De [à] quoi rêve le «calife» d'Istanbul? C'est la question-clé! Voilà un président qui ne sait plus quoi faire pour s'imposer et imposer ses appétences à son environnement régional et même international. A trop faire, le maître d'Ankara s'est mis toute la région et ses populations à dos. Ses sautes d'humeur irritent aussi l'Union européenne. Une UE qui a toutefois besoin de la Turquie pour contenir les migrants. Une UE qui fait traîner le dossier d'adhésion de la Turquie depuis plus de 40 ans. Aussi, Erdogan veut-il maintenant organiser un référendum pour savoir si les Turcs veulent rejoindre l'Union européenne. Or, c'est dans le voisinage de la Turquie que le président Erdogan fait tout faux. Ainsi, avant le début de la bataille de Mossoul (le 17 octobre dernier), Baghdad avait interdit à la Turquie d'y participer. Même rengaine sur l'autre versant de la frontière de l'Irak, en Syrie, où les «Forces démocratiques syriennes» (FDS, coalition de Kurdes de l'YPG de résistants arabes) ne veulent en aucun cas qu'Ankara prenne part à l'offensive déclenchée la semaine dernière contre Raqqa, bastion de Daesh. Les Turcs sont devenus persona non grata en Irak et en Syrie. Si le président syrien, Bachar al-Assad, ne dit mot, laissant Erdogan s'enfoncer dans ses chicanes, le Premier ministre irakien Haïder al Abadi, «interdit», tout bonnement, à Ankara toute participation à quelque niveau que ce soit à la bataille de Mossoul. Recep Tayyp Erdogan, qui s'est mis à dos ses deux principaux voisins arabes, brouillé avec l'Egypte et pas dans les meilleurs termes avec l'Iran, a gravement mésusé de ses forces à faire plier son environnement à ses ambitions. Or, c'est lui qui, dès mars 2011 et le début du conflit en Syrie, a mis de l'huile sur le feu allant jusqu'à «exiger» le départ de son homologue syrien Bachar al-Assad. Est-il besoin de demander à quel titre un dirigeant peut réclamer à un pair, [d'un autre pays] de partir? D'autre part, le président turc était-il en situation d'imposer son diktat, ou sa loi, aux pays voisins? C'est là l'un des mystères de la guerre imposée au pays de Cham. La Turquie - qui a accueilli ladite opposition syrienne et arma la rébellion - joua de fait un rôle stratégique dans l'enclenchement et la perpétuation des évènements qui martyrisent la Syrie depuis plus de cinq ans et demi. Erdogan qui est en train de réaliser en Turquie ce qui est reproché à son homologue syrien - restriction des libertés, musellement des médias, emprisonnement de journalistes et d'opposants, tentative de réviser la Constitution à ses mesures - est-il le mieux placé pour donner des leçons de «démocratie»? Toutefois, au moment où les initiatives du dirigeant turc commençaient à indisposer les plus compréhensifs de ses partenaires, un putsch est «tombé à pic» qui remit en selle le «Sultan» d'Istanbul (titre que, par dérision, les Stambouliotes donnent à leur président). Ce qu'il faut noter est que ce putsch a été une aubaine pour Erdogan qui fit table rase de toute opposition. Plus de 38 000 Turcs (des militaires, des juges, des professeurs d'université, des journalistes, des parlementaires, des religieux, des intellectuels) furent ainsi jetés en prison, limogés, mis à la retraite anticipée. C'est la plus singulière des purges à laquelle s'est livré un Etat, depuis les purges bolcheviques des années 1930. L'occasion était unique pour Erdogan de nettoyer toute opposition à son ambition de régner en maître sur la Turquie. Des dizaines de milliers de Turcs ont du jour au lendemain tout perdu, souvent sur le seul soupçon d'être un ami du «sulfureux» prédicateur Fathullah Gülen [réfugié aux Etats-Unis] accusé d'être le cerveau du coup d'Etat avorté. Ses tentatives de le faire extrader des Etats-Unis ont, jusqu'ici, été vaines. Le cocasse dans toute cette agitation est que M.Erdogan se regardait comme le stabilisateur du Moyen-Orient. Or, quels sont les faits? La Turquie est en guerre contre la Syrie |[régime et opposition intérieure syrienne, Kurdes et autres minorités] des relations au plus mal avec l'Irak [l'armée turque a ouvert un camp dans le nord du pays, sans l'accord de Baghdad, y formant notamment les peshmergas kurdes irakiens] l'Iran, l'Egypte et même certains de ses alliés occidentaux. Excusez du peu! Car comme fragilisation de la région, on ne fait pas mieux! Dès son arrivée au pouvoir, en 2002, le credo du Premier ministre turc, Recep Tayyp Erdogan, a été d'avoir «zéro problème» avec ses voisins. La Turquie, comme facteur de stabilité, c'est réussi! De fait, le jeu trouble de Recep Tayyp Erdogan a mis mal à l'aise tous ceux qui avaient estimé que la Turquie avait un rôle à jouer au Moyen-Orient. Ce qui, désormais, lui est contesté. Depuis son accès à la chefferie de l'Etat, (août 2014), Erdogan s'est signalé par la multiplicité de ses mauvaises décisions, faisant douter des logiques qui le font agir Ainsi, depuis l'été dernier, le pays est en situation d'urgence, entrant de plain-pied dans la zone de turbulence, qui, outre la Turquie, pourrait être dramatique pour toute la région moyen-orientale. Du beau travail, M.Erdogan!