Il s'agit d'une part de maintenir la pression et d'autre part de faire montre de souplesse concernant ses relations économiques avec Téhéran. Inscrite sur la liste des pays de «l'axe du mal» par les Etats-Unis, l'Iran n'est pas au bout de ses peines. Des pressions politiques aux sanctions économiques, Téhéran est désormais la cible privilégiée de Washington. Cependant, et en dépit de l'annonce de mesures d'ouverture économique envers l'Iran destinées à aider les Européens à convaincre ce pays de renoncer à toute ambition nucléaire militaire, les Américains semblent mettre deux fers au feu. Il s'agit d'une part de maintenir la pression et d'autre part de faire montre de souplesse concernant ses relations économiques avec Téhéran. En effet, alors que le président George W. Bush décide de ne plus faire obstacle à l'examen de la candidature de Téhéran à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle Washington s'oppose systématiquement depuis des années, son vice-président Dick Cheney, préfère user du bâton pour amener l'Iran à surseoir à son programme d'enrichissement d'uranium. L'accord signé récemment entre le pays des mollahs et la Russie, ayant trait au développement du programme nucléaire iranien, n'a pas été sans susciter des grincements de dents côté américain et européen. Les déclarations, vendredi dernier de M.Cheney dénote on ne peut plus clairement la détermination de Washington à user de tous les moyens pour dissuader Téhéran dans son entreprise à développer l'arme nucléaire. Le vice-président américain a donc continué à avertir Téhéran que s'il n'abandonnait pas ses ambitions d'armes nucléaires, les Etats-Unis mèneraient «une action plus dure». Une déclaration qui intervient alors que d'intenses et très discrètes discussions entre experts européens et iraniens sur le programme nucléaire de Téhéran se sont achevées vendredi à Genève, après quatre jours de travaux. Dans un rapport remis aux autres membres de l'Union européenne, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont regretté le manque de «progrès» dans ces négociations, tout en restant confiants dans une issue diplomatique. Les trois pays avertissent également Téhéran qu'en cas d'échec, ils n'auront «pas d'autre choix que de soutenir le renvoi du programme nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité de l'ONU». Par ailleurs, parmi les mesures «incitatives», Washington se dit également prêt à examiner «au cas par cas» la fourniture de pièces de rechange dont l'aviation civile iranienne a cruellement besoin, une petite brèche dans l'embargo américain quasi total instauré contre ce pays. Toutefois, le département d'Etat a indiqué que les modalités pratiques de mise en oeuvre des mesures d'incitation économiques annoncées seraient coordonnées avec les Européens. Il est ainsi clair que malgré leur caractère limité, les mesures américaines tranchent avec le soutien purement verbal apporté jusqu'à présent aux efforts européens par les Etats-Unis et leur refus d'infléchir la ligne à l'égard de l'Iran. Tout en affichant son souhait d'une solution diplomatique, M.Bush avait, au cours des dernières semaines, affirmé qu'aucune option, y compris militaire, n'était écartée. A noter que la dernière tournée du président américain dans le Vieux Continent a permis, d'un côté, d'aplanir les divergences nées de la dernière guerre en Irak et d'un autre, mettre en oeuvre une stratégie commune par rapport aux dossiers irakiens et du conflit israélo-palestinien. «Je suis heureux que nous parlions d'une seule voix avec nos amis européens», a déclaré George W.Bush. «Je suis heureux que nous puissions travailler ensemble pour signifier clairement au régime iranien que le monde libre ne tolèrera pas qu'il ait une arme nucléaire», a-t-il ajouté lors d'un discours à Shreveport (Louisiane, sud). En somme, d'après les stratèges de la Maison-Blanche, les mesures incitatives prises en faveur de Téhéran ne visent pas à aider ce pays, mais surtout à soutenir l'action de l'Union européenne. Pour sa part, l'Iran est «déterminé» à poursuivre son programme nucléaire, et aucune «menace, pression ou mesure incitative» ne l'y fera renoncer, ont déclaré samedi les Affaires étrangères à Téhéran, rejetant le coup de pouce diplomatique annoncé la veille par Washington.