La coûteuse guerre qu'il mène au Yémen n'est pas pour arranger les affaires du Royaume Il semble que la situation dans la région du Golfe a notablement évolué, jusqu'à faire de la capitale algérienne une plaque tournante de la diplomatie arabe. Abdelmalek Sellal est attendu ce mardi en Arabie saoudite pour une visite officielle. Intervenant quelques jours après celle de Tayeb Belaïz, ministre d'Etat, conseiller à la présidence de la République dans ce pays, la mission de Sellal paraît fondamentale, d'autant que Belaïz était déjà porteur d'un message du président de la République au roi Salmane Ibn Abdelaziz. Cette densité dans les visites qu'effectuent les plus hauts responsables algériens montre une détermination des deux parties à solder définitivement les différends qui empoisonnent leurs relations, ces dernières années. Associés aux missions effectuées par les hauts responsables du Royaume wahhabite, dont le prince héritier, les échanges diplomatiques algéro-saoudiens témoignent d'un réchauffement inattendu des relations entre Alger et Riyadh. Mais plus encore, il est clair que l'approfondissement de ces contacts renseigne non seulement sur une simple volonté de promouvoir les relations bilatérales, mais il y a dans les missions de Belaïz et Sellal un objectif précis. Il faut dire que la scène diplomatique algéro-arabe frémit à l'image des multiples visites qui se succèdent, notamment dans le sens Golfe-Algérie. En effet, le chef de la diplomatie qatarie est depuis hier en Algérie. Le ministre saoudien du Pétrole lui a emboîté le pas. Son avion a atterri, hier, en fin de journée à l'aéroport Houari Boumediene. Ce chassé-croisé peut paraître assez curieux, sachant qu'il y a quelques mois, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont adopté une attitude à la limite de l'agressivité, en direction de l'Algérie, sur le dossier yéménite. Le refus d'Alger de faire partie de la coalition armée dans la guerre au Yémen a provoqué une réaction «violente» des pays du Golfe et plus spécialement de l'Arabie saoudite. Le royaume a entraîné les autres monarchies de la région dans un bras de fer indirect avec l'Algérie. Le soutien ouvert et assumé au Maroc dans le conflit qui l'oppose au peuple sahraoui était une sorte de réponse à l'Algérie qui refusait de rentrer dans les plans de Riyadh. Aujourd'hui, il semble que la situation dans la région du Golfe a notablement évolué, jusqu'à faire de la capitale algérienne une destination de choix des ministres de cette région. L'explication est à chercher dans les bouleversements politico-économiques mondiaux qui ont mis à genoux les puissances pétrolières. Il faut dire que la chute des prix du pétrole a considérablement amoindri la force de frappe financière des pays du CCG, à leur tête, l'Arabie saoudite qui multiplie les contre-performances économiques. Déficitaire, le royaume a commencé déjà à s'endetter. La coûteuse guerre qu'il mène au Yémen n'est pas pour arranger ses affaires, bien au contraire. Et le coup de grâce est venu des Etats-Unis. L'élection de Donald Trump a mis un terme définitif aux desseins des monarchies du Golfe. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche a confirmé son intention de changer de politique dans la région. De fait, Riyadh qui ne voit pas le bout du tunnel avec un prix du pétrole sous la barre des 45 dollars, devra faire sans son principal allié dans la région. Trump n'a-t-il pas affirmé que le Royaume saoudien ne tiendrait pas 20 jours sans le soutien des USA? L'intention affichée du nouveau maître du monde de reprendre langue avec Moscou et de ne plus exiger le départ de Bachar El Assad, a sonné comme un dernier avertissement pour le royaume qui cherche un moyen de «sortir» de son propre piège. Menacée dans son existence même, l'Arabie saoudite a intérêt à éteindre le foyer yéménite et améliorer ses relations avec l'Iran et la Russie. En cela, l'Algérie qui a déjà réussi un coup de maître en rapprochant les points de vue de ces trois pays sur le dossier du pétrole, est la mieux placée pour permettre à l'Arabie saoudite de «sortir par le haut» du guêpier. Le message du président de la République et la visite du Premier ministre en Arabie saoudite et les déplacements d'autres hauts responsables du Golfe à Alger constituent autant d'indices qui ne trompent pas sur le déploiement d'un plan de paix d'inspiration algérienne, destiné à apaiser les tensions dans la région et donner à l'Arabie saoudite les moyens de résister à la crise financière qui l'étreint. De fait, le choc pétrolier et l'élection présidentielle aux USA ont propulsé l'Algérie sur l'échiquier politique d'une région très sensible. Un éventuel succès des démarches de la diplomatie algérienne aura un retentissement mondial. Mais d'ores et déjà, il y a lieu de retenir le rôle de «faiseur de paix» qu'elle campe et qui lui vaut le respect de toute la communauté internationale.