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Le dernier des géants du XXe siècle
FIDEL CASTRO TIRE SA REVERENCE
Publié dans L'Expression le 28 - 11 - 2016


Un grand ami de l'Algérie
«Il faut une révolution énergétique globale. Mais pour y parvenir, il faut aussi une révolution des consciences. Cuba s'est engagé dans sa propre voie vers un nouveau paradigme, en mettant en oeuvre des concepts tels que la génération distribuée, le rendement, l'éducation, la solidarité énergétique, et la solarisation progressive du pays.» Mario Alberto Arrastia Avila, expert en énergie chez Cubaenergia.
Fidel Castro est mort. Sa mort a suscité une vague de communiqués qui vont de la compassion au respect pour ce géant du XXe siècle qui a dit non à l'exploitation de l'homme par l'homme jusqu'aux insultes les plus basses sans état d'âme, du fait que le logiciel fondamental du capitalisme et du néolibéralisme est de détruire tout ce qui ne répond pas à la norme de l'Empire néolibéral, d'essence messianique.
Toute la vie de Castro est un roman. Comment cet homme bien né, issu d'une famille terrienne riche, décide de tout laisser tomber et de consacrer sa vie jusqu'à sa mort à défendre son île et à donner de la dignité au peuple cubain? Fidel Castro a eu plusieurs vies, c'est d'abord le dandy fils de famille, c'est ensuite l' universitaire avocat, c'est encore l'homme révolté par le sort qui est fait aux Cubains par un pouvoir vendu aux multinationales américaines Il fit une première tentative qui échoua. Il sera condamné et purgera une peine de prison de deux ans. A la sortie de prison, toujours habité par le souci de libérer son peuple, il partit de rien et son combat s'apparente quelque part à celui des révolutionnaires algériens. Le premier janvier 1960, la centaine de guérilleros rentre à Cuba. Parmi eux, un certain Che Guevara, une autre icône, qui ne fut pas atteint par l'usure du pouvoir. On sait que ce dernier, après le discours d'Alger, décida de tout abandonner et d'aller porter la révolution en Amérique latine. Plus précisément en Bolivie où il fut encerclé et tué un certain jour funeste d'octobre 1967.
Les indicateurs de développement humain: santé et éducation
Bref, Fidel une fois installé au pouvoir mit en oeuvre sincèrement un plan d'émancipation du peuple cubain. Certes, les libertés furent restreintes du fait que la subversion était partout et les Etats-Unis ont tout fait pour le renverser. Il y eut 638 tentatives de la CIA pour l'assassiner, en vain. Fort de l'appui de son peuple, il résista et il lutta contre un embargo inhumain qui dure encore; le Congrès américain sous l'influence d'une opposition cubaine offshore traîne les pieds pour lever l'embargo qui n' a plus de raison d'être depuis, dit-on, le voyage d'Obama dans l'Ile. Curieusement, Obama n'a pas vu le Lider Maximo et on ne peut pas invoquer la maladie, car le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal l'a rencontré récemment, il y a moins de quinze jours. Est-ce parce que Fidel a beaucoup d'admiration pour la révolution algérienne au point dit-on, de se vêtir d' un survêtement de l'Equipe nationale algérienne?
Dans ce qui suit, nous allons zoomer sur deux paramètres qui rentrent dans le bien-être des citoyens au-delà de la liberté qui est un mythe, quand il n'y a pas de moyens de subsistance comme dans les pays développés où on se gargarise de liberté, en envoyant par charrettes entières, des cohortes de chômeurs qui perdent pied dans un monde incertain, même pour l'immense majorité de ceux qui ont des emplois précaires. Certes, nous n'allons pas jusqu'à dire que le régime de Castro est parfait, il y a toujours des prisonniers politiques, mais c'est le prix à payer pour garder une cohésion sociale pour la grande majorité des Cubains qui luttent à la fois contre les éléments naturels et l'embargo, pas seulement des Etats-Unis mais aussi des vassaux européens, quand on sait que depuis 1996 l'Europe a imposé la «position commune» sur Cuba qui restreint la coopération dans tous les domaines, y compris la recherche médicale. Cette mesure a été adoptée dans la foulée de la loi Helms-Burton par les Etats-Unis, qui avaient vu là, un moyen de mettre la tête des Cubains sous l'eau.
Cuba eut à lutter contre l'embargo américain et assura un développement endogène qui ne compte que sur le génie des Cubains. Qu'on se le dise! Cuba a l'un des meilleurs systèmes de santé au monde. Pourtant, ne disposant pas de la technologie occidentale, il réussit à développer des outils scientifiques qui lui permettent avec une formation de qualité d'être classé dans le top des systèmes de santé, d'après l'OMS. «Cuba, écrit Salim Lamrani, est l'île de la santé. Depuis le triomphe de la Révolution en 1959, le développement de la médecine a été la grande priorité du gouvernement cubain, qui a transformé l'île des Caraïbes en une référence mondiale dans ce domaine. En effet, à ce jour, Cuba est le pays du monde qui compte le nombre de médecins le plus élevé par habitant. En 2012, Cuba a formé plus de 11.000 nouveaux docteurs, au sein de ses facultés de médecine reconnues pour l'excellence de leurs enseignements. Parmi ces nouveaux médecins, 5315 sont cubains et 5694 sont issus de 59 pays d'Amérique latine, d'Afrique, d'Asie et même des Etats-Unis. (...) En effet, lors du triomphe de la Révolution, Cuba ne comptait que 6286 médecins. Parmi ces derniers, 3000 avaient choisi de quitter le pays pour se rendre aux Etats-Unis, attirés par les opportunités professionnelles que leur offrait Washington. (...) Face à cela, Cuba s'était engagée à investir massivement dans la médecine, en universalisant l'accès aux études supérieures et instaurant la gratuité dans tous les cursus. Ainsi, il existe aujourd'hui 24 facultés de médecine (contre une seule en 1959), Avec un médecin pour 148 habitants (67,2 médecins pour 10.000 habitants, 78.622 au total), selon l'Organisation mondiale de la santé, Cuba est la nation au monde la mieux pourvue dans ce secteur. Le pays dispose de 161 hôpitaux et 452 polycliniques.»
Une prouesse que l'Ecole latino-américaine de médecine de La Havane. Actuellement, 24.000 étudiants en provenance de 116 pays d'Amérique latine, de la Caraïbe, d'Afrique, d'Asie, d'Océanie, mais également des Etats-Unis (500 par promotion) se forment gratuitement à Cuba. Entre la première promotion de 2005 et 2010, 8594 jeunes docteurs de 54 pays ont été formés à l'Elam. Au total, près de 15.000 médecins ont été formés à l'Elam dans 25 spécialités différentes.
L'Organisation mondiale de la santé a rendu hommage au travail de l'Elam: «L'Ecole latino-américaine de médecine de La Havane accueille des jeunes gens passionnés venus de pays en développement et les renvoie chez eux une fois qu'ils sont devenus médecins. Les nouveaux médecins sont au travail dans la plupart des pays des Amériques, y compris aux Etats-Unis, dans divers pays africains et dans de nombreux pays anglophones de la région des Caraïbes. Comme le souligne Charles Boelen, ancien coordonnateur à l'OMS du programme Ressources humaines pour la santé, cette notion de responsabilité sociale doit être prise en compte partout dans le monde, même dans les cercles médicaux traditionnels.... Le monde a un besoin urgent de ce genre de bâtisseurs dévoués, de nouveaux paradigmes en matière d'enseignement de la médecine...».
Dans le même ordre, la solidarité internationale n'est pas absente de la politique cubaine. Nous avons vu comment Cuba avait envoyé des troupes en Afrique pour lutter contre le régime d'apartheid en Afrique du Sud et au Mozambique. L'un des premiers voyages de Mandela à sa sortie de prison fut d'aller rendre visite à Castro et le remercier pour l'aide et le soutien pendant les années sombres de l'apartheid. Par la suite, la coopération internationale prit une autre forme. Le système éducatif cubain est performant au point qu'il forme des milliers d'étudiants dans les sciences médicales pour une dizaine de pays dans le monde, notamment l'Algérie. Une autre réussite à mettre à l'actif de Cuba, c'est l'opération miracle qui consiste à faire retrouver la vue à des malades. On raconte que l'une des missions qui travaillaient en Bolivie eut un jour à traiter un malade venu se soigner; il s'agissait du soldat qui avait eu le triste privilège d'exécuter le Che qui mourut avec cette fameuse dernière phrase: «Ne tremble pas, vise bien tu vas tuer un homme!». En 2011, plus de deux millions de personnes en provenance de 35 pays ont pu retrouver la vue. «Concernant la médecine de catastrophe», conclut Salim Lamrani, «le Centre pour la politique internationale de Washington, dirigé par Wayne S. Smith, ancien ambassadeur états-unien à Cuba, note dans un rapport que «l'efficacité du système cubain ne fait aucun doute. Seuls quelques Cubains ont perdu la vie dans les 16 ouragans les plus importants qui ont frappé l'île lors de la dernière décennie, et la probabilité de perdre la vie lors d'un ouragan aux Etats-Unis est 15 fois supérieure à celle de Cuba».
Un indice de développement humain élevé
S'agissant du niveau de vie malgré la crise, malgré la mondialisation inhumaine, malgré l'embargo l'Indice de développement humain de Cuba est de 0,78, l'un des meilleurs au monde. Il a cru de 10 points de 0,68 en 2000 à 0,78 (2014: 62 places) malgré la chute de l'empire de l'Union soviétique que les médias occidentaux présentent comme le perfuseur de Cuba. Celui de l'Algérie est à la 82e place avec 0,736 L'enseignement est gratuit à tous les niveaux. Avant la révolution cubaine, le taux d'alphabétisation à Cuba, était déjà de 78%, alors que la moyenne mondiale était de 44%. Selon le Pnud, Cuba se situe au troisième rang mondial avec un taux d'alphabétisation de 99,8% aujourd'hui, à égalité avec l'Estonie et devant les Etats-Unis (93,3%). La plus ancienne université du pays est celle de La Havane fondée en 1728. Le budget consacré à l'éducation en% du PNB est de 9,8% contre 5,9% pour les Etats-Unis et 5% en Algérie.
«Cet investissement écrit Salim Lamrani dans le domaine de la santé - 10% du budget national - a permis à Cuba d'obtenir des résultats exceptionnels. Ainsi, grâce, entre autres, à sa médecine préventive, l'île des Caraïbes dispose du taux de mortalité infantile - 4,9 pour mille (contre 60 pour mille en 1959) - le plus bas d'Amérique - inférieur à celui du Canada et des Etats-Unis. De la même manière, l'espérance de vie des Cubains - 78,8 ans (contre 60 ans en 1959) - est similaire à celle des nations les plus développées. Ce développement humain et social est salué par les plus importantes institutions internationales. (...) Cuba reste une référence mondiale dans le domaine de la santé, notamment pour les nations du tiers-monde. Elle démontre qu'il est possible d'atteindre un haut niveau de développement social, malgré des ressources limitées et un état de siège économique extrêmement sévère imposé par les Etats-Unis depuis 1960, à condition de placer l'être humain au centre du projet de société.» (1)
Les changements climatiques et le modèle énergétique cubain
La révolution énergétique cubaine lit-on sous la plume de Laurie Guevara-Stone a permis à Cuba de devenir un véritable modèle dans le domaine du développement durable. Le rapport de 2006 de Living Planet mesure le développement durable selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et l'Indice de développement humain (IDH) ainsi que l'empreinte écologique. Le IDH est calculé d'après l'espérance de vie, l'alphabétisme et l'éducation, et le Produit national brut par habitant. Le Pnud considère qu'un IDH de plus de 0,8 indique un taux de développement humain élevé. Une empreinte écologique, qui mesure l'impact de l'activité humaine sur la biosphère, de moins de 1,8 par hectare indique un développement durable. Le seul pays qui atteint ces deux chiffres est Cuba. «Cuba a atteint un bon niveau de développement durable selon (les critères des) Nations unies, grâce à un fort taux d'alphabétisme et une espérance de vie très élevée,» explique Jonathan Loh, un des auteurs du rapport. Il ajoute: «En même temps, l'empreinte écologique y est faible puisque le pays consomme peu d'énergie.» Les statistiques sont impressionnantes: depuis la révolution énergétique, lancée il y a seulement deux ans, la consommation de kérosène a baissé de 66%, celle du gaz de 60% et celle de l'essence de 20%. La consommation d'énergie par habitant se situe désormais à un huitième de celle des Etats-Unis, alors que la santé, l'éducation et l'espérance de vie sont parmi les plus élevées au monde (...).» (2)
«Pour comprendre la révolution énergétique de Cuba, il faut examiner son histoire. Avant la révolution de 1959, 56% du pays était raccordé au réseau électrique. Avec l'avènement du socialisme, l'électrification a été étendue aux coins les plus reculés du pays. En 1989, 95% du pays avait l'électricité - en majorité grâce au pétrole bon marché livré par les Soviétiques en échange de sucre. Avec l'obligation d'acheter du pétrole sur le marché mondial, l'électricité devenait cher. Les aliments, le gaz et le pétrole sont devenus des denrées rares, tandis que les Etats-Unis resserraient l'étau du blocus économique. Les années qui ont suivi la chute de l'Union soviétique et l'intensification du blocus US sont connues comme «la période spéciale» (...) En 1993, un Programme de développement des sources nationales d'énergie fut rédigé pour réduire les importations d'énergie et utiliser au mieux les sources d'énergie locales. Le document a proposé que la première source d'énergie devienne l'économie d'énergie. (...) Après l'adoption de ce programme, Cuba s'est lancé sur la voie des économies d'énergie et des énergies renouvelables. Toutes les écoles rurales, les cliniques, les centres sociaux du pays qui n'étaient pas branchés au réseau électrique ont été électrifiés par l'énergie solaire. Chaque élève cubain a donc accès à l'éclairage, aux ordinateurs, aux programmes d'éducation télévisés.» (2)
A n'en point douter, malgré les détracteurs de tout poil qui n'ont pas une once d'empathie pour la disparition de ce géant de la pensée et de l'action en faveur de la condition humaine. Ils ne vibrent qu'à la fréquence de l'Empire. Pourtant, malgré tous les efforts, les Cubains souffrent au quotidien plus d'un embargo inhumain que de savoir s'ils sont libres. Cuba donne l'image d'une nation qui prend en main son destin à partir de rien, car à quoi sert la liberté mise en exergue si on ne peut pas nourrir le peuple, lui donner du travail, l'instruire, le soigner, en faire des champions du monde dans le sport. Castro restera celui qui a servi non seulement le peuple cubain, mais aussi tous les damnés de la Terre qui, par l'exemple de Castro qui a dit non à l'ordre néolibéral savent que tout est possible si les peuples décident de s'en sortir et de ne pas s'apitoyer sur leur sort en attendant une hypothétique manne. S'agissant de l'hommage de l'Algérie, il serait indiqué que des conférences soient faites dans les campus pour expliquer la dimension de ce géant universel ¡Que viva Fidel para siempre! (3)
1.Salim Lamrani https://blogs.mediapart.fr/pizzicalaluna/blog/250713/cuba-l-ile-de-la-sante
2. https://legrandsoir.info/La-Revolution-Energetique-a-Cuba-Renewable-Energy-World.html
3.C.E. Chitour http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/cuba-une-intelligence-tranquille-51404


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