«Nous conservons des crânes de résistants algériens du XIXe siècle que l'Algérie réclame, mais, dans la mesure où ils ne nous appartiennent pas, je ne peux pas les restituer sans suivre un processus assez compliqué», a déclaré le président du Muséum national d'histoire naturelle. Le débat sur le rapatriement des crânes des résistants algériens se trouvant dans certains musées en France remonte à la surface et risque de faire mal cette fois-ci. Alors qu'on pensait à Alger que les choses allaient «bon train» et que ce n'est qu'une question de temps pour voir leur rapatriement fait. Le président du Muséum national d'histoire naturelle où certains crânes sont «déposés», Bruno David, sort et bouleverse tout par ses déclarations. L'opération de rapatriement de ces crânes est complexe et risque de prendre beaucoup de temps, a-t-il dit récemment lors de son audition par la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le 7 décembre dernier, dont le compte-rendu a été publié avant-hier. «En tant que dépositaires des collections, nous devons évidemment en prendre soin, mais nous n'avons pas le droit de les céder. Cela peut d'ailleurs poser des problèmes d'éthique: nous conservons des crânes de résistants algériens du XIXe siècle que l'Algérie réclame, mais, dans la mesure où ils ne nous appartiennent pas, je ne peux pas les restituer sans suivre un processus assez compliqué», a-t-il expliqué. Le processus du rapatriement, selon Bruno David, «obéit à des règles, du point de vue éthique, afin de protéger la propriété intellectuelle et le patrimoine de chaque pays, mais elles compliquent sensiblement la vie du muséum». Et d'indiquer qu'il faut «garantir la traçabilité des matériels et être prêt à les restituer en fonction des situations». Avant d'affirmer «que cela est loin d'être simple pour les crânes humains». Ainsi, les déclarations de ce responsable, qui intervenaient à la veille de la commémoration des manifestations du 11 Décembre 1960 battent en brèche les affirmations du ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni. Ce dernier, rappelons-le, avait indiqué dans une déclaration faite le 31 octobre dernier que les démarches visant le rapatriement de ces crânes «vont bon train» pour récupérer ces ossements et les enterrer en Algérie. «La dignité humaine est sacrée et doit être respectée même pour les morts et rien ne justifie, ni moralement ni idéologiquement, que ces ossements soient laissés dans la situation déplorable actuelle», avait-il ajouté. Les images qu'une chaîne française avait diffusées en été dernier avaient suscité une grande colère auprès des Algériens et de certains intellectuels français. En Algérie, une pétition a été lancée en ligne, par l'universitaire Brahim Senouci pour rapatrier en Algérie ces restes afin d'«y recevoir une sépulture digne». En France, c'est un groupe d'intellectuels, parmi lesquels l'écrivain Didier Daeninckx et l'historien Gilles Manceron qui avaient revendiqué la restitution de ces crânes, en avançant: «Les crânes des révoltés de 1849 doivent être restitués pour rappeler l'histoire de la colonisation en Algérie.» Il est à rappeler que les noms des crânes des résistants algériens dont il est question sont entre-autres ceux de Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Cherif «Boubaghla», Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaâtchas (région de Biskra en 1849), Moussa El-Derkaoui, Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui.