Le ministre marocain des Affaires étrangères, qui n'a eu de cesse de désigner du doigt l'Algérie pour mieux masquer sa désastreuse gestion de l'expulsion de la militante sahraouie des droits de l'homme vers l'île de Lanzarote, est en mauvaise posture. La rue marocaine s'interroge. Le retour triomphal et sans conditions d'Aminatou Haïdar à El Aâyoune ne symbolise-t-il pas une défaite de ceux qui la gouvernent? Un homme est particulièrement en ligne de mire: Taïeb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération. Autour de lui s'organise l'union sacrée. Bénéficiant du soutien de pratiquement l'ensemble de la classe politique, il n'en est guère de même pour l'opinion publique et particulièrement pour l'Association le Sahara marocain qui, à elle seule, à travers ses réactions, illustre le malaise persistant au sein de la classe politique marocaine qui tente tant bien que mal de faire tourner à son avantage le revers diplomatique que vient de subir l'Exécutif marocain. Œuvre d'un petit bout de femme qui a fait plier le roi après 32 jours de grève de la faim avec un soutien remarquable de la communauté internationale dont l'intensité a été portée à son comble. Elle a rallié à sa cause les hommes d'Etat les plus puissants de la planète et les personnalités les plus en vue au niveau international! Le pouvoir marocain pris à la gorge a cédé. Curieusement, il tente de transformer cette débâcle en victoire. L'argument est dérisoire: le Maroc s'est sorti du piège que lui ont tendu les Algériens. Si cette paranoïa régulièrement entretenue par les services marocains est devenue le leitmotiv des responsables du Royaume, au niveau de la rue la mayonnaise ne prend plus. Le bel édifice est lézardé. Dans les cercles les plus influents on ne s'interroge plus. «Si certains observateurs estiment que le ministère des Affaires étrangères a géré le dossier avec professionnalisme, d'autres affirment par contre que le retour d'Aminatou Haïdar est un échec pour la diplomatie marocaine», a rapporté dans son édition du 22 décembre, et sur son site, le quotidien Aujourd'hui Le Maroc. La déclaration du président de l'ASM, une association qui défend bec et ongles la marocanité du Sahara occidental et qui ne rate pas une seule occasion pour tomber à bras raccourcis sur l'Algérie, était pour le moins la plus inattendue. Elle représente le prototype même des réactions ayant accompagné le retour de la pasionaria sahraouie à El Aâyoune. «Si on avait géré ce dossier de manière plus professionnelle, on n'allait pas tomber dans le piège des adversaires de notre intégrité territoriale. Le ministre des Affaires étrangères assume l'entière responsabilité dans cette affaire qui a mis à mal les Marocains», a reconnu Mohamed Réda Taoujni. Le président de l'ASM n'a pas hésité à réclamer la tête de Taïeb Fassi Fihri, selon les informations rapportées par Aujourd'hui Le Maroc. «La diplomatie algérienne doit être une référence pour son homologue marocaine, ne serait-ce qu'en ce qui concerne le dossier du Sahara. Nous avons besoin d'une diplomatie très forte qui défend notre position. Le rôle du ministère des Affaires étrangères et des ambassades marocaines à l'étranger sont à revoir de manière radicale», a estimé M.Taoujni. Il faut remarquer que l'Association avait annoncé le 8 décembre l'envoi d'une délégation de 16 personnes à Lanzarote pour «dénoncer les allégations mensongères et provocations d'Aminatou Haïdar contre le Maroc et son intégrité territoriale», a mentionné un communiqué de l'ASM. C'est pour dire si la démarche de Fassi Fihri n'a pas trouvé de soutien sans faille au sein de la société civile marocaine. La déception n'a eu cependant d'égale que l'aboutissement heureux du bras de fer engagé par la résistante sahraouie contre ceux qui ont voulu la détruire. Certains d'entre eux, à l'instar des membres de l'ASM, viennent de le reconnaître publiquement. Sauf le ministre marocain des Affaires étrangères qui, à l'issue d'un Conseil des ministres qui s'est déroulé jeudi à Rabat, a continué à voir en l'Algérie la cause de ses déboires diplomatiques. «La communauté internationale a clairement réalisé que l'Algérie se dérobe aux négociations au moment où les Nations unies et les pays influents insistent sur le fait que la question centrale ne porte pas sur un dossier, au demeurant traité d'un point de vue humanitaire, mais bien sur l'amorce de négociations sur fond de conflit, pour parvenir à un règlement politique du compromis.» Pour le commun des mortels, un tel discours s'appelle de la langue de bois. Et que l'on sache, l'Algérie ne s'est jamais opposée à des négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario, comme convenu d'ailleurs par l'Organisation des Nations unies. L'affaire Aminatou Haïdar a pris suffisamment de place, pour se situer au coeur même de la question de l'indépendance du peuple sahraoui, et mettre mal à l'aise la classe politique marocaine. Le Royaume alaouite qui a, ces derniers temps, beaucoup fait dans la désinformation, vient de subir une mise au point cinglante sous forme de communiqué de la part du gouvernement espagnol au sujet de sa mainmise sur le Sahara occidental. «Le ministère des Affaires étrangères n'a réalisé aucun acte de reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, ni procédé à aucune évaluation juridique que le Maroc exerce, de facto, aucune compétence sur ce territoire», a précisé, mardi, le texte du ministère espagnol. Voilà qui s'appelle remettre les pendules à l'heure.