La grogne sociale ayant suivi la mort atroce de Mouhcine Fikri, a transformé le paysage politique au Maroc qui fait face à une vague de critiques à l'échelle nationale et internationale, mais aussi au niveau du continent africain. L'affaire de Mouhcine Fikri, un marchand de poisson mort broyé par une benne à ordures après la confiscation de sa marchandise par la police, a indigné le Maroc et poussé des milliers de personnes à manifester dans plusieurs villes du pays. A Al-Hoceima (Rif) d'où est originaire la victime, les habitants vivent au rythme d'une révolte sociale qui frise l'«insurrection», et qui fait craindre un nouveau mouvement comme celui du 20 février 2011. Cet état des lieux met à mal le gouvernement marocain qui s'apprête à abriter une conférence internationale sur le climat, (Cop22). Un rendez-vous climatique qui fait l'objet de controverses, car, une part importante des programmes des énergies renouvelables, dont se vante le Maroc est implantée dans le Sahara occidental occupé et utilisée dans le pillage illégal des minerais sahraouis, a dénoncé l'observatoire des ressources du Sahara occidental (WSRW). Les effets de l'imbroglio politique dans le pays, où le Premier ministre, Abdelillah Benkirane, peine à former un gouvernement, et le climat d'incertitude qui en découle devraient se faire sentir dans le futur proche et risque de réveiller les réseaux «terroristes» qui sommeillent dans le pays, selon des analystes politiques. «Avec environ 1.200 à 1.500 (terroristes) en Syrie et en Irak, le Maroc est l'un des principaux fournisseurs de combattants étrangers pour l'Etat islamique et d'autres groupes djihadistes dans la région», relève le centre de renseignement et d'analyses stratégiques dans une analyse publiée dernièrement aux Etats-Unis, intitulée «le paradoxe des jihadistes marocains dénoué». Le 19 octobre dernier, le roi du Maroc, Mohammed VI, a commencé au Rwanda, une tournée en Afrique à travers laquelle il a tenté de promouvoir la candidature de son pays visant à intégrer l'Union africaine (UA), après que Rabat ait quitté en 1984 l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), d'alors, après l'admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), qui devient par la suite membre fondateur de l'UA. Exemple patent de l'échec de cette «tournée de séduction», était l'appel du Comité tanzanien de soutien au peuple sahraoui adressé au gouvernement de son pays: «Nous exhortons le gouvernement de respecter nos principes de liberté, d'humanité, de bon voisinage et notre dévouement à la lutte pour la justice (...) tout en souhaitant que le gouvernement de Tanzanie continue son plein soutien au Sahara occidental (...)», a souligné le comité dans une déclaration après la visite du roi du Maroc en Tanzanie dans le cadre de sa tournée africaine. Le comité a également recommandé à l'UA de «ne pas admettre l'adhésion du Maroc à l'UA tant que ce dernier ne reconnaisse pas le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui». En effet, l'article 29, de l'acte constitutif de l'Union fixant les conditions de l'adhésion, stipule qu'un pays qui veut adhérer à l'UA doit faire une demande qui doit être remise au président de la Commission de l'UA. Si cette demande reçoit l'accord de 28 pays (majorité simple), ce pays est admis, «mais sans conditions». Les couacs diplomatiques de Rabat au Sahara occidental, viennent se greffer sur une situation déjà tendue en raison de la campagne de désinformation et la vague de répression menées contre toute voix contestataire. Reporters sans frontières (RSF) a exhorté vendredi les autorités marocaines à «lever toute entrave sur l'information» au Sahara occidental, sous occupation marocaine, et à cesser d'y «bafouer le droit des journalistes sahraouis et étrangers à couvrir» ce territoire. «Agressions lors de manifestations, procès contre des journalistes-citoyens sahraouis, expulsion de journalistes étrangers: en maintenant un contrôle abusif sur l'information au Sahara occidental, les autorités marocaines y rendent pratiquement impossible le travail des reporters», a expliqué RSF. Mais, il y a plus. L'archéologue espagnole Elia Quesada a affirmé samedi à Londres que Rabat faisait pression sur les chercheurs étrangers, européens notamment, pour qu'ils inclussent, dans leurs travaux, le patrimoine du Sahara occidental à celui du Maroc. Vient s'ajouter à cela, un scandale impliquant la candidate démocrate américaine à la Maison Blanche, Hillary Clinton, qui a été durement critiquée lundi par le camp républicain après des révélations sur un nouveau don de 15 millions de dollars accordé par Rabat à l'ancienne secrétaire d'Etat américaine en échange de faveurs diplomatiques et économiques. A l'inverse, le Front Polisario, continue de recevoir des marques de soutien et de sympathie de toutes parts. Un comité onusien expert en droits de l'Homme a dénoncé le pillage des ressources naturelles au Sahara occidental par le Maroc et exprimé ses vives inquiétudes face à l'impasse dans lequel se trouve le processus d'autodétermination des Sahraouis. «Le Maroc n'a pas pris les mesures nécessaires pour consulter le peuple sahraoui sur cette question», selon les conclusions du comité des droits de l'homme du PIDCP (pacte international relatif aux droits civils et politiques) qui a publié vendredi son sixième rapport périodique sur le Maroc. Les participants à la conférence internationale de Copenhague sur le Sahara occidental ont appelé à la décolonisation de ce territoire occupé par le Maroc, étant le dernier cas de colonisation en Afrique. Ils ont abordé les aspects juridiques du Sahara occidental en tant que question de décolonisation et dont sa résolution passe inéluctablement par l'organisation d'un référendum d'autodétermination sous les auspices de l'ONU.