Le courant ne passe plus Bien qu'il ait joué la carte de l'apaisement, en déclarant la guerre à la «chkara», Ould Abbès a replongé le FLN dans la crise. Le FLN entre de nouveau dans une zone de turbulence. Entre le président de l'APN, Larbi Ould Khelifa et le chef du groupe parlementaire, Mohamed Djemai, le courant ne passe plus. En effet, lors de la séance d'examen du projet de loi portant sur la circulation routière, le chef du groupe parlementaire du FLN a demandé un point d'ordre pour contester le refus du président de l'Assemblée d'être accompagné par le président du groupe parlementaire d'amitié algéro-chinoise, Nacer Latrache, lors de son déplacement prochainement en Chine pour avoir été proche auparavant de Ali Benflis. «Je réitère la fidélité des députés du vieux Front au président de la République et à son programme», a-t-il déclaré en dénonçant, au passage, une «campagne de dénigrement ciblant des députés du parti, et remettant en cause leur fidélité et leur engagement aux côtés du président de la République». Mais la réponse de Ould Khelifa a été cinglante. «Vous n'êtes qu'un simple député», a-t-il déclaré au nez de Mohamed Djemai qui a, tout de suite après, balancé discrètement un mot au président de l'APN. Toutefois, sans hésitation aucune, ce dernier a déchiré le document remis par Mohamed Djemai sous les regards de l'assistance, ce qui a poussé le parlementaire de Tébessa à quitter l'hémicycle. Mais pas seulement. Car, avant la levée de la séance, le président de l'Assemblée a mis de l'huile sur le feu en répétant, encore une fois, que «Djemai n'est pas chef du groupe parlementaire», mais «un simple député». Cet incident, largement colporté par les médias, vient rappeler que la hache de guerre n'est pas définitivement enterrée par les différentes factions qui se disputent la maison FLN. Après un déchirement qui a suscité carrément l'installation d'une direction parallèle du parti, notamment dans le sillage des législatives de 2012, Saâdani a réussi à faire oublier à l'opinion les mésaventures de l'ex-parti unique en créant, à chacune de ses sorties publiques, l'événement. Mais la crise gisait toujours en son sein. A son arrivée, Djamel Ould Abbès a d'abord joué la carte de l'apaisement en appelant à l'union. Ce faisant, il a réussi à ramener à la raison certains contestataires, notamment Goudjil, Abada, Aïssi, etc. Mais, juste après, il a ouvert un nouveau front en déclarant ouvertement la guerre à ceux qu'il appelle «shab chkara». «Avec moi la chkara c'est fini», a-t-il déclaré au lendemain de son investiture en promettant de sévir. «Ceux qui veulent se présenter aux prochaines élections législatives ne doivent pas compter sur la «chkara» et donc sur l'argent sale», a-t-il tranché, lors d'une rencontre récente avec les élus du parti. Selon certains observateurs, la lutte contre la «chkara» représente un simple prétexte pour mener une campagne contre les proches de Saâdani.» Le style Ould Abbès est diamétralement opposé à celui de Saâdani. Sa ligne politique aussi. C'est de «désaâdanisation du FLN qu'il s'agit», estime un proche de l'ex-secrétaire général du parti. Néanmoins, des sources proches de la Présidence parlent effectivement d'une guerre contre la «chkara». «Ould Abbès a été instruit pour pousser à la porte les milliardaires. C'est la volonté du président de la République. Il n'est plus question de mélanger l'argent et la politique, surtout au FLN. Le FLN doit rester un parti propre, fort et crédible. Le fait que «shab chkara» y pullulent l'a fortement fragilisé. Il ne faut pas oublier que lors des législatives de 2012, le FLN a gagné à peine plus d'un million de voix, ce qui représente son score le plus faible», nous a-t-on déclaré. Pour mettre en oeuvre cette démarche et assainir le FLN en le vidant de partisans de la «chkara», Ould Abbès et ses lieutenants n'ont pas de meilleure occasion que celle des législatives de 2017. En effet, en évoquant le recours à la base pour le choix des candidats aux prochaines élections, la direction du FLN veut exclure beaucoup de «ces intrus» qui ont envahi le parti en 2012. Mohamed Djemai, patron de Starligt et réputé influent au sein du FLN, estime sans nul doute faire partie des «hommes à abattre», c'est pourquoi il n'hésite pas à dégainer. Pour l'heure, la balance est penchée du côté de Ould Abbès, mais la bataille s'annonce déjà rude, car l'actuel chef du groupe parlementaire du FLN, pour puissant qu'il soit, n'est néanmoins pas seul. Un bon nombre des pontes actuels du parti sont de son côté, y compris le vice-président de l'APN, Baha Eddine Tliba. En voulant donc séparer l'argent, surtout quand il est «sale», de la politique, Ould Abbès peut très bien diviser le parti.