Liès M. vient de sortir du statut de mineur. Il a été surpris en flagrant délit de vol dans un appartement. Quel dilemme pour la juge ! A chaque audience, il y a des moments forts durant lesquels on ne regrette pas d'avoir perdu dix heures dans le même tribunal. Lorsque vous prenez un gros morceau de magistrat nommée Yamina Guerfi comme présidentes du pénal et un gros «requin» des barres nommé Benouadah Lamouri, vous avez un plat épicé surtout que l'inculpation est, elle, grave : vol, fait prévu et puni par l'article 350 du code pénal qui dispose que: «Quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol et puni d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende de cinq cents à vingt mille dinars. Le coupable peut, en outre, être frappé pour un an au moins et cinq ans au plus, de l'interdiction de séjour. La tentative de ce délit est punie des mêmes peines que l'infraction consommée. Les mêmes peines s'appliquent aux auteurs des détournements d'eau, de gaz et d'électricité». Cette loi relève du 13 février 1982 - n°82-04 - et doit être connue de tout individu normalement constitué. L'inculpé, pris en flagrant délit, ne sait pas se défendre, il ne sait même pas répondre. Le très jeune âge aidant, le stress contraignant, la trouille mordillante, la honte dominante, la présence des parents écrasante et le regard de la juge, pesant, il ne restait plus au fougueux conseil qu'à enfourcher un étalon et foncer droit sur le représentant du ministère public qui a requis la lourde peine d'un an de prison ferme et d'une amende. S'il est vrai que le jeune s'est introduit dans un appartement qui n'appartient pas à ses parents, ni à ses proches, s'il est vrai qu'il vient à peine de quitter le statut de mineur, s'il est vrai qu'il a en face de lui l'article 350 du code pénal et qu'il risque une peine que Guerfi signifiera en fin d'audience, il sait avant toute chose et on lui a soufflé en taule qu'il pouvait compter sur son défenseur lequel a sur lui une ceinture débordante de munitions de tous calibres. Si, effectivement, le parquetier n'a eu de cesse de flétrir le délit de vol qui est devenu un véritable fléau, il a eu aussi la persévérance de demander la main de fer de la justice. «Il faut que ce délinquant, même primaire, sache que la justice a le bras long», s'est écrié le représentant du ministère public. Me Lamouri avait donné l'impression qu'il en était lui aussi à sa première plaidoirie. Après avoir rendu un vibrant hommage à la présidente, le conseil a presque crié : «Nous avons un jeune qui passait devant un appartement au rez-de-chaussée. La porte était grande ouverte. Le gosse a été tenté. Il est entré. Il n'a rien pris, la ménagère était de retour. Elle a crié ! Les voisins ont surgi. Le gosse a été neutralisé, battu, tabassé jusqu'à l'arrivée de la police. Alors, madame la présidente où est donc le délit de vol ? On peut, à la rigueur, évoquer la tentative à l'encontre de ce petit qui mérite, en sa qualité de primaire, qu'on lui donne une chance en le condamnant certes mais avec un petit sursis», a dit le défenseur qui avait plaidé la main droite sur l'épaule du «petit gaillard», un geste paternel et protecteur. Guerfi attend de l'inculpé le traditionnel dernier mot: «Je ne recommencerai plus. Je le jure», dit-il. -Ah non ! ne jurez plus... rugit la juge qui annonce la mise en examen de l'affaire sous huitaine.