La genèse du «Théâtre de l'immigration» post-indépendance, oeuvre d'auteurs et de metteurs en scène algériens établis en France, a été abordée à Alger, dans le cadre du 11e Festival national du théâtre professionnel (Fntp), ouvert le 23 novembre dernier. Intervenant lors de la première conférence intitulée «Théâtre et immigration», l'universitaire Ahmed Cheniki, le dramaturge et metteur en scène Ziani Cherif Ayad et l'universitaire Fatima Guermat sont revenus sur les raisons qui ont poussé à l'avènement d'un théâtre dit de l'immigration. Répercutant sur les planches les «souffrances et les préoccupations des travailleurs algériens immigrés en France», le théâtre de l'immigration, est l'oeuvre d'«initiatives individuelles» nourries de la «réalité socio-politique en France, durant les années 1970», a dit Cheniki, premier intervenant et modérateur de la conférence. Apparu après le choc pétrolier de 1973, le théâtre de l'immigration, apparenté au genre théâtre-document, avait pour fonction principale d'apporter la contradiction à la «stigmatisation de la communauté immigrée», tenue pour «responsable» de la crise économique en France, explique encore Ahmed Cheniki. «Mohamed prend ta valise» de Kateb Yacine, sillonnant la France entière a donné une impulsion telle, qu'une «centaine de troupes de théâtre furent créées», à l'instar d'«El Aâssifa», «Nedjma» et «Kahina» (troupe féminine), ce qui a abouti à «la création, entre 1975 et 1981, du Festival du Théâtre de l'immigration» qui accueillait à chaque édition plus d'une trentaine de pièces, poursuit-il. Exprimé dans le parler algérien, le kabyle ou en français, le théâtre de l'immigration, s'inspirant de celui de Peter Brook et Alexandre Pouchkine, a investi, outre les salles de spectacle, les espaces publics, interrogeant la réalité dans la rue, les usines, les hangars et les cafés littéraires, conclut-il, Ziani Cherif Ayad est ensuite intervenu pour évoquer les développements qu'a connus l'action théâtrale en terre d'exil et son «impact» sur les spectateurs «de tous bords», explique-t-il, renseignant sur «la diversité du public», selon qu'il soit «issu des banlieues ou des centres-villes». Faisant part de quelques-unes de ses nombreuses expériences, à l'instar de «Fatma» ou encore «Nedjma», le dramaturge explique que les différents travaux présentés tenaient compte des deux repères spatiaux: «la mère patrie» et l'«exil», soulignant que le théâtre des années 1990 pratiqué par des «Algériens» en France, était d'«un autre discours», perçu «comme particulier», au vu des événements tragiques vécus en Algérie du fait du terrorisme. La troisième partie de la conférence, animée par l'universitaire Fatima Guermat, a concerné le parcours artistique en terre d'exil du comédien, auteur et metteur en scène Slimane Benaïssa qui racontait dans le genre populaire, «l'Algérien, chez lui et ailleurs», préférant comme «outil linguistique le français». La conférencière a cité, dans un ordre chronologique, quelques pièces montées en France par Slimane Benaïssa dans la trilogie «histoire, mémoire et religion». Ahmed Cheniki a clos la conférence, déplorant l' «absence» de thèses universitaires sur le théâtre de l'immigration comme d'un centre de documentation qui aurait conservé les différents travaux, «en nombre important», montés en France depuis plusieurs décennies, aujourd'hui «perdus». Le 11e Fntp se poursuit jusqu'au 30 novembre avec la programmation, outre les pièces en compétition et d'autres hors concours, de deux autres conférences sur «La mise en scène en Algérie» et «Le théâtre et l'université».