La réalisatrice iranienne recevant son Grand Prix pour le documentaire Sonita C'est sans grande surprise que nous avons accueilli le palmarès de la 7e édition du Festival international du cinéma d'Alger dédié au film engagé, tant certains très bons films ne pouvaient qu'y figurer... «Nous avons vu neuf documentaires,certains nous ont fasciné et d'autres questionné. Après un long et fructueux débat, nous avons décidé de rajouter deux mentions spéciales», a fait remarquer Denis Martinez sur les planches de la salle El Mouggar, jeudi soir, à la faveur de la cérémonie de clôture de la septième édition du Festival international du cinéma d'Alger dédié au film engagé. Côté documentaire, le jury présidé par Fatma-Zohra Zaâmoum et composé de Olivier Haddouchi, Denis Martinez et Sabrina Draoui a décerné le Grand Prix au film qui a ému toute la salle lors de sa projection et n'a pu échapper aussi à la sensibilité du jury, à savoir Sonita de la réalisatrice iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami. Prenant la parole en absence de Fatma-Zohra Zaâmoum donc, l'artiste Denis Martinez expliquera les raisons du choix du jury par ces termes: «Un film a particulièrement touché le jury, pour les qualités suivantes: le parcours courageux et fragile d'une personne qu'il présente, l'éclairage qu'il nous donne sur les conditions dans lesquelles vivent les réfugiés, la mise en valeur avec le recours à la musique et au chant comme arme de contestation et d'émancipation, l'engagement de l'auteur qui s'est impliqué jusqu'à déplacer les frontières géographiques». Aussi le Prix Spécial du jury est revenu à Fucocammare par-delà Lampedusa de Gianfranco Rosi (Italie). «Pour avoir présenté de façon puissante, les tragédies de l'époque, la détresse humaine, nées des guerres, des famines, pour ses qualités esthétiques et son intelligence politique». Une première mention à été décernée à Atentamente de Camelia Rodriguez Triana (Colombie) «Pour l'attention accordée à des personnages marginalisés, pour la délectation et la générosité du regard» et une seconde à Les héros invisibles de Alfonso Domingo et Jordi Torrent (Espagne et Etats-Unis) et ce, «Pour la façon dont il a donné un visage à des héros anonymes, pour le travail de mémoire qui articule de manière inédite la lutte antifasciste, au combat pour les droits civiques, pour avoir mis en lumière des événements relégués dans les marges de l'Histoire...» S'agissant de la fiction le président du jury Abdelkrim Bahloul, fera remarquer d'emblée que «les films que nous avons eu à juger sont d'inégale valeur parce qu'ils ont été conçus selon des budgets complètements différents..» Aussi après moult interrogations, le Prix du jury fiction a été accordé dira l'auteur de Le voyage à Alger «à un film essentiel pour nous, pour les sociétés arabes et musulmanes, dans le sens où il ne faut pas, à cause d'une tradition qui date du VIIe siècle, briser la vie des enfants, le destin des filles, vous l'aurez compris, il s'agit du long métrage Moi Noujoum, dix ans et divorcée de Khadidja Al Salami (Yémen). On est fiers qu'il y ait des réalisatrices comme celle-là qui a fait de sa vie un combat et de son combat un film. L'expression même de l'engagement...» et de renchérir: «Ce n'est parce qu'on vit dans un pays occidental riche, qu'on n'a pas de problèmes, tout est relatif. Aussi, nous avons décerné le Grand Prix à Moi, Daniel Blacke de Ken Loach. La Palme d'or de cette année faut-il le rappeler. Un film franco-britannique qui dénonce de façon radicale l'hégémonie de l'administration bureaucrate qui peut être cruelle contre les gens pauvres. Un film fait façon documentaire qui se focalise sur la vie d'un vieux monsieur déjà malade, qui va être aidé par une femme pour s'en sortir jusqu'à la fin... Notons que le Prix du public concernant le documentaire, et la fiction ont été multipliés par deux. En effet, le public a décerné son prix à la fois à Finding Fella et Sonita pour le documentaire américain Spotight de Tom McCarthy (Oscar du meilleur film de l'année 2016) et Moi, Daniel Blacke pour la fiction. Notons que cette soirée a été marquée également par l'hommage rendu à la cinéaste Djamila Sahraoui qui compte dans son parcours cinq documentaires, tous ont reçu de très grands prix avant de se tourner vers la fiction en réalisant Baraket et Yemma. Ce long-métrage film a récolté de nombreux prix dans de prestigieux festivals. C'est l'ambassadeur de Cuba qui lui remettra son trophée. Rappelons que cette édition du Fica était dédiée à Fidel Castro qui venait de disparaître. Emue jusqu'aux larmes, Djamila Sahraoui qui s'est dit honorée par cet hommage de son vivant en reconnaissant être une cinéaste entièrement engagée, dira être heureuse de «recevoir cette distinction parmi les miens surtout». Cette soirée s'est achevée avec l'allocution de Mme la commissaire à la clôture de la 7ème édition du Festival culturel international d'Alger, à savoir Mme Zehira Yahi. «Comme toutes les rencontres - et je pense surtout aux rencontres familiales -, elle se prépare dans l'excitation et l'inquiétude avec une touche de pagaille. Mais, dès qu'elle commence, la convivialité, la chaleur humaine et la joie de se retrouver effacent tous les autres aspects. C'est ce qui s'est encore produit pour cette septième édition avec cet extraordinaire brassage de cinéastes et de cinéphiles, de femmes et d'hommes, de jeunes et de moins jeunes, d'habitués et d'inconnus... «et de poursuivre sereine: «Ensemble, nous avons partagé cette fascination du grand écran qui nous procure une sensation unique en sortant de la salle, ce sentiment étrange de se trouver dans une rue que l'on ne connaissait pas. Et quand ce cinéma devient le cinéma du monde, celui de millions de personnes qui aiment la vie, ne comprennent pas qu'elle soit souvent si compliquée et ne supportent pas l'injustice, la haine et la bêtise, alors, cet art devient plus qu'un art et son émotion nous rend plus lucides et plus dignes encore.» et d'achever son discours: «Nous avons vu de beaux films, nous avons discuté de sujets intéressants, nous avons rendu un hommage mérité, nous avons aussi noué des relations professionnelles et humaines et nous nous sentons tous meilleurs. Et c'est bien cela, le but de la culture: nous rendre meilleurs.»Notons enfin que c'est le film brésilien Le professeur de violon qui a terminé cette cérémonie de clôture. Un très beau film et bien touchant sur l'histoire du dévouement d'un jeune professeur de musique qui, échouant à une audition qui lui permettra d' intégrer l'orchestre symphonique de São Paulo,ira enseigner à contrecoeur la musique à des adolescents d'Heliópolis, la plus grande favela de la ville. Mais les choses vont évoluer et des relations humaines vont s'installer. «Quand je joue, j'existe!» dira une adolescente de ces quartiers défavorisés....