«L'ambassadeur d'Algérie en France a été contacté en vue de prendre attache avec les autorités françaises sur ce sujet», révèle le ministre des Moudjahidine. Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, a affirmé jeudi à Djelfa que l'Algérie ne sera satisfaite qu'une fois rendus les crânes de ses chouhada, se trouvant au Musée de l'homme en France, pour leur accorder les honneurs d'une sépulture dans leur pays. «Une coordination, à ce sujet, est en cours entre les ministères algériens des Moudjahidine et des Affaires étrangères et la direction de la coopération internationale», a fait savoir le ministre lors d'une conférence sur les «attaques contre la caserne de Maàmra» du mont Kada lors de la Guerre de libération, dans la commune de Hed Shari (à 80 km au nord de Djelfa). «L'ambassadeur d'Algérie en France a été contacté en vue de prendre attache avec les autorités françaises sur ce sujet, objet de procédures techniques», a-t-il précisé. Il a souligné qu'il s'agit d'une «affaire d'honneur» pour tout Algérien et Algérienne, pour laquelle «nous épuiserons tous les canaux diplomatiques» avec «calme, mais beaucoup de rigueur». Zitouni a considéré, en outre, pour que les relations entre l'Algérie et la France soient «normales (...), il faut régler les problèmes en suspens, à l'instar des Archives nationales, des disparus algériens et la restitution des crânes (de chouhada algériens) du Musée de l'homme.» Le crâne du chahid Mohammed Lamjad Ben Abdelmalek, alias Boubaghla ou «Le Sultan à la mule grise», fait partie des 37 crânes de chouhada tombés au champ d'honneur en 1854 en Kabylie face aux hordes colonialistes. Boubaghla était alors à la tête d'une insurrection en Kabylie, à Chorfa, face à l'armée française. Comme 36 autres de ses compatriotes chouhada, leurs restes, des crânes desséchés pour la plupart, se retrouvent au Musée de l'homme de Paris dans la collection du fonds d'anthropologie. Conservés dans des boîtes en cartons de collection dans les réserves du musée, ils sont inaccessibles au public. La découverte de cette lugubre collection de crânes remonte à 2011. Ainsi, l'historien Ali Farid Belkadi, qui faisait des recherches pour son livre «Boubaghla, le Sultan à la mule grise», la résistance des Chorfas, est à l'origine de ces révélations. Selon lui, certains fragments des corps étaient conservés au musée depuis 1880. «Ces crânes proviennent pour certains des prises de guerre, des opposants décapités ou des personnes mortes à l'hôpital des suites de blessure ou de maladie que médecins et chirurgiens militaires récupéraient pour leurs collections personnelles» explique, pour sa part au journal français «La Croix», Philippe Mennecier, chargé de la conservation de la collection d'anthropologie. Ainsi, le crâne de Boubaghla porte l'indication: «Don de M.Vital, de Constantine, 1880-24, Bou Barla, dit Le Borgne. 5940, crâne s.m.i». «Il a fallu des recherches subsidiaires pour savoir «qui était qui», en ce qui concerne les donateurs ou les collectionneurs». Certains sont médecins militaires, d'autres sont anthropologistes», précise Ali Farid Belkadi. «Sa tête (Boubaghla) servit de trophée et fut envoyée au médecin chef de l'hôpital de Constantine, le docteur Vital, qui en fit don à Paul Broca pour ses collections. Un des compagnons de Boubaghla, le nommé Issa el Hammadi, fut exécuté dans les mêmes circonstances. Sa tête momifiée a été conservée. Ce ne fut pas le seul don d'importance que Vital fit, note l'anthropologue Guillaume Fontanieu. Soulignant l'importance de la préservation de la mémoire nationale, le ministre a réitéré «la position immuable de l'Algérie dans ce type d'affaires» assurant qu'elles bénéficient d'un «suivi quotidien de la part du Président de la République et du Premier ministre». Des associations demandent la restitution des 37 crânes d'Algériens, datant de la moitié du XIXe siècle, entreposés dans des cartons spéciaux dans les réserves du Musée de l'homme à Paris. L'Etat algérien n'a pas formulé de requête pour leur rapatriement. Dans ce même ordre d'idées, il y a lieu de signaler que les signataires des pétitions demandant le retour des crânes vers leur pays d'origine (Algérie), s'inspirent de deux exemples: le chef kanak Ataï et de Saartjie Baartman, plus connue sous le nom de la «Vénus Hottentote». Le crâne d'Ataï, rebelle kanak décapité en 1878 en Nouvelle-Calédonie, a été restitué à son peuple en août 2014. En 1878, 25 ans après la prise de possession de l'archipel calédonien par la France, le grand chef Ataï avait conduit, dans la région de La Foa, un important soulèvement. Il a été tué puis décapité le 1er septembre 1878. Placée dans un bocal d'alcool phénique, sa tête fut ensuite expédiée en France, au Musée de l'homme qui se caractérise par l'importance de sa diversité biologique. Avec près de 160 pays représentés pour un total recensé de 17 679 crânes, 975 squelettes et 80 momies. En France, malgré le principe d'inaliénabilité des collections publiques, réaffirmé par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, les restes de la «Vénus Hottentotte», ont été restitués à l'Afrique du Sud en 2002 alors que 15 têtes maories ont été rendues à la Nouvelle-Zélande en 2010. Pour les autorités du musée, rien n'empêcherait le rapatriement des 37 crânes si on en formulait la demande officielle. C'est là le combat que livre l'historien Ali Farid Belkadi.