Du jamais-vu sur une télévision française, une grève de quinze jours qui stoppe toute une télévision: Itélé. Cette situation risque en cas de durée de faire mal au groupe Canal + très réduit depuis l'arrivée de Bolloré à la tête du groupe. Le Breton n'a pas cessé de multiplier les gaffes et les maladresses. En colère, les journalistes de iTélé réclament plus d'engagements et de déontologie clairs et davantage de moyens. Malgré l'arrêt de l'émission de Morandini, objet de la contestation, la colère gronde. Les travailleurs de la télévision la plus de gauche du PAF (paysage audiovisuel français) réclament la tête de leur nouveau directeur, Serge Nedjar, nommé fin mai. Un choix mal accepté. Après le rachat du groupe Canal+ en 2015, Bolloré propulse à la tête d'i-Télé deux nouvelles têtes inexpérimentées: Virginie Chomicki et Guillaume Zeller. Le profil de ce dernier, catholique «tradi» et droitier, fait alors bondir la rédaction. Nedjar arrive pour tenter de rétablir le pont. Mais les méthodes sont contestées pour ce Français d'origine pied-noir algérien. Déja à Direct Matin, il dirigeait le titre en même temps que la régie publicitaire. Un mélange des genres qui n'est pas trop conseillé pour garder une ligne éditoriale libre. Il fait la même chose à i-Télé, où il cumule depuis le départ de Zeller tous les postes de direction. Il continue aussi de diriger Direct Matin, dont les équipes rejoignent celles d'i-Télé pour constituer une nouvelle équipe. Dès son arrivée, il commande des interviews, mais aussi a annoncé le non-remplacement de quelque 50 CDD et pigistes. «Avec un quart des effectifs en moins, i-Télé ne sera plus en mesure d'assurer sa mission convenablement et surtout tenir tête à BFM TV. L'Affaire Morandini n'est que la goutte qui a fait déborder le vase. Le malaise continue sur i-Télé, surtout après l'annonce du départ de Bruce Toussaint, la vedette de la matinale, qui part co-animer «C dans l'air» de France 5. Mais la crise interne à i-Télé s'ajoute à la tempête qui secoue le groupe, mis en danger sur son modèle en place depuis 30 ans: des abonnements chers pour un mélange de sport et de cinéma. Concurrencé dans la fiction de l'américain Netflix et autres plateformes de Svod, le piratage et les chaînes gratuites et, dans le sport, par beIN qui a raflé la plupart des droits du foot, Canal+ a perdu 500 000 abonnés en 5 ans. Même s'il en reste encore 3,9 millions. Vincent Bolloré, qui a pris le pouvoir total à Canal+ en été, pensait avoir trouvé la solution: un accord exclusif avec beIN, dont les abonnés seraient devenus en partie les siens. Mais l'Autorité de la concurrence a dit non. Du coup Canal+ est mal barrée dans cette nouvelle donne et la grève à i-Télé va inlassablement envoyer le groupe dans le fond. [email protected]