De Francis Cabrel à Amar Ezzahi, le jeune artiste s'est approprié un style qui lui est propre. Il est jeune, timide, réservé. Manou, comme l'appellent intimement ses amis les plus proches, n'a peut-être pas la moindre idée du talent dont il fait montre à chaque fois qu'il se recroqueville sur son mandole. Et pourtant, il ne cesse depuis quelque deux ou trois années de faire parler de lui. De plus en plus, en effet, sont les familles qui font appel à ce petit jeune homme pour l'animation de leurs fêtes. «Mekoui» depuis son très jeune âge par les airs et les vers du chaâbi, une musique à laquelle il voue une passion jusqu'à la démesure, il n'a cessé, dans un environnement - communal - pourtant loin de lui être favorable, de gravir les échelons du succès dans cette petite ville de Aïn-Taya où le chaâbi, il faut le dire, occupe une place non négligeable. Petit déjà, avec l'aide de ses cousins musiciens, Manou apprend à taper sur la guitare pour, ensuite, s'astreindre à la rigueur des préceptes de cette musique du terroir. Très jeune, aidé par son frère et ses cousins, tous musiciens, Manou, de son vrai nom Rafik Meghrebi, s'initia à la guitare dans un orchestre familial de musique moderne. A cette époque-là, ses idoles étaient notamment les Dire Straits et leur soliste légendaire Mark Knopfler. Il éprouvait un penchant particulier aussi pour le poète et chanteur Francis Cabrel. Pour autant, la verve occidentale n'a pu venir à bout d'un amour sans cesse grandissant pour la musique chaâbi et particulièrement au Cheikh Amar Ezzahi: «Amar Ezzahi, c'est, pour moi, un artiste hors du commun, car il a su, et de quelle manière, se frayer une vocation et s'imposer aux côtés de grands maîtres à l'image d'El Anka, de Guerrouabi et bien d'autres» confie-t-il. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant de voir ce jeune artiste emprunter, mais à sa manière, quelques aspects musicaux que Ezzahi avait depuis quelques années introduits dans la musique châabie à l'époque encore hermétique à la recherche et à l'improvisation. Par sa voix tantôt douce tantôt profonde, il sait subjuguer. Du Sihli, au Mouwwal en passant par Raml El Maya ou Laârak...Manou, il faut le dire, qui n'a pas fréquenté l'école chaâbie ou andalouse, a, en quelques années, appris l'alpha et l'oméga de sa musique fétiche. Pour autant, sur cette même question, il dit regretter le fait de ne pas bénéficier d'une formation appropriée comme bien d'autres artistes de sa génération. Il s'explique: «J'aurais bien aimé suivre un cursus au conservatoire d'Alger, mais beaucoup de problèmes se sont dressés sur mon chemin». Mais si la notoriété du jeune Manou est ainsi acquise grâce aussi aux incessants efforts qu'il a consentis, c'est actuellement à son projet de produire un album qu'il pense le plus. Légitime pour un jeune talent d'espérer voir un jour le début de sa carrière marqué par une création musicale. Hélas, la réalité est tout autre. Les éditeurs dont la promotion des jeunes talents n'est pas leur première vocation, éditent leurs règles dans un marché national entièrement désorganisé. Des Manou, il y en a à la louche, pour peu seulement que les pouvoirs publics et particulièrement le ministère de la Culture daignent prendre en charge une jeunesse qui ne demande qu'à être écoutée.