L'interruption des frappes permettra, d'après le ministre russe de la Défense, «la sortie en toute sécurité via six couloirs humanitaires des civils et l'évacuation des malades et des blessés de la partie est d'Alep». La Russie et la Syrie ont suspendu hier leurs frappes aériennes contre Alep en préparation d'une «pause humanitaire» prévue demain dans cette grande ville du nord du pays, alors que des discussions internationales se tiendront aujourd'hui à Genève sur «la séparation entre l'opposition modérée et les terroristes». Cet arrêt des raids russes et syriens a commencé à 7h00 GMT, selon le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, qui a expliqué que cette suspension est «nécessaire pour la mise en oeuvre de la pause humanitaire» censée commencer le 20 octobre à Alep de 8h00 à 16h00 (heure locale). L'interruption des frappes doit également aider au succès des discussions axées «sur la séparation entre l'opposition modérée et les terroristes à Alep», devant débuter aujourd'hui à Genève, a encore expliqué Sergueï Choïgou. Pour sa part, l'ambassadeur russe aux Nations unies Vitali Tchourkine a annoncé que la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite avaient accepté de participer à ces discussions avec les Américains et les Russes pour avancer sur ce sujet. Ces trois pays ont «exprimé leur intention de travailler dur avec ces groupes d'opposition modérés afin qu'ils se dissocient» du Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra, branche syrienne d'Al Qaîda), a précisé Vitali Tchourkine soulignant que le rapport des forces était de «un à dix» entre combattants modérés (10.000 environ) et ceux d'Al-Nosra (900 environ) dans le secteur est d'Alep. Samedi à Lausanne (Suisse), les pays voisins de la Syrie ont été réunis autour d'une table pour apporter des suggestions. L'idée de séparer les extrémistes liés à Al Qaïda des groupes rebelles modérés a été avancée. Alep, deuxième ville de Syrie devenue enjeu crucial de la guerre dans ce pays, est divisée depuis 2012 entre ses quartiers est tenus par les rebelles et ses quartiers ouest, contrôlés par le gouvernement de Damas. L'annonce d'une pause humanitaire demain à Alep a été saluée par les Nations unies et l'Union européenne (UE) estimant toutefois que la durée de la trêve n'était pas suffisante pour permettre aux convois humanitaire d'acheminer l'aide aux civils des quartiers rebelles assiégés d'Alep. «Toute pause dans les hostilités est positive pour la population (...) mais nous avons besoin de plus de temps pour mettre en route la machine humanitaire», a déclaré le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric, en rappelant que l'ONU réclamait des pauses d'au moins 48 heures. Plus de 430 personnes ont péri dans des bombardements dans la partie rebelle de la ville, dans l'est, depuis le début de l'offensive aérienne le 22 septembre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH, basé en Grande Bretagne). Et 82 habitants ont été tués par des tirs rebelles sur les secteurs tenus par les forces du gouvernement, dans l'ouest de la ville, d'après cette même source. La crise syrienne a plongé les relations entre la Russie et les puissances occidentales dans une tension aux relents d'une nouvelle guerre froide. Ainsi, l'ambassadeur permanent de la Russie auprès de l'Onu, a déclaré dans une interview à l'agence Associated Press, que les relations russo-américaines traversaient la pire période depuis 1973, et faisaient penser à la guerre froide. Selon lui, cela est dû à une «chaîne d'événements». «Cela représente une sorte d'absence fondamentale de respect et d'absence de discussion approfondie des problèmes politiques». Cette tension entre les deux parties s'est davantage exacerbée après la rupture le 3 octobre des négociations entre Washington et Moscou sur le conflit syrien à la suite de l'échec d'un cessez-le-feu que les deux puissances avaient âprement négocié à Genève en septembre dernier. Dans ce même contexte, le directeur-adjoint du Centre d'études européennes et internationales de Russie, Dmitry Souslov, a estimé que la dégradation des relations russo-américaines est la résultante des «politiques extérieures diamétralement opposées» adoptées par la Russie et les Etats-Unis. «La Russie remet en cause le modèle de l'Ordre mondial prôné et mis en place par les Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide. Un modèle basé sur un leadership mondial, une unipolarité et l'universalité des normes américaines», a indiqué Dmitry Souslov. Or la Russie «adopte une vision mondiale multipolaire s'appuyant sur des prises de décisions collectives. La Russie refuse que l'Ordre mondial, qu'il soit à l'échelle de l'Europe, du Moyen-Orient ou de l'Eurasie, soit tributaire des intérêts des institutions occidentales ou des décisions unilatérales des Etats-Unis», a-t-il expliqué, ajoutant que Moscou «ne reconnaît pas à Washington le droit par lequel elle accorde la légitimité à un régime et ôte cette légitimité à un autre». Selon Dmitry Souslov, la Russie a affiché clairement, à maintes occasions, ces désaccords, notamment dans les crises en Ukraine et en Syrie. «La manière dont la Russie a affiché ses positions dans ces deux pays a constitué un véritable défi pour le leadership américain», a-t-il dit.