Les passeurs, face au flux migratoire, ne cessent d'afficher à la hausse le prix de la traversée Le coût élevé de la traversée a contraint les candidats à l'émigration clandestine à recourir à la fausse monnaie. Pour la plupart, ce sont des récidivistes de l'émigration clandestine, échouant à plusieurs reprises dans leurs tentatives d'atteindre la rive sud de l'Europe, suite à une interception de leurs embarcations par les garde-côtes de la wilaya d'Annaba. Une situation aux désagréments financiers générés par l'échec des traversées. Mais pas pour les passeurs qui, face au flux migratoire, ne cessent d'afficher à la hausse le prix de la traversée, allant jusqu'à atteindre plus de 10.000 DA pour une place dans une embarcation artisanale. D'où le recours des prétendants à l'émigration clandestine, dans leur majorité des chômeurs, à la fausse monnaie comme moyen pour couvrir les frais de la traversée. C'est dire que les harraga, rusés comme un renard, ont, par cette manière, porté un coup mortel aux passeurs qui se sont fait une fortune se comptant en milliards de DA en faux billets. Ces derniers recherchés auprès des réseaux de faussaires activant dans plusieurs wilayas de l'est du pays. Il faut dire qu'au moment où les bandes de falsificateurs de billets de banque enregistrent une floraison de leur activité illégale, objet de la forte demande des prétendants à l'émigration clandestine, les réseaux de passeurs de harraga enregistrent des pertes considérables. Selon certains harraga interceptés par les garde-côtes d'Annaba, ces passeurs sans scrupules les saignent à blanc. «J'ai payé la première fois 80.000 DA, mais je ne suis pas parvenu à 'Sardigna'', les garde-côtes nous ont interceptés quelques heures après», nous dira Regla. Ce harrag de Oued Ennil, déterminé à atteindre l'eldorado utopique, refait la même expérience «la deuxième fois j'ai payé 120.000 DA. J'ai dû voler la moto de quelqu'un pour payer une autre place», devait ajouter ce jeune de 21 ans, dont l'échec a été le résultat de la seconde tentative. Sans travail et issu d'une famille moins que modeste, il recourt aux faux billets pour assurer une place dans une embarcation. «C'est un harrag de Skikda qui m'a conseillé. D'ailleurs, c'est lui qui m'a apporté l'argent depuis Khenchela. J'ai payé 50.000 DA pour 10.000 DA. Mais cette fois encore, j'ai échoué à rejoindre mes amis en Italie», a expliqué avec une visible déception, le jeune qui ne semble pas désespéré pour tenter une énième expérience. Des propos et des expériences qui se suivent et se ressemblent au sein des groupes de harraga récidivistes ou pas déterminés à voir, vaille que vaille, les cieux d'un continent, lui-même en état de crise. Cette dernière, similaire à celle infligée aux réseaux de passeurs qui n'ont eu, pour avoir fait de la vie humaine un commerce juteux, que la monnaie de leur pièce. L'ampleur des pertes financières a contraint les passeurs de harraga, à envisager de se doter d'équipements technologiques adaptés à la vérification des billets de banque, payés par les postulants à la traversée de la mort. Notons que les billets, objet de falsification, sont surtout les coupures de 500 et 1000 DA, une monnaie facile à écouler sur le marché. Et le phénomène de l'émigration clandestine est une opportunité idéale pour les faussaires qui, vraisemblablement, ont trouvé un espace d'écoulement de la fausse monnaie inépuisable, notamment dans la région est du pays dont le nombre de postulants à l'émigration clandestine est en constante augmentation. Aussi, les interceptions opérées par les vigiles de la mer, quasi quotidiennement, dans les eaux territoriales de la façade maritime est, à Annaba notamment, renseignent sur l'état d'esprit desdits aventuriers. La dernière remonte à la nuit du samedi à dimanche où 12 harraga, âgés entre 17 et 50 ans ont été interceptés à 23 heures à 8 milles de Ras El Hamra. Entassés à bord d'une embarcation artisanale, les candidats à l'émigration clandestine, partis depuis une plage d'Annaba, ont tenté de rejoindre l'île de la Sardaigne dans le sud de l'Italie, avant de voir ce rêve se briser, tout autant que celui des 56 harraga, partis depuis la plage de Sidi Akacha, dans la commune de Chétaïbi. Agés entre 18 et 43 ans, les postulants à ce jeu suicidaire, à bord de deux embarcations de fortune, ont été arrêtés à 6 milles du cap de Garde. Soumis au contrôle médical et des formalités administratives d'usage, les harraga ont été déférés dimanche, par-devant le magistrat instructeur, près le tribunal d'Annaba qui, comme à l'accoutumée les a amendés, avant de les libérer. Ainsi, face à cette augmentation vertigineuse du phénomène de l'émigration clandestine, qui dénombre et jusqu'à la mise sous presse plus de 200 prétendants aux chimères d'un horizon occidental flou politiquement mais surtout économiquement. Par ailleurs, nous apprenons que le procureur de la République, près l'instance juridique d'Annaba a placé sous mandat de dépôt le dénommé «Djamra» et ses trois complices pour escroquerie. Ont été victimes de cet acte, des prétendants à l'émigration clandestine qui ont versé la somme de 25 millions de centimes, montant exigé pour l'achat d'une embarcation artisanale censée servir pour la traversée de la grande bleue, vers l'île de la Sardaigne, un portail vers les pays européens. Le dépôt de plainte introduit par les harraga victimes, auprès de la sûreté extra muros de la cité Seybouse, intervient en même temps que les investigations entreprises par les services de sécurité, en vue du démantèlement des réseaux de passeurs, dont l'activité s'intensifie de plus en plus, notamment dans la wilaya d'Annaba. Cette dernière devenue depuis le mois de juillet dernier, la destination par excellence pour l'émigration clandestine. Un phénomène qui puise à volonté dans le réservoir de la jeunesse algérienne.