Les six trublions du collectif C'est à un vernissage des plus colorés et sympathique que les six artistes des plus talentueux de leur génération en street art, nous ont entraînés samedi dernier... «Amis et étudiants dans la même structure, l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger, partenaires d'études et de passion et tout aussi actifs sur la scène culturelle algéroise, le collectif s'est vu naître grâce à un lieu, lieu de rassemblement et de création mis à la disposition de ces derniers grâce à la passion commune pour l'art urbain du gérant et créateur du Bad Buns (resto snack à Sidi Yahia, Ndlr). Forts de leurs inspirations du monde hip-hop et de l'état d'esprit commun, le nom Sofa King s'est vu attribuer au lieu, inspiré du morceau de rap «MF Doom». Vato, El Pancho, Serdas, BLS, Balladi et Resna. Voici donc les protagonistes du collectif Likip, cocktail détonnant d'inspirations urbaines multiples», c'est ce que nous pouvons lire sur le flyer de l'événement qui se tient en effet dans ce superbe endroit inauguré samedi, à Sidi Yahia, avec un vernissage de ces six artistes en herbe dont le talent est largement prouvé et décliné sur les murs de cet espace pas comme les autres. Un lieu où l'on se sent dès l'entrée comme projeté dans un ailleurs idyllique où l'art explose et se veut le maître à bord. Pas très grand, comme la Friche Belle de Mai, certes, mais grand par les ambitions et la volonté de fer de ses artistes qui comptent bien investir durant toute l'année pour en faire un atelier de créativité et espace d'expositions. Redouane Anser, un des membres du collectif Likip nous en parle: «Le collectif créé Likip est composé de six membres, des beaux artistes, graphistes, autodidactes, nous sommes des amis unis pour la même passion qu'est l'art, la créativité. On s'est dit qu'on pouvait travailler en équipe et pourquoi pas vivre de ça en lançant sa propre manufacture en quelque sorte. Travailler dans tous les secteurs artistiques.» Redouane est peintre, céramiste de formation. Il présente une série de toiles où il a laissé s'exprimer l'acrylique et le feutre posca. Sa peinture présente une variante de végétaux, qui se lit à la première oeuvre de cette série «qui est le navigateur en quelque sorte, bonhomme avec une sorte de lunettes d'aveugle, de rideau qui lui cache la vue». Le titre de cette série? Spécial herbs. Pour sa part Vato est étudiant à l'Esba en 4e année formation céramiste aussi et street artist. Il est passionné de culture hip-hop. Par ordre chronologique, il nous explique son travail pour le «number one» de cette expo. Sur le mur, Vato nous montre de la main une grande cassette dont le fil est sorti. Cette cassette est selon «un emblème, des années 1990 et du hip-hop. Pour ce faire, il a employé une technique mixte associant peinture et marqueur posca sur toile. Cette K7 équivaut à «une métaphore de la routine, quand on parle de la vie, on dit une caste qui se répète». Plus loin, Vato nous montre une tête de squelette. Un tableau intitulé «Saoul» (l'âme). «J'ai eu un événement marquant dans ma vie, petite période par laquelle je suis passé et qui m'a plongé dans le noir», confie-t-il. A côté, moins morbide est la toile appelée La menthe à l'eau. Ce qui frappe au premier abord ce sont les yeux, il s'agit en fait d'un zoom sur un visage. «J'ai participé à El Mdereb. Ceci est un zoom sur le personnage sur lequel j'ai peint. Je l'ai repris sachant que c'était un autoportrait que j'ai fait à El Medereb. Menthe à l'eau parce que j'aime boire ça». Pas la peine de vous dire que les couleurs utilisées sont le vert pistache. A côté, le jeune artiste nous parle d'un autre tableau coup de coeur. Il s'agit de Basic instinct. Otez immédiatement de votre tête le fameux long métrage avec Sharon Stone. Sur cette toile l'on découvre une sorte de gros nounours portant dans sa main une petite figurine. Le premier dit en anglais qu'il fume beaucoup. Le second rétorque «oui je fume beaucoup». Voici l'explication de cette mystérieuse toile. «La peluche tient dans sa main un personnage, rappeur producteur du titre «Mf doom» et le grand monstre est appelé Quasimodo, c'est le pseudo de ce rappeur, producteur, et DJ américain qui se donne chaque nom à chaque musique qu'il fait. Je me suis inspiré d'une pochette album qu'il avait faite et qui s'appelle Basic Instinct et aussi du dessin animé La Planète sauvage. J'ai remplacé celui qui tient, par la posture de celui qui est tenu...». Dans le mur d'en face, nous apercevons une grande toile où l'on peut découvrir un autoportrait assez orignal. En effet, le jeune homme est peint avec des ailes et en train de sauter d'un nuage à un autre, qui en fait sont représentés par des danut. Le personnage tient dans sa main une brique. Au-dessus, on y découvre des graffitis dans le genre bubble propre au monde hip-hop, le nom DJ est inscrit en gras car il est celui qui donne le ton, le son. Panshow qui n'est plus à présenter, nous montre d'emblée les six portraits qu'il a faits des six membres du collectif puis évoque avec nous son travail qui sort un peu de ce qu'il a l'habitude de faire, dans le sens où le street art se marie à la peinture dans le style classique figuratif. Ceci est discernable dans l'homme au bateau et le gars qui tire au tire-boulette. «Je me suis laissé aller... J'ai essayé d'intégrer le graffiti dans un univers de peinture. je n'ai pas voulu rester dans un cadre précis, le cliché du grapheur, mais peindre aussi à l'ancienne». Et de préciser: «Il n'y a pas eu de thématique spéciale, chacun s'exprime comme il veut, il n'y a pas de contrainte.» Et pour illustrer cet esprit d'une unité, tous les artistes se sont joints pour réaliser un seul tableau à l'aide du double art, où un monde de traits bouillonnants se lit en free style. Chacun a apporté la main à la pâte sur la toile et sur le mur où des graffitis sont aussi visibles, et à chacun son interprétation et sa lecture de ces signes en noir sur blanc. Dans un monde éclaté en couleurs, l'on retrouve aussi les oeuvres de Serdas ou encore Bls qui nous fait voyager à travers ses Masques africains. Bref, vous l'aurez compris, Likip a les idées qui foisonnent et ne tardera pas à vous surprendre davantage. Sofa King est à suivre de près, encore plus le génie créatif de ces artistes and co, qui, on l'espère continueront à nous émerveiller par leur grande générosité artistique. Pour info, cette expo est ouverte l'espace d'une semaine, mais il est prévu qu'elle se prolonge au-delà. Toutefois, n'attendez pas la fin et allez-y tout de suite!