Réagissant à la décision iranienne de réactiver son programme nucléaire, les Etats-Unis reprochent à l'Union européenne de ne pas avoir fait suffisamment pression sur ce pays pour le convaincre d'abandonner son projet. Par la voix du porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, Washington affirme ne plus soutenir les efforts européens visant à pousser Téhéran à renoncer à l'arme nucléaire. “Nous avons soutenu les efforts de l'UE-3 parce que nous pensions qu'ils allaient aboutir au résultat escompté, qui était d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire”, a déclaré McCormack. Les Américains estiment que le moment est arrivé de transférer le dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité. “Nous pensons que tout ceci va se finir au Conseil de sécurité à cause du comportement de l'Iran dans le passé”, a indiqué le responsable US. C'est le même son de cloche du côté de la Maison-Blanche, à voir les déclarations de son porte-parole, Scott McClellan, qui a été très menaçant à l'égard du régime des mollahs. “Si le régime poursuit sur la voie actuelle (...), il n'y a pas d'autre choix que d'en référer au Conseil de sécurité”, a-t-il affirmé. Prenant le soin de dire que le président George W. Bush n'a pas aujourd'hui l'intention d'attaquer l'Iran pour l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire, l'interlocuteur de la presse ne manquera, cependant, pas de préciser que “l'option” militaire reste sur la table. Selon Ray Takeyh, analyste au Conseil of Foreign Relations, un centre de recherche indépendant de Washington, les Etats-Unis estiment que les négociations ont montré leurs limites et cherchent un large consensus au sein de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) pour saisir le Conseil de sécurité. Sur pressions américaines, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Chine et la Russie) ont appelé l'Iran à “suspendre complètement les opérations d'enrichissement” et soulignent que la réouverture des centres de recherche nucléaire iraniens est une “source de grave inquiétude”. Par ailleurs, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne (UE-3), qui devraient renoncer à de nouveaux contacts prévus le 18 janvier avec les Iraniens à Vienne, se retrouvent, aujourd'hui, pour adopter de nouvelles mesures. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank Walter Steinmeier, a confirmé hier la tenue à Berlin de cette rencontre sur le programme nucléaire iranien, à laquelle participera le haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana. Pendant ce temps, le régime iranien persiste et signe. Téhéran s'accroche à sa décision de reprendre son programme nucléaire en affirmant qu'elle ne renoncera pas à “son droit” sur cette question. “C'est une question délicate. Nous ne pouvons pas renoncer à notre droit. Aucun Iranien n'est prêt à y renoncer et ils doivent savoir que nous resterons fermes”, a déclaré l'ancien président iranien, Akbar Hachemi Rafsandjani, à l'occasion du prêche de l'Aïd El Adha. “Avec sagesse, nous défendrons nos droits, et s'ils nous créent des troubles, ils le regretteront et l'Iran sortira vainqueur”, a-t-il averti. Faisant allusion aux menaces européennes d'envoyer le dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l'Onu qui pourrait décider des sanctions économiques, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a prévenu, lundi, que “les menaces de sanctions n'auront aucun effet” sur la détermination de l'Iran. Ainsi, malgré l'opposition formelle des Occidentaux pour lesquels il s'agit d'une “ligne rouge” à ne pas franchir sous peine de risquer une saisine du Conseil de sécurité, Téhéran a franchi le pas. Il ne fait aucun doute que Téhéran s'expose à des sanctions, voire même des attaques militaires. Affaire à suivre ! K. ABDELKAMEL