) refuse de m'octroyer» lâche-t-elle...


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