Plusieurs personnes ont participé, le dimanche 30 octobre à Al-Hoceima (Rif), aux funérailles du jeune Mouhcine Fikri, un poissonnier écrasé par une benne à ordures après la confiscation de sa marchandise par la police. L'indignation est à son comble et fait renaître le syndrome du Tunisien Bouazizi, le déclencheur de ce qui fut appelé la « révolution du jasmin ». L'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH), un des fers de lance des manifestations de 2010, a dénoncé le rôle de l'Etat qui « foule aux pieds la dignité des citoyens » et alerté contre « une possible répétition » de la contestation. Terre de résistance contre la présence coloniale espagnole, dans les années 1920, et française, le bastion de la ville côtière de Hoceima, livrée à son triste sort par la monarchie marocaine, a tout naturellement constitué l'un des foyers de la contestation animée par le mouvement du 20-Février. Le sentiment d'injustice prédomine dans un brasier ravivé par la mort du jeune poissonnier en quête de pitance et coupable de la vente de l'espadon dont la pêche est interdite. Des scènes choquantes meublent les réseaux sociaux diffusant les photos de la victime, la tête et un bras du mécanisme de compactage de la benne. Les circonstances de la mort du jeune poissonnier sont diversement appréciées. Elle est intervenue, selon l'AMDH, lorsque des policiers ont confisqué et voulu détruire une partie de la marchandise. En voulant récupérer les poissons saisis, il est tombé dans la benne à ordures où il a été broyé. La thèse de l'accident est privilégiée par les autorités affichant une volonté de sanctionner par la justice « toutes les défaillances ». Le roi Mohammed VI, présentant « les condoléances et la compassion », a délégué son ministre de l'Intérieur, Mohammed Hassad, en le chargeant de mener « une enquête minutieuse et approfondie » pour engager des poursuites contre « quiconque dont la responsabilité serait établie dans cet incident ». Ce sera une « question de jours », a affirmé le ministre de l'Intérieur, déterminé à « punir les responsables de ce drame » et déplorant le fait que « personne n'a le droit de le traiter ainsi ». Le temps presse. Car il s'agit d'éteindre en urgence les feux de la contestation. Mais, également, le scénario du Maroc instable inquiète le souverain qui se prépare à accueillir, à Marrakech, les participants à la COP22, la conférence internationale sur le climat. L'image d'Epinal du Maroc, présenté en modèle de la démocratie et de la stabilité, se trouve sévèrement entachée par le cri de révolte des « tous Mouhcine », proclamé par des milliers de manifestants brandissant une pancarte souhaitant la « bienvenue à la COP22 » au pays où « on broie les gens ». Actuellement en Tanzanie, dans le cadre de la tournée régionale en Afrique de l'Est, le roi Mohammed VI est ébranlé par « l'injustice des Mouhcine » et rattrapé par le drame sahraoui. A Dar Es-Salam, le Comité tanzanien de soutien au peuple sahraoui a vivement condamné l'occupation illégale par le Maroc du Sahara occidental et ses obstacles devant la tenue du référendum promis par l'ONU depuis la création de la Minurso en 1991. « Nous avertissons fortement tout en souhaitant que le gouvernement de la République Unie de Tanzanie continue son plein soutien au Sahara occidental, et nous exhortons le gouvernement à respecter nos principes de liberté, d'humanité, de bon voisinage, et notre dévouement à la lutte pour la justice », a souligné le comité dans une déclaration rapportée dimanche par l'agence sahraouie SPS. Vérités au Rif, vérités à El Ayoune.