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«Nous sommes disposés à réviser certaines clauses»
L'AMBASSADRICE ET CHEF DE LA DELEGATION DE L'UE, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 22 - 04 - 2010

Dans cet entretien accordé à L'Expression, la chef de la délégation de l'Union européenne (UE) à Alger, Son Excellence Mme Laura Baeza, revient sur l'Accord d'association signé en 2005 entre l'Algérie et l'Union européenne. Se référant à une étude d'évaluation, elle présente un bilan chiffré des investissements européens en Algérie.
L'Expression: Le ministre des Finances a établi, à partir de Crans Montana, un constat négatif sur l'Accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne. Quels sont vos commentaires? Pourquoi les investissements européens n'ont jamais été consistants?
Mme Baeza: Selon ce que j'ai pu lire dans la presse, le ministre des Finances a exprimé «sa déception» sur le fait que les «flux d'investissements européens sont en deçà des attentes de l'Algérie» alors que l'Accord d'association était censé les renforcer. Je tiens à vous préciser que selon les chiffres dont nous disposons, grâce à l'étude d'évaluation de l'accord, les investissements européens ont été pratiquement multipliés par 5 en l'espace de quatre ans (2005/2008). Ils sont passés de 234 millions d'euros en 2005 à 1,14 milliard d'euros en 2008.
Plus significatif encore, les investissements européens, avec l'entrée en vigueur de l'Accord d'association, ont suivi une progression remarquable en doublant deux fois entre 2005 et 2006 puis entre 2006 et 2007. Là aussi, il y a un autre élément qui mérite d'être souligné, ce sont les investissements européens, qui étaient concentrés en 2005 dans le secteur des hydrocarbures à plus de 70%, sont diversifiés et ne représentent que 30%. Nous pouvons donc affirmer qu'il y a eu un effet positif de l'accord en ce qui concerne l'augmentation des investissements européens. Au niveau du commerce, je cite à titre d'exemple les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l'Union européenne, qui représentaient 1,23 milliard de dollars en 2008 contre 912 millions dollars en 2007, soit une augmentation de 35%.
C'est une conséquence de la mise en oeuvre de l'Accord d'association qui a permis, notamment aux produits industriels algériens d'être exportés en exonération totale des droits de douane vers les 27 pays de l'Union. Mais, il faut rappeler que si le marché européen est le plus grand du monde, il reste tout de même un marché très exigeant avec des règles et des normes sanitaires, phytosanitaires et de qualité très strictes à respecter. Les entreprises algériennes, qui se sont adaptées à nos normes, ont été en mesure d'exporter vers l'UE. Avec la crise économique et financière en 2009, il est tout à fait normal d'observer un phénomène de baisse sensible des investissements, qui ne concerne pas seulement les Européens et qui touche tous les pays. C'est du domaine public, les investisseurs sont très sensibles à la conjoncture mais également aux facilités qu'ils rencontrent sur place. Il faut rappeler que les décisions d'investir à l'étranger sont du ressort des entreprises privées et non des institutions étatiques.
Pensez-vous que les critiques formulées par le gouvernement algérien traduisent une volonté de geler cet accord? Une telle éventualité (gel) est-elle possible?
L'Accord d'association est un accord international. Et l'Algérie est réputée auprès de la communauté internationale pour le respect de ses engagements. Nous ne ressentons pas du tout «cette volonté du gouvernement algérien de geler l'Accord».
Je peux vous affirmer que la mise en oeuvre de l'Accord d'association se déroule le plus normalement du monde. Les différentes réunions de hauts fonctionnaires au niveau des divers comités ad hoc et groupes de travail se tiennent régulièrement. La préparation du 5e Conseil d'Association, prévu pour juin prochain, avance bien. Comme vous le savez, une importante délégation interservices de la Commission européenne, dirigée par M.Tomas Dupla Del Moral, s'est rendue à Alger il y a à peine deux mois, durant laquelle elle a rencontré les responsables algériens. Elle a été reçue par le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui a souligné que l'Accord d'association est «non seulement bien compris, mais respecté, telle est la volonté de l'Algérie». L'Accord d'association est un choix stratégique pour les deux parties.
Maintenant, après cinq ans de mise en oeuvre de l'Accord, c'est le bon moment pour faire un bilan. Cela n'a rien d'anormal d'autant que la conjoncture internationale est marquée, depuis deux ans bientôt, par une grave crise économique et financière mondiale. Des dispositions sont prévues dans l'Accord pour lui donner la possibilité d'évoluer et de mieux s'adapter au nouvel environnement. Une clause du texte prévoit la possibilité de réviser la liste des produits agricoles et agroalimentaires, si nécessaire, cinq années après l'entrée en vigueur de l'Accord, c'est-à-dire cette année. Nous sommes disposés à le faire. De même, il est également prévu de poursuivre les négociations dans le domaine des services. Je dois ajouter que tant l'Union européenne que l'Algérie, chacune à son niveau, tentent de faire face à cette crise qui est l'une des plus graves que le monde ait connues depuis celle de 1929.
Outre les remarques sur les investissements, le gouvernement reproche à l'Union européenne de n'avoir pas respecté ses engagements concernant la mise à niveau des entreprises. Qu'en est-il en réalité?
Je tiens à rappeler qu'avant la signature de l'Accord d'association, nous avions mis en place, avec les autorités algériennes, une série de programmes d'accompagnement au profit des PME afin d'améliorer l'environnement entrepreneurial et les aider à devenir plus compétitives pour les préparer à faire face à la concurrence étrangère née de l'ouverture progressive du marché local.
Nous avons donc mis en place le projet intitulé, «Appui aux petites et moyennes entreprises». Doté de 60 millions d'euros dont 57 (environ 5,7 milliards de dinars) de contribution de l'Union européenne, il a permis la mise à niveau de près de 500 entreprises. Cette mise à niveau a concerné la quasi-totalité des secteurs d'activités avec un accent plus particulier pour les secteurs de l'agroalimentaire, de la chimie, des matériaux de construction et de la mécanique/métallurgie. Par ailleurs, près de 4500 personnes issues des milieux des PME, des banques et des consultants ont pu bénéficier des 300 actions de formation élaborée dans ce cadre. Enfin, face aux difficultés rencontrées par les PME pour accéder au crédit bancaire, l'Union européenne a mis à disposition un «Fonds de couverture de garantie» de 20 millions d'euros afin de promouvoir le concept de garantie financière pour les crédits aux PME/PMI, dans le milieu bancaire et son acceptation et utilisation effective par les banques et les entreprises. Ces fonds ont été confiés à deux organismes algériens: le Fonds de garantie (Fgar) et la Caisse de garantie des crédits d'investissement pour les PME (Cgci).
C'est ainsi, grâce au projet, qu'à partir de 2006 le Fgar et la Cgci ont démarré leurs activités de garanties financières aux PME/PMI proposant des couvertures de garantie à une cinquantaine de PME algériennes dans une première phase pilote. Après la fin du projet PME, il a été décidé de rétrocéder les 20 millions d'euros du «Fonds de Garantie» au Fgar et à la Cgci pour qu'ils continuent d'être utilisés exclusivement à garantir les crédits d'investissements, d'extension et de développement octroyés par les banques et les établissements financiers en faveur des PME/PMI algériennes privées. Ce programme s'inscrit dans le cadre des réformes engagées par les autorités algériennes visant à accompagner les PME/PMI, notamment industrielles. Il leur permettra de devenir des entreprises compétitives et capables de soutenir la concurrence (aussi bien nationale qu'internationale) et la croissance économique du pays. Malgré un démarrage un peu lent (signé en 1999, il n'a été mis en oeuvre qu'en 2002), ce programme a rencontré un vrai succès auprès des PME et à la demande du gouvernement algérien, nous venons de lancer un PME II avec une enveloppe financière de 4 milliards de dinars (40 millions d'euros) qui vise à poursuivre et approfondir les efforts autour de quelques filières sélectionnées.
Neuf mois après l'introduction des nouvelles mesures économiques par la LFC, quel bilan peut-on faire de la coopération entre l'Algérie et l'Union européenne?
Toutes les mesures récentes de contrôle du commerce extérieur et de l'investissement ont suscité un vif débat au sein des entreprises nationales, mais aussi parmi les sociétés internationales installées en Algérie.
Vous savez que, comme en sport, les politiques purement défensives permettent de gagner du temps mais rarement de gagner. Au moment où l'Algérie se plaint de ne pas attirer les IDE, ces mesures restrictives ont beaucoup de chance de décourager davantage les investisseurs étrangers potentiels qui n'ont pas été touchés de plein fouet par la crise financière et qui cherchent un environnement juridique favorable et stable. C'est un signal peu encourageant et l'Union européenne l'a clairement indiqué aux autorités algériennes, à plusieurs reprises. Néanmoins, nous comprenons que la crise économique a incité les autorités algériennes à adopter des mesures extraordinaires à caractère conjoncturel, notamment pour équilibrer la balance commerciale. Ces mesures ont donné les résultats escomptés à cet égard, mais elles ont également eu un impact négatif sur la disponibilité de certains produits, essentiellement importés sur le marché algérien.


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