Des milliers de civils peuvent enfin quitter Alep-Est L'ambassadeur russe à l'Onu Vitali Tchourkine a accusé les Occidentaux de vouloir «sauver des terroristes» et «d'utiliser des problèmes humanitaires à des fins politiques». Des centaines de soldats d'élite syriens ont pris position jeudi à Alep-Est pour aider le régime à conquérir les quartiers les plus peuplés de ce bastion rebelle assiégé, la Russie proposant des couloirs pour évacuer les civils et acheminer de l'aide. A coups de bombardements aériens et de tirs d'artillerie incessants depuis 15 jours, l'armée a provoqué de terribles destructions dans l'est de la deuxième ville de Syrie, poussé quelque 50.000 habitants à la fuite et pris le contrôle de 40% de ce secteur, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh). Aidé de milliers de combattants étrangers -iraniens, du Hezbollah libanais, irakiens et palestiniens-, «le régime resserre l'étau sur les zones toujours sous contrôle des rebelles» à Alep-Est. Des centaines de soldats d'élite ont été déployés en vue «des batailles de rue» dans les zones les plus peuplées, a-t-il précisé. «Ils avancent mais craignent des embuscades, les combattants se mêlant aux habitants». Bien qu'aguerris, les groupes rebelles sont submergés par la puissance de feu du pouvoir, déterminé à reprendre la totalité d'Alep et à leur infliger leur plus sévère défaite depuis le début de la guerre en 2011. Divisée depuis 2012 entre un secteur ouest contrôlé par le régime et des quartiers est aux mains des rebelles, Alep est devenue le principal front du conflit syrien, qui a fait plus de 300.000 morts en plus de cinq ans.Alep-Est comptait encore récemment 250.000 habitants, mais plus de 50.000 d'entre eux, selon l'OSDH, ont fui ces derniers jours cette zone assiégée depuis quatre mois et privée de nourriture, médicaments ou électricité. Cet exode devrait s'accentuer avec la poursuite des bombardements mais une tempête qui s'est déchaînée jeudi a ralenti le flux de déplacés. Le rythme des raids et des tirs d'artillerie a également baissé, contrairement aux combats au sol qui ont continué de plus belle, selon l'Osdh. Alliée du régime à qui elle fournit une aide militaire précieuse, la Russie a proposé la création de quatre couloirs humanitaires à Alep-Est, a indiqué un haut responsable de l'ONU, Jan Egeland. Selon le général Sergueï Roudskoï, un haut responsable de l'état-major russe, Moscou est «prête à garantir que les blessés, les malades et les civils des quartiers est d'Alep toujours sous contrôle des combattants (rebelles) soient acceptés» dans ces corridors. Plus de 300 civils, dont 33 enfants, ont été tués à Alep-Est depuis le début de l'offensive le 15 novembre, selon l'Osdh. Près d'une cinquantaine sont morts à Alep-Ouest par des tirs attribués aux rebelles. Les habitants d'Alep-Est «n'ont pas les moyens de survivre beaucoup plus longtemps», avait averti mercredi le patron des opérations humanitaires de l'ONU Stephen O'Brien devant le Conseil de sécurité de l'ONU, dont la réunion sur la situation à Alep s'est encore conclue sans avancée, signe de l'impuissance de la communauté internationale. «Le Conseil ne répond pas aux appels à l'aide des civils (d'Alep) car la Russie ne le veut pas», a dit l'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU Samantha Power. Son collègue britannique Matthew Rycroft a lui aussi dénoncé les «vétos» de Moscou. L'ambassadeur russe Vitali Tchourkine a rétorqué en accusant les Occidentaux de vouloir «sauver des terroristes» et «d'utiliser des problèmes humanitaires à des fins politiques». Dans le même temps, plus de 200 organisations humanitaires ont signé un appel pour que l'Assemblée générale de l'ONU se saisisse du dossier syrien et remédie à la paralysie du Conseil de sécurité. Une reprise de la totalité d'Alep représenterait la plus importante victoire enregistrée par le régime depuis le début de la guerre et renforcerait ses alliés: la Russie, l'Iran et le Hezbollah libanais. A l'inverse, elle serait une défaite cinglante pour les soutiens arabes et occidentaux de l'opposition syrienne, comme l'Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie. Ces différents acteurs ont participé au fil des années à la complexification du conflit en Syrie, où la coalition internationale menée par les Etats-Unis intervient depuis 2014 contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI). Cette dernière a reconnu jeudi avoir «probablement» tué 24 civils dans une frappe aérienne le 18 juillet près de Minbej. Elle a aussi indiqué que le nombre de ses victimes civiles dans la lutte anti-EI en Syrie et en Irak depuis 2014 était de 173.